Les dernières générations de caméscopes de reportage sont très souvent équipées de deux slots pour les cartes mémoires. Elles peuvent fonctionner alternativement pour effectuer un enregistrement continu, ou bien en parallèle pour remédier à un défaut technique. Quand le caméscope est équipé de deux codecs de compression distincts, l’opérateur peut choisir de réaliser un enregistrement « haute qualité » sur le slot A et un enregistrement avec une compression plus forte, dénommé alors « Proxy » sur le slot B. Grâce à une interface réseau ces fichiers « Proxy », plus légers, seront transférés beaucoup plus vite vers la chaîne pour une diffusion presque live ou un prémontage.
Une interface réseau pour transmettre plus vite les fichiers
Cette interface réseau offre de nouvelles fonctionnalités inconnues jusqu’à présent. En dotant le caméscope d’une interface web, le JRI ou un assistant pourra, à partir d’un micro-ordinateur, d’un smartphone ou d’une tablette, télécommander des fonctions d’enregistrement, contrôler les réglages, disposer d’un retour écran, consulter les plans enregistrés.
La compression vidéo H.264 employée de façon quasi systématique pour l’enregistrement des fichiers Proxy et l’ajout des protocoles vidéo sur IP autorisent la transmission live des images capturées via un réseau wifi ou 4G. Mais cela est insuffisant pour remplacer les DOS/4G. Ceux-ci sont conçus pour transmettre les images live par agrégation de réseau et via plusieurs liaisons 4G simultanées, si possible sur des opérateurs distincts. Ceci afin de sécuriser la liaison et d’en compenser les aléas.
Dans le cas des caméscopes, un seul port réseau est disponible et donc une liaison unique 4G sera exploitée pour le live. Tous les constructeurs compensent cet inconvénient en y ajoutant des protocoles propriétaires de correction d’erreur basés sur la technologie FEC (Forward Error Correction) et en proposant un serveur de réception dédié, capable d’ajuster au mieux le débit vidéo par rapport aux variations de la transmission. Mais avec leur technologie de « bonding » (multiplexage inverse) les encodeurs et DOS/4G conservent un avantage indéniable par rapport aux caméscopes avec interface réseau intégrée.
Dans leurs spécifications, les constructeurs des caméscopes connectés fournissent une large palette de formats pour les résolutions d’images, les codecs de compression et de débits résultants. Une lecture attentive des modes d’emploi montre qu’il existe de nombreuses restrictions pour le codec B en fonction des choix effectués pour l’enregistrement haute qualité sur le slot A, les protocoles réseaux de transmission utilisés et la latence acceptée.
Les trois principaux constructeurs d’équipements de reportage (JVC, Panasonic et Sony) proposent chacun à leur catalogue des caméscopes équipés d’interface réseau. Ils sont associés à des services de cloud, spécifiques à chaque marque. Les modalités d’exploitation et l’intégration des outils de streaming présentent des différences importantes, car liées à des objectifs et des stratégies distincts.
JVC met l’accent sur le live et le streaming
JVC équipe plusieurs modèles de caméscopes avec des fonctions d’accès réseau et des outils de streaming. Le GY-HM660 est un modèle de poing HD destiné au reportage, tandis que les GY-HM850 et 890 sont des caméscopes d’épaule plus orientés ENG, le 890 disposant même de fonctions de tournage multicam avec CCU. Deux modèles 4K sont également équipés de ces fonctions de streaming, les GY-LS300 et GY-HM200. Mais pour la diffusion en streaming, les résolutions sont limitées à la HD.
Face à la multiplicité des modes d’accès au réseau, le constructeur a choisi d’implanter un port unique USB de type « Host » que l’utilisateur complète au choix avec une clé 4G, un adaptateur wifi ou une interface USB/RJ-45 pour un raccordement filaire.
