Prise en main de la Blackmagic Studio Camera 4K Pro

Passage en revue de l'ergonomie et des fonctionnalités de la Blackmagic Studio Camera 4K Pro, édition augmentée de la Blackmagic Studio Camera originelle introduite au NAB 2014 à Las Vegas...
Caméra Blackmagic Studio Camera 4K Pro en action. © Blackmagic Design

 

Ces deux  caméras sont conçues pour répondre aux besoins de solutions légères et pratiques pour concevoir des studios vidéo de qualité à coûts maîtrisés, à savoir les Web TV, studios de presse, plateaux d’entreprises. Pour vérifier si les promesses sont tenues, nous avons pris en main le modèle le plus évolué, la Studio Camera 4K Pro, qui ajoute des fonctionnalités dignes du broadcast à la 4K Plus : connectiques SDI et XLR mais aussi Ethernet 10G et prise cinq broches pour réseau d’ordre.

 

Le complément idéal des Atem Mini

Depuis la première génération des Studio Camera, une gamme de mélangeurs a fait une entrée fracassante sur les plateaux de tout genre, les Atem Mini. L’analyse des attentes des nouveaux studios, qu’ils soient fixes ou mobiles, était juste. Le succès s’est confirmé depuis le premier modèle sorti, l’Atem Mini proposé à 265 euros jusqu’aux modèles Atem Mini Extreme ISO à 1 139 euros. Les différentes versions se différencient avec quatre ou huit entrées, la possibilité d’enregistrer le flux programme sur disque SSD externe, d’encoder un flux de streaming sans matériel externe ou encore d’enregistrer le flux de l’ensemble des caméras en complément du programme : les divergés nommés ISO dans les pays anglo-saxons. Les cinq modèles d’Atem Mini démocratisent l’accès à la réalisation en direct.

Grâce à une connectique Ethernet RJ45, les utilisateurs peuvent créer un réseau local à partir duquel différentes stations de travail débrident des fonctionnalités avancées des mélangeurs : le mixage audio, la gestion des médias et de l’habillage infographique et – ce qui nous intéresse en premier lieu dans le cadre de cet article – la commande des caméras via la connexion en HDMI. Dans cette configuration, la Studio Camera 4K Plus est le complément idéal des Atem Mini.

C’est le logiciel Atem Software Control déployé sur les stations du réseau local qui pilote la colorimétrie des caméras par l’entremise de deux interfaces utilisateurs, l’une issue du monde du broadcast et l’autre de la postproduction. Les régies multicaméras « historiques » utilisent des CCU : des interfaces de commande de caméras ou Camera Control Unit. Une section de l’UI de l’Atem Software Control est conçue selon la logique d’un CCU, l’autre reprend la roue colorimétrique emblématique du célèbre logiciel DaVinci Resolve de Blackmagic dédié à l’étalonnage.

 

Description de la promesse

Les Studio Camera 4K Plus et Pro sont le croisement d’un corps de caméra réduit à l’essentiel et d’un grand visualiseur de résolution 1920 x 1200 de 7 pouces de diagonale, soit un peu moins de 18 cm de large. Nous avons apprécié la belle luminosité du visualiseur, qui permet l’utilisation des caméras en dehors des murs des studios. Nous y reviendrons.

La version Pro est privilégiée avec une luminosité maximale atteignant pas moins de 2 000 nits ! Soit 500 nits de plus que sur la Pocket Cinema Camera 6K Pro, la version Studio Camera 4K Plus affichant un maximum de 600 nits. Pour parfaire la maniabilité de la caméra et sa protection, deux poignées métalliques encadrent l’écran.

On accède à de nombreuses fonctionnalités du désormais célèbre logiciel de contrôle interne de la caméra directement sur l’écran tactile, mais d’autres fonctionnalités majeures disposent de trois potentiomètres physiques pour le contraste, la luminosité et le peaking à droite de l’écran, complétés à gauche de quatre boutons poussoirs éclairés, dont trois sont attribuables aux fonctions préférées des utilisateurs. Au-dessus de ces derniers, se trouve un rotatif de sélection et, en dessous, l’interrupteur de mise en service de la caméra.

