AMP VISUAL TV, toujours sur le pont : une activité spécifique pendant le confinement

La crise du COVID-19 a des répercussions sur l’ensemble des activités économiques. L’audiovisuel est largement impacté, mais l’activité n’est pas complètement à l’arrêt y compris en cette période de confinement. Nous avons interviewé Gilles Sallé, PDG d’AMP VISUAL TV, pour y voir plus clair sur la situation de l’entreprise.
Gilles Sallé, PDG d’AMP VISUAL TV © DR

Mediakwest : Quelles ont été les mesures que vous avez mises en place après l’annonce du Premier ministre le 14 mars dernier ?

Gilles Sallé : La priorité a vraiment été donnée à la santé de nos collaborateurs, ce qui est essentiel dans une période de pandémie. Je dois dire que nous n’avons pas attendu le 14 mars pour nous préparer à cette tempête sanitaire et économique. Nous étions préalablement en contact avec le ministère du Travail et donc déjà sensibilisés à différentes options et scénarios possibles. Nous avions en stock des masques et des gels hydro-alcooliques à disposition de nos équipes. Avec la baisse d’activité, nous avons dû mettre en travail partiel près de 300 salariés permanents sur notre effectif de 400. A l’issue de ces deux mois de confinement sanitaire et économique, nous avons encore près de 230 salariés à l’arrêt. Bien évidemment des discussions et des points réguliers avec les représentants des personnels ont été mis en place afin de gérer au mieux la situation de chacun d’entre eux. Pour ceux qui ont pu rester en poste, nous avons appliqué les mesures de protection, de distanciation et instauré le télétravail lorsque cela était possible. Au début du confinement nous avons anticipé des procédures sanitaires qui ont été, depuis le 11 mai, pour majeure partie, reprises dans les prescriptions recommandées pour les entreprises du secteur. Nous étions l’un des rares prestataires qui a pris l’initiative de rester ouvert pendant le confinement, notre protocole sanitaire a donc, de quelque sorte, servi de test. Nous n’avons eu aucun cas de Covid-19 parmi les salariés, ce qui est essentiel. J’ai une pensée également pour les intermittents que nous faisons habituellement travailler, car n’oublions pas qu’à l’accoutumée c’est près de 3 000 contrats de ce type qui sont honorés chaque mois.

 

Mediakwest : Vous avez donc pu maintenir une activité durant cette période de confinement ?
Gilles Sallé : Tout d’abord, nous avons plusieurs domaines d’activité qui nous ont permis de ne pas être totalement à l’arrêt, même si le volume global de production a baissé de plus de moitié. La production mobile représente, en temps normal, presque les deux tiers de l’activité d’AMP Visual TV et les plateaux, l’autre tiers. Si l’on regarde, la prod mobile, qui comprend l’activité internationale et la HF, la quasi-totalité des tournages a été stoppée pendant le confinement et que nous ne mesurons pas d’amélioration tangible depuis le 11 mai. Nous avons tout de même conservé un car régie à l’Élysée afin d’assurer les interventions du président de la République et également deux véhicules IXI Live disponibles pour les news. Le secteur des studios de tournages a subi une baisse moins brutale car il s’est largement adapté aux besoins et contraintes du moment, et cela à l’aide des outils que nous exploitons depuis de nombreux mois déjà, à savoir notre media center et nos possibilités de faire de la production « remote » à distance.
Grâce à ces worflows, nous avons poursuivi la production de dix émissions quotidiennes. Nos caméras ont été chez les animateurs pour la moitié d’entre elles avec une réalisation à distance via notre médiacenter. Pour les autres, cela va de programmes comme 28 Minutes pour Arte ou Quotidien sur TMC, qui se sont poursuivies sur leurs plateaux habituels, à des émissions de service public réalisés tout en décors virtuel. Pour la Maison Lumni (NDLR – programmes éducatifs et scolaires proposés sur les antennes de France Télévisions) nous avons collaboré étroitement avec les équipes de France TV Studio emmenées par Frédérick Lacroix, mais aussi le département graphique en temps réel de FTV et la société AD. Deux plateaux fonds verts du studio 107 ont été mis à disposition de ces tournages. Les enseignants interviennent dans le studio de 200 mètres carrés et la continuité des émissions est assurée dans celui de 500 mètres carrés. Pour le premier espace, c’est une équipe de 11 techniciens qui travaille et 19 pour le second. Les flux de circulation ont été organisés afin qu’aucune des deux équipes ne soit amenée à croiser l’autre, et avant d’entrer dans le bâtiment chaque personne voit sa température contrôlée.

L’utilisation des décors virtuels est vraiment intéressante et permet même de mixer des éléments réels. Enfin, même si nous avons évidemment pris un peu plus de temps, nous poursuivons la construction de nos deux nouveaux cars Millenium UHD, qui à l’origine devaient être présents sur les 24 Heures du Mans et les festivals d’été.

