La production interactive “Tantale” fait l’ouverture du Fipa

Avec ses 5 fins différentes possibles et ses 25 façons d’y parvenir, "Tantale" a fait sensation lors de sa projection en ouverture de la 30e édition du Fipa de Biarritz, le 24 janvier. Si la projection d’un film interactif représentait une première, il s’agissait également du premier programme à avoir été développé dans le cadre des pitchs du Smart Fipa…
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« Avec Tantale, vous devenez le président de la République, sur le principe d’une « histoire dont vous êtes le héros ». Vous allez devoir négocier avec subtilité pour que les prochains Jeux olympiques soient attribués à Paris. Entre tentatives de corruption et manœuvres en tous genres, c’est l’avenir de la France qui est entre vos mains ! »

Gilles Porte, réalisateur de cette production atypique, et son producteur Jerémy Pouilloux (La Générale de Production) nous font découvrir les coulisses techniques d’une intrigue dont la mécanique s’articule sur des jeux d’influence…

 

Une genèse mouvementée !

« Marc Gibaja et Mathilde Mélèse ont écrit le scénario pendant que je travaillais sur le tournage de “Dans les forêts de Sibérie” de Safy Nebbou. Pour eux, cela a été une schizophrénie totale ! On avait beau réduire des paramètres comme l’unité de lieu, l’unité de temps, le petit nombre de personnages (six comédiens en tout), il restait tout de même un grand nombre de curseurs sur lesquels jouer, à partir du moment où ceux-ci étaient multipliés par les choix offerts au spectateur. Finalement, on arrive aujourd’hui à 25 histoires de 30 minutes ! ».

Et, en termes d’unité de temps, entre le moment où le président prend son bain (au début) et celui où le film se termine, il se déroule quatre ou cinq heures maximum « avec une ellipse à la fin, puisque son discours a lieu le lendemain matin à 10h00 », retrace Gilles Porte.

 

L’interactivité, moteur de l’immersion dans l’intrigue

« Au cœur de l’intrigue, le spectateur devient doublement acteur : il y a une part de spectacle mais aussi une volonté de distance : nous sommes dans la peau du président, mais nous ne sommes pas le président. Nous sommes à sa place et, en même temps, on le regarde faire », récapitule le réalisateur.

« C’est la question de l’immersion du public qui est au centre de la question de l’interactivité, c’est-à-dire pourquoi on laisse ce choix au spectateur», intervient Jérémy Pouilloux avant d’ajouter : « Ce n’est pas juste parce que c’est amusant, c’est aussi parce que, effectivement, cela fait appel à des logiques de jeu qui relancent l’intérêt… ».

Pour ce qui est du principe directeur, il fallait éviter le côté « je choisis d’aller à droite, je choisis d’aller à gauche », poursuit-il. « Ce n’est pas du tout ce qui nous intéressait en matière d’interaction, nous avons d’ailleurs mené une réflexion très longue avec Romain Bonnin, qui est l’auteur de l’experience design (visionnez notre interview Web TV S4All “Trois types de fiction pour sortir de la narration linéaire”). Il s’agissait vraiment de donner au spectateur la possibilité d’une identification plus forte. »

« On n’est plus seulement dans ce qu’on connaît sur les neurones miroir où l’on va se reconnaître dans des comportements identifiés à l’écran, mais « à la place du personnage », on prend les décisions pour lui. Ce sont des mécanismes qui sont balisés dans le domaine du jeu vidéo, et dans ce type de fiction les deux modèles cohabitent ».

Gilles Porte précise : « Nous avons aussi fait en sorte que le film puisse se regarder sans forcément intervenir ; qu’il puisse tenir la route, sans reposer sur l’interactivité, comme n’importe quel film en fait ! ».

 

Une expérience qui peut être vécue en ligne et en salle de cinéma

L’expérience peut être vécue en ligne dans des conditions optimales, puisque le projet a été pensé pour ce media, avec une écoute au casque en son binaural. L’internaute se voit proposer à chaque prise de décision deux possibilités (flèche gauche, flèche droite)…

« Mais c’est vrai qu’on l’a pensé aussi pour la salle de cinéma… Techniquement cela soulève bien évidemment des questions car les exploitants et les distributeurs ne sont pas préparés à travailler sur ce type de projets. Le paradoxe c’est que, d’un point de vue technique, ce n’est pas particulièrement compliqué. Il faut simplement que la salle soit équipée d’un réseau wifi opérationnel pour que l’interaction entre les téléphones des spectateurs et la fiction fonctionne. Pour profiter du son binaural, il faut idéalement que la salle soit équipée en casques audio, mais nous avons aussi prévu un mix 5.1, pour une diffusion de Tantale en salle sans casque », détaille le producteur.

 

Une « bande son binaurale » très élaborée

La décision de produire un son binaural a été prise très en amont dans le projet : « Nous avons fait des tests et l’on s’est rendu compte du potentiel de la technique pour travailler l’immersion du spectateur. »

Le son stéréo se limite a une spatialisation gauche-droite, tandis que le son binaural, ou son 3D, restitue une spatialisation sonore haut-bas, devant-derrière, près-loin. Son utilisation devait apporter quelque chose à la dramaturgie et non pas l’inverse… « J’ai décidé, pour lui donner un plus grand impact, que le film se ferait en son stéréo classique mais qu’à au moment des choix, le son binaural serait activé pour offrir un stimulus un peu particulier, comme une balise qui avertit le spectateur qu’une question va lui être posée. »

Ce postulat du son binaural a obligé l’équipe à se poser beaucoup de questions de point de vue en amont du tournage, ce qui était plutôt très positif. « Cette réflexion sur le son, m’a amené à choisir des éléments de mise en scène comme la soupière, le chariot à roulettes, les tableaux, le réveil, le ventilateur dans la chambre. Ces objets génèrent des sons qui pouvaient, en postproduction, être transformés, tordus, en son d’hélicoptère par exemple pour le ventilateur.

Gilles Porte explique : « J’ai aussi choisi des tableaux qui prennent place dans le décor en fonction de ce qu’ils peuvent générer en termes de son. Ce n’est pas un hasard si derrière le président, ou dans son bureau, il y a un tableau avec des chevaux et des canons. À certains moments, à l’intérieur de “bulles”, j’ai eu la volonté de travailler un son moins naturaliste ».

 

 

TANTALE : LA FICHE TECHNIQUE

• La Générale de Production – Jérémy Pouilloux – 2016

• Coproducteurs et partenaires financiers : France Télévisions Nouvelles Écritures, Pictanovo (région Nord Pas-de-Calais), Radio France, CNC.

Équipe

   Réalisation, image : Gilles Porte
   Scénario : Marc Gibaja & Mathilde Mélèse
   Musique : Vincent Courtois
   Montage : Catherine Scwartz & Camille Langlais
   1er assistant réalisateur : Thomas Brutschi
   Scripte : Virginie Prin
   Chef opérateur son, montage son : Sébastien Noiré
   Costumes : Nadia Chmilewsky, Delphine Poiraud
   Maquillage : Anna Arribas
   Décors : Patrick Colpaert, Tara Roy
   Directrice de production : Sarah Coutausse & François Willig
   Agence web : Uzik (David Basso)
   Conseillère technique : Lidwine Hô

 

INTÉGRALITÉ DE L’INTERVIEW À DÉCOUVRIR EN VIDÉO…