 

Le bloc caméra

À l’arrière de l’écran se cachent le bloc caméra et, devant ce bloc, la monture pour objectifs interchangeables. Le choix initial reste celui de la monture active Micro 4/3 et d’un capteur au format 4/3 arborant une taille effective de 17,78 mm par 10 mm. C’est un grand capteur comparativement aux modèles broadcast 1/3 ou 2/3 de pouces, moins large cependant que les capteurs Super 35 mm ou full frame. Le crop factor, ou facteur de recadrage, qui donne la correspondance des focales comparativement au capteur de référence 24 x 36, est de 2 ; il est situé entre 1,5 et 1,6 pour un capteur Super 35 (équivalent APS-C). Une optique de 50 mm crée un cadrage équivalent à une optique 100 mm sur un capteur plein format, et une optique 25 mm celui d’une optique standard 50 mm.

C’est un choix de raison assumé qui permet une grande souplesse dans l’adaptation de différents objectifs que peuvent déjà posséder les utilisateurs. C’est un avantage de la monture Micro 4/3 qui bénéficie d’un tirage mécanique (ou flange focal distance – FFD) très faible de 19 mm. En choisissant des adaptateurs dédiés, on peut utiliser des objectifs Nikon ou Canon EF par exemple. Certains adaptateurs « actifs » proposent même, en zoomant l’image sur le capteur, d’exploiter un champ plus étendu des objectifs originellement dédiés à des capteurs plus larges. Cette astuce permet d’augmenter la luminosité globale, tout en jouant sur le crop factor résultant.

 

Reports de commandes

Le diaphragme, la mise au point et le zoom sont pilotables pour les objectifs compatibles. Dans les studios de télévision, les cadreurs peuvent piloter ces imposants objectifs broadcast grâce à des reports de commandes installés sur les bras des trépieds. Blackmagic a décliné ces outils aux Studio Camera avec une commande type « poignée de moto » Blackmagic Zoom Demand pilotant le zoom des objectifs et pourvue de boutons pour la caméra. Vendue 215 euros, elle peut être complétée de la Blackmagic Focus Demand pour la mise au point (proposée au même tarif).

 

Les connectiques

C’est là que se matérialisent les plus visibles différences entre les deux modèles. La 4K Plus va à l’essentiel. À gauche du corps de caméra, on trouve la sortie HDMI et l’alimentation 12 V verrouillable. À droite, une prise micro stéréo et une prise casque, toutes les deux au format jack 3,5 mm. La prise micro peut également servir d’entrée timecode avec un boîtier de synchronisation externe d’un constructeur tiers (Tentacle Sync par exemple).

On trouve également deux prises USB-C qui permettent de connecter un disque SSD ou/et les reports de commandes d’objectifs. L’utilisation de SSD apporte une grande souplesse grâce à leur compacité, leur rapidité et leur prix abordable. On peut directement les connecter aux stations de travail et bénéficier d’un taux de transfert idéal. On apprécie, pour sécuriser les enregistrements, la présence de prises USB-C verrouillables selon les spécifications du USB-IF Device Working Group.

 

Les différences

Basées sur le même capteur et le même traitement électronique, les deux caméras peuvent être utilisées simultanément. La version Studio 4K Pro ajoute deux connecteurs entrées sorties 12G SDI qui servent au flux vidéo, mais aussi à des fonctionnalités enrichies de studio. Utilisées avec des régies Atem plus évoluées, telles que l’Atem Television Studio HD ou les Atem Television Studio Pro HD et 4K, les canaux 15 et 16 des entrées/sorties SDI servent à l’échange bidirectionnel de l’audio du réseau d’ordre.

L’entrée SDI est destinée à l’envoi du programme et des ordres de contrôle de la caméra depuis le mélangeur. Le son se professionnalise également avec l’adoption de connectiques XLR de taille standard (à la différence de la Pocket Cinema Camera 6K qui utilise des prises mini XLR), et d’une prise dédiée aux casques broadcast pour réseaux d’ordres.

