Ovni animé, Samuel bouscule les formats

Présents au PIX Festival, Damien Megherbi (producteur et distributeur chez Les Valseurs) et Jérôme Allard (chef du pôle numérique de Pictanovo) sont venus raconter l’aventure singulière de Samuel…
Un succès international au rendez-vous pour Samuel © E. Tronche / Arte / Les Valseurs

Diffusée en 2024 par ARTE et bientôt à l’international, la série d’Émilie Tronche, incarne un succès critique évident mais aussi public puisque Samuel, c’est près de 50 millions de vues cumulées sur les différentes plateformes. Un chiffre “hallucinant, presque abstrait” pour Damien Megherbi, mais révélateur de la puissance émotionnelle de cette série animée, aussi atypique que touchante.

 

Un ovni pensé lors du confinement

Tout commence pendant le confinement. Émilie Tronche publie sur TikTok un épisode de Samuel qu’elle a réalisé et monté de son côté. Damien Merghebi tombe dessus par hasard. Il est tout de suite séduit par la direction artistique déjà très affirmée et les quelques lignes narratives esquissées. « On a travaillé à rebours de ce qu’on fait habituellement, sans bible, sans développement classique » raconte Damien Megherbi « Emilie avait déjà trouvé sa voix, on a simplement amplifié sa vision initiale».

C’est un pari risqué, mais Arte décide de suivre le projet. Peu de diffuseurs osent encore miser sur de l’animation, encore moins en noir et blanc et à destination des réseaux sociaux. Et pourtant, le succès est au rendez-vous. Le format court, l’univers visuel radical, l’authenticité qui en émane… tout concourt à faire de cette micro-série un cas d’école de narration hybride.

 

Du réseau social à la télévision

Pensée dès le départ pour les réseaux sociaux, la série tire parti de leur langage et de leurs codes. La musique, omniprésente, y joue un rôle central. « C’est un élément clé dans l’écriture d’Émilie. La bande sonore dicte le rythme des épisodes », explique Megherbi. Chaque épisode comprend un ou deux morceaux connus — ABBA, P. Diddy… — choisis par Émilie pour leur portée émotionnelle et narrative « On a réécrit certains épisodes quand on n’a pas pu obtenir les droits ». Sur un budget total de 1,25 million d’euros pour la série, l’enveloppe dédiée à l’achat des droits musicaux s’élève à plus de 250 000€, « On a posé une limite quand elle a voulu utiliser un morceau des Beatles ! », plaisante le producteur.

Lancée d’abord sur Arte.tv et TikTok, Samuel a également trouvé sa place à l’antenne d’Arte en décembre 2024, bouclant ainsi la boucle entre expérimentation numérique et diffusion linéaire. La plateforme Arte à suivre a aussi été un relais important. Le succès est immédiat : public jeune, adulte, critiques… Samuel fédère et touche.

 

Une ingénierie française du financement

Ce succès repose aussi sur une ingénierie de financement particulièrement agile, rendue possible par l’écosystème français. Samuel a bénéficié du soutien de Pictanovo, acteur régional clé, qui a su comprendre les enjeux du projet dès sa phase de développement, à mi-chemin entre production télévisée et narration pensée pour TikTok. « Il faut des dispositifs capables d’accompagner des écritures non conventionnelles, en dehors des formats standardisés », souligne Jérôme Allard. Cette capacité à financer des projets hybrides, parfois à contre-courant, témoigne d’un modèle de soutien public à la création que beaucoup envient à la France.

L’une des conférences phares du PIX 2025 ! © Nina Faudeux
Et demain ?

L’aventure Samuel ne s’arrête pas là. La série a rencontré un très bon accueil en Espagne, où elle a été adaptée avec des prénoms et des musiques spécifiques pour mieux coller au public local. Des discussions sont en cours avec des diffuseurs majeurs aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Asie. Côté extensions, le public en demande déjà plus. Un roman graphique centré sur le personnage de Bérénice est en cours de développement, ainsi qu’une adaptation en bande dessinée prévue pour le 21 mai. Mais tout ne peut pas devenir produit dérivé : « La qualité reste la priorité ».

Les Valseurs ouvriront prochainement un studio à Lille, preuve que cette dynamique créative irrigue aussi les territoires. Quant à l’intégration de l’IA dans la production, elle est en réflexion : « L’important, c’est que l’utilisation soit transparente, et les droits clairs », rappelle le producteur. Samuel montre qu’il est possible de faire émerger un contenu singulier, poétique, exigeant, à l’intersection des formats et des usages. À condition d’y croire…


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