Le flux de streaming est encodé au choix en Mpeg-2 TS (UDP ou TCP), en RTSP, RTMP (compatibles entre autres avec les services Ustream, YouTube ou Wowza) et enfin le protocole propriétaire Zixi. Zixi est une plate-forme d’échanges et de diffusion de streaming qui propose des services d’hébergement, de codage et de distribution de contenus vidéo sur IP. Elle a mis au point un protocole de streaming propriétaire basé entre autres sur la correction d’erreur FEC (Forward Error Correction) et l’ARQ (Automatic Repeat reQuest). Il a pour objectif de fiabiliser la liaison et de réduire les erreurs dues aux aléas de transmission des réseaux IP. Il est capable de compenser les défauts et pertes de paquets jusqu’à 30 % d’erreurs.
JVC a intégré ce moteur d’encodage Zixi dans ses caméscopes. Il fonctionne, bien entendu, avec les infrastructures de Zixi ou avec des équipements basés sur ce protocole, comme le serveur de réception JVC BR-DE800. Celui-ci reçoit le flux d’images, le décode et le transmet sur une sortie SDI pour envoyer le contenu vers un équipement de production.
Outre la diffusion en live, les caméscopes JVC dotés de fonction de streaming sont capables de transmettre les contenus enregistrés en haute ou basse définition vers un serveur FTP. Le journaliste les transmet soit intégralement, soit en plaçant des balises sur les fichiers pour n’envoyer que les parties utiles à la chaîne. Une récente mise à jour du firmware améliore la transmission FTP avec une fonction « resume » pour reprendre le transfert lors d’une rupture de la liaison. Le modèle GY-HM660 vient également de recevoir une fonction de retour son de type IFB pour transmettre les ordres au cadreur. Le modèle 4K GY-HM200 est disponible dans une nouvelle version dénommée ESB (Entertainment, Sports and Broadcast) qui ajoute des fonctions d’incrustation de titres et de scores dans l’image transmise en sortie.
JVC a signé un accord commercial avec Streamstar qui conçoit et fabrique des systèmes intégrés de production live (mélangeur à six entrées SDI, habillage graphique, fonctions de lecture et d’enregistrement…) avec diffusion en streaming. Streamstar y a intégré l’API de pilotage et de décodage des caméscopes JVC, ce qui offre six entrées vidéo IP supplémentaires, raccordées en Ethernet. Avec cette architecture, il est possible d’installer facilement un plateau déporté en remote production. Le Streamstar est également compatible avec le protocole NDI de NewTek.
Videocloud de JVC, un service de diffusion orienté corporate
Pour aider ses clients à aborder sereinement la diffusion en streaming, JVC a lancé Videocloud, une plate-forme de diffusion et d’hébergement de contenus vidéo. Ceux-ci sont diffusés en direct lors d’une retransmission depuis un caméscope ou le mélangeur Streamstar, ou enregistrés sur les baies de stockage du service pour une consultation en VOD. Il est possible d’enrichir les contenus avec des métadonnées, de gérer les droits de consultation, de suivre les audiences et de monétiser la consultation via le service adSense de Google.
Les contenus sont accessibles soit directement depuis une URL ou bien peuvent être intégrés dans un site web spécifique. Le service est gratuit en version starter avec 50 heures de visionnage par mois, 5 Go de stockage et une chaîne en direct. Ensuite, deux niveaux d’abonnement, Plus et Premium, sont proposés à 60 et 120 euros HT par mois avec en Premium : 1 000 heures de visionnage mensuelles, 100 Go de stockage et un nombre illimité de chaînes live. Le dimensionnement du service a été défini pour une communication de type « corporate » ou institutionnelle avec des audiences limitées. JVC offre un an d’abonnement au service Premium à tout acheteur de caméscope JVC équipé de fonctions réseau.
Sony, des modules externes pour offrir l’accès réseau à toute la gamme
Sony propose également des outils pour transmettre en direct les images captées avec ses caméscopes de reportage. Afin d’offrir ces fonctions de transfert et de streaming à une large gamme de produits, le constructeur a conçu un adaptateur sans fil qui regroupe à la fois les fonctions d’encodage, d’enregistrement en fichier Proxy et de gestion de l’interface réseau.