 

Ethernet 10G, ou le transport tout-en-un !

Depuis quelques années, la fibre optique est parfois utilisée pour simplifier le déploiement des installations. L’ensemble des flux et également l’alimentation de la caméra y transitent. Blackmagic propose pour cela deux boîtiers pour les deux extrémités de la fibre : le Blackmagic Camera Fiber Converter du côté caméra et, pour le studio, le Blackmagic Studio Fiber Converter. Solutions superbes et universelles, puisqu’elles permettent d’exploiter des caméras Ursa broadcast et des caméras d’autres constructeurs ; ce sont des solutions onéreuses, les convertisseurs étant facturés 2 525 euros chacun. Le câble hybride fibre et cuivre SMPTE 311M doté de connecteurs SMPTE 304 permettant de transporter l’alimentation est également coûteux.

Blackmagic propose sur ses nouvelles caméras de studio une version élégante et abordable de cette solution de transport multiflux et multidirectionnelle via une connectique RJ45 nativement intégrée à la caméra, un boîtier Blackmagic Studio Converter côté studio et des câbles simples et bon marchés Ethernet cat. 6A. Les liaisons exploitent les câblages Ethernet habituellement dédiés à la conception de réseaux informatiques. Ici ce sont des connexions points à points qui sont mises en place, sans passer par des commutateurs.

Comme avec le workflow fibre, l’ensemble des signaux audio et vidéo, les talkbacks, les ordres de contrôle de la caméra et le retour programme empruntent le chemin de ce simple câble. Même l’alimentation peut y transiter selon le protocole PoE (Power over Ethernet). La vidéo 12G-SDI prenant en charge les flux HD ou Ultra HD jusqu’au 2160p60 est convertie en en flux IP via des codecs 10 bits sans perte.

 

Sensibilité et double ISO natif

Nous avons déjà évoqué le capteur Micro 4/3 qui équipe ces deux modèles. Moins sensibles que les modèles Full frame ou Super 35 mm, nous avons obtenu des résultats très satisfaisants en conditions de basse lumière. Contrairement aux autres modèles, Blackmagic indique dans ses spécifications une mesure de la sensibilité, en précisant l’ouverture nécessaire pour un éclairage de 2 000 lux et une réflectance de 89,9 %.

Blackmagic annonce pour 0dB de gain une ouverture f11 à 2160p59,94 et f12 à 2160p50. Les caractéristiques annoncées des Studio Camera sont proches de celles de la Pocket Cinema Camera 4K, avec 13 diaphs de dynamique et un capteur 4/3 toutefois un tout petit peu plus large de 1,18 mm pour atteindre 18,96 mm. Cela s’explique par la possibilité, pour la Pocket Cinema Camera 4K, de filmer en 4K DCI (4096 x 2160).

Une autre caractéristique commune est la présence d’un réglage de sensibilité dit double ISO natif qui permet d’optimiser les tournages en condition de basse luminosité. Selon le choix du réglage de la sensibilité (en ISO), on peut privilégier les zones de basse ou de haute lumière par rapport à l’exposition correcte du gris moyen. Chaque pixel d’un capteur est immédiatement suivi d’un traitement analogique intégré qui influe sur sa sensibilité ISO native. Les valeurs mesurées de chaque pixel sont ensuite converties en numérique préalablement à une amplification également numérique (gain) précédant les autres traitements vidéo.

Le système de double ISO natif comporte deux canaux de traitement analogique, le premier de 400 ISO est actif pour les réglages utilisateurs jusqu’à 1 000 ISO, le second prend le relais à partir de 1 250 ISO jusqu’à la valeur maximale de 25 600 ISO. Vous voyez sur notre schéma le placement de la plage de dynamique et la saute de la zone d’exposition par rapport au gris neutre. Sur la première plage, le capteur propose une étendue dynamique de 13,3 diaphs. Elle passe à 12,4 diaphs à partir de 1 250 ISO puis commence à baisser progressivement à partir de 8 000 ISO (ces valeurs concernent les Studio Camera 4K mais sont très proches de celles de la Pocket 4K).