 

Mediakwest : En termes de chiffre d’affaires, le recul doit tout de même être très significatif ?
Gilles Sallé : En effet, les répercussions économiques sont très importantes. Depuis le 14 mars nous comptabilisons près de 12 millions de chiffre d’affaires en attente de reports, pour partie entre fin août et fin octobre, et même jusqu’à l’année prochaine. Et malheureusement, en plus, un impact de près de 15 millions d’annulations de tournages. Les mois du printemps et d’été sont pour nous très importants avec le sport, mais aussi les très nombreux événements culturels qui s’y déroulent. Mon souhait à ce jour est que l’activité en région puisse aussi reprendre sans trop tarder car nous sommes pressés de pouvoir ré-ouvrir nos agences. L’activité de tournages vidéo mobile redébute modestement avec les reprises des réunions hippiques et la cérémonie du 8 mai. Il nous faudra des appuis forts pour que cette crise sanitaire ne devienne pas une crise économique, pour nous, comme pour l’ensemble des industries techniques audiovisuelles françaises.

 

Mediakwest : En plus des reports des grands évènements sportifs comme les Championnats d’Europe de Football et les Jeux Olympiques, l’arrêt définitif des championnats de la Ligue 1 et de la Ligue 2 2019/2020 de foot doit avoir également de grandes répercussions pour vous ?

Gilles Sallé : Le foot représente 10 % de notre chiffre d’affaire global, c’est donc effectivement une perte sèche très pénalisante, mais je pense qu’il ne faut pas voir la situation uniquement de ce point de vue et avoir une vision plus large. Je veux dire par là que je pense à l’ensemble de l’économie des acteurs de ce sport, mais aussi des autres compétitions, qui vont devoir faire face à des difficultés : les clubs, les diffuseurs, nos intermittents et aussi plus simplement à tous les passionnés.
Je n’ai d’ailleurs aucune visibilité sur ce que nous ferons la saison prochaine sur les championnats de Ligue 1 et Ligue 2, car c’est un nouvel opérateur qui va faire son entrée comme titulaire des droits de diffusion, Media Pro. À ce jour nous ne savons toujours pas quel sera notre niveau d’intervention dans la production des matchs.

 

Mediakwest : Outre les répercussions économiques sur le secteur, pensez-vous qu’il y aura après cette crise du coronavirus une nouvelle façon de travailler ?
Gilles Sallé : Vu les succès des programmes récemment mis à l’antenne, j’en suis persuadé. Le développement de l’interactivité avec des personnes qui peuvent participer tout en restant chez elles, la production distante et les studios sur décors virtuels vont sans doute entraîner de nouvelles écritures. Je précise que nous avons fait d’importants efforts pour que les encodages et les compressions des flux extérieurs soient de très bonne qualité. Ils ont été développés en interne afin de conserver une qualité broadcast en s’adaptant sur des connectivités Internet domestique. La puissance de notre nouveau médiacenter avec une quarantaine de flux quotidiens dispatchés sur nos régies de production ou vers les diffuseurs a aussi démontré son efficacité. Cette crise a aussi probablement permis à certains producteurs, encore un peu prudents par rapports aux nouveaux services tels que la remote production, de franchir le pas et de mieux appréhender l’apport de ces technologies. Depuis la mi-mai nous nous attachons aussi à transformer ces innovations pour de nouveaux services, par exemple « l’e-events » pour des séminaires d’entreprises qui auront l’obligation de se réinventer pour toucher un public qui ne pourrait plus se réunir en nombre, ou « l’e-sports » comme nous le ferons avec Eurosport Discovery et avec les 24 Heures du Mans « virtuelles » depuis Studio Gabriel en date et heures de la compétition prévue en Juin.

 

 

Tourné avec AMP Visual TV pendant le confinement…

Pendant le confinement, AMP Visual TV a tourné 70 à 80 heures de programmes hebdomadaires, dont dix quotidiennes (en plus des programmes tournés avant la crise sanitaire):

  • La Maison Lumni (France 2 / France 4 / France 5) > décor virtuel
  • Les Profs (France 2 / France 4 / France 5) > décor virtuel
  • La Quotidienne (France 5) > remote production
  • Affaire conclue (France 2) > remote production
  • C dans l’air (France 5) > décor virtuel
  • C’est Canteloup (TF1) > remote production (réalisée à TF1)
  • Tous en cuisine… (M6) > remote production
  • Qui veut gagner des millions (TF1) > remote production
  • Quotidien (TMC) > plateau habituel
  • 28 minutes (ARTE) > plateau habituel
… Et des hebdomadaires comme des prime exceptionnels ou « Samedi d’en rire » France 3, « La Grande Librairie » France 5 (remote production) ou encore « Jouons à la Maison » France 3 (décor virtuel).