Il est proposé en deux versions, l’une équipée d’une entrée SDI et d’un connecteur USB, le modèle CBK-WA100, pouvant se raccorder à un grand nombre de caméscopes, et le modèle CBK-WA101 qui récupère le signal vidéo et l’alimentation via un connecteur spécifique du caméscope. Le second modèle se branche uniquement sur les modèles PMW-400 et PXW-X320.
Enfin pour trois unités de reportage plus récentes, les PXW-X180, PXW-X200 et PXW-X500, Sony a décidé d’intégrer le système de streaming et de gestion du réseau dans l’appareil lui-même, à charge pour l’utilisateur d’insérer un adaptateur wifi Sony CBK-WA02 ou une clé 4G d’un opérateur mobile sur le connecteur USB « host ».
Pour contourner la limitation du connecteur unique et accéder au réseau, Sony a prévu, avec son adaptateur wifi, un support CBK-NA1E qui permet de connecter simultanément la clé wifi et une clé 4G. Via le wifi, on pourra associer au caméscope une tablette ou un smartphone sur lequel tourne l’application CBM (Content Browser Mobile) disponible sous iOS et Android. Elle offre de multiples fonctions de dialogue avec le caméscope et son adaptateur sans fil pour en contrôler les réglages de prise de vues (zoom, mise au point, diaphragme, gamma, balance de blancs et de noirs, gain), les paramètres d’encodage et gérer les métadonnées. Elle sert également de player vidéo pour voir les images captées, lire les séquences enregistrées, les sélectionner pour une transmission en mode fichiers via le FTP.
Toutes ces fonctions sont aussi accessibles via un navigateur web depuis un PC. Grâce à la fonction Near-Live File Transfer, les fichiers enregistrés sont transmis vers le serveur FTP en parallèle avec l’enregistrement qui continue. Le logiciel CBM constitue une véritable tour de contrôle facilitant la mise en œuvre du caméscope et de son système de transmission, sans passer par les multiples menus et sous-menus du viseur.
Sony complète ses outils de transmission sans fil avec un serveur de réception réseau, le PWS-100RX1. Installé dans une régie de la chaîne, il récupère le signal de streaming qu’il reconvertit en SDI afin de le mixer avec les autres sources d’image du plateau. Il est capable de traiter deux sources de streaming simultanément et on peut chaîner les unités de réception pour gérer un parc de plusieurs caméscopes de reportage, le tout via une interface de pilotage unique. Grâce à celle-ci, l’équipe technique affiche les images transmises, gère à distance tous les paramètres des adaptateurs sans fil afin de décharger les équipes de reportage.
Mais la grande force du PWS-100RX1 réside dans les outils de QoS qu’il ajoute à la gestion des transmissions. Les modules de streaming de Sony transmettent les flux vidéo soit avec un transport classique Mpeg-2 TS, avec les protocoles UDP ou TCP, en RTP, ou bien avec un codage propriétaire améliorant la QoS de la liaison.
Dans le premier cas, les flux seront décodés et affichés avec les players ou les plates-formes de réception habituelles et pourront être repris par toutes les plates-formes classiques de distribution de streaming. Les outils spécifiques de QoS de Sony comprennent un système ARQ temps réel (Automatic Repeat Request), un système d’adaptation de débit pour tenir compte des aléas de la transmission sans fil et une puissante correction d’erreur de type FEC (Fast Error Correction). Sony annonce qu’avec une perte de 30 % de paquets et une latence de 3 secondes, il n’y a pas de défaut visible sur l’image. L’utilisation du récepteur PWS-100RX1 fiabilise et améliore la liaison, même avec un seul module de transmission 4G, sans déployer la technologie de bonding et une répartition des données sur plusieurs liaisons ou opérateurs.
* Extrait de notre article paru pour la première fois dans Mediakwest #21, p. 76-80. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.
La deuxième partie de cet article “Streaming et production live, des caméscopes de plus en plus connectés” sera accessible le 6 juillet ici