 

Polyvalence

La fonction première de ces deux modèles est annoncée sans ambiguïté : le studio. Mais quelques fonctionnalités ouvrent son utilisation à un usage hors des murs. Les très lumineux écrans sont pourvus de cache-soleil compatibles avec les modèles autonomes Studio Viewfinders, c’est malin pour rentabiliser les investissements. Pliables, les cache-écrans servent également de protection efficace pour le transport des caméras. Les entrées son et sorties casques permettent une utilisation autonome, en tournage d’interviews à l’extérieur par exemple. L’enregistrement sur disque SSD exploite pour cela les connectiques USB-C.

Nous retrouvons la qualité du traitement sonore et des préamplis intégrés à ces boîtiers, que nous avions déjà soulignée au sujet des caméras de la gamme Ursa, mais également des plus abordables modèles de la série Pocket. Le modèle Pro est également plus ambitieux avec l’intégration des connectiques XLR dotées d’alimentations fantômes 48 V, ouvrant l’utilisation de micros professionnels électrostatiques.

 

Pourquoi elle enregistre alors que c’est une caméra studio ?

Pour deux raisons ! Si vous venez de lire les lignes du dessus, vous connaissez la première : la polyvalence. Les Studio Camera 4K peuvent être utilisées dans toutes les situations nécessitant une caméra sur trépied et où une alimentation est disponible. Pour ce dernier point, on peut alimenter les caméras en 12 V via la prise standard et l’adaptation d’une batterie. La version Studio Camera 4K Pro est avantagée par la présence d’une prise XLR quatre broches d’alimentation facilitant l’utilisation d’adaptateurs de batteries que vous pouvez fabriquer en DIY ; des modèles tout prêts sont également proposés dans le commerce.

La seconde raison, c’est l’ISO ou l’enregistrement divergé de l’ensemble des caméras pendant une captation multicaméra. Les Atem Mini ISO ont poussé le concept en permettant l’enregistrement des signaux ISO depuis le mélangeur sur un disque SSD, mais avec une limitation, la HD. Les Studio Camera 4K enregistrent, elles, en UHD (3840 x 2160) et en Raw. L’Atem Mini générant également un projet DaVinci pour pouvoir retravailler la réalisation multicaméra en postproduction, il est facile de remplacer les fichiers ISO HD en H.264 par les fichiers haute qualité UHD des Studio Camera 4K.

 

Des fonctionnalités dignes du cinéma numérique

Blackmagic a repris en partie l’offre proposée sur ses autres modèles de caméras des gammes Pocket et Ursa. Ici, l’enregistrement interne (via le disque SSD connecté) est uniquement possible en Blackmagic Raw (B-Raw). Mais cette nouvelle génération de codec Raw propose des avantages en termes de souplesse. Il y a huit niveaux de compression permettant d’optimiser la qualité ou la taille des fichiers.

La débayerisation, c’est-à-dire le calcul des pixels de l’image à partir du savant ordonnancement des photosites rouges, verts et bleus, est effectuée dans la caméra plutôt qu’en postproduction afin d’alléger sensiblement l’exploitation des fichiers Raw. Les caméramans peuvent choisir un mode d’enregistrement logarithmique film pour optimiser l’exploitation des 13 diaphs de dynamique de la caméra. Pour éviter de visualiser une image flat (plate) sur l’écran des Studio Camera 4K, une Lut permet de « développer » l’image à l’écran. Cette dernière sera incluse dans le fichier Raw pour pouvoir être exploitée en postproduction.

 

Conclusion

En jouant avec cette caméra, s’adressant en premier lieu à une utilisation studio, nous avons été surpris de retrouver instinctivement les mêmes sensations qu’avec une caméra pour laquelle nous avons beaucoup de tendresse : la Pocket Cinema Camera 4K. La filiation est naturelle, ne serait-ce que par le choix de la monture et du capteur. Mais c’est surtout cette belle polyvalence qui va à coup sûr devancer les attentes de tous les vidéastes voulant associer l’image cinéma sur leurs plateaux. Nous décernons une mention spéciale au transport multiflux Ethernet 10G !

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #9, p.12/16