Captation sportive : solution Hardware ou Software ?

La production sportive se diversifie ; cependant, pour les disciplines en manque de reconnaissance médiatique, les budgets sont souvent limités. Nous avons testé deux dispositifs aux tarifs abordables. Le premier, distribué par JVC, repose sur une solution logicielle. Le second est constitué par un mélangeur plus classique signé Blackmagic Design.
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Afin de réaliser un comparatif entre deux solutions aux philosophies différentes, il nous a semblé pertinent de tester les deux outils dans des configurations réelles de production. Sportside, plate-forme spécialisée dans le programme sportif, a bien voulu se prêter au jeu, en acceptant d’exploiter le matériel Streamstar de JVC et l’Atem Television Studio Pro HD de Blackmagic sur deux opérations aux budgets et aux objectifs assez similaires.

Il s’agissait en fait de filmer un match Élite du championnat de France de hockey sur gazon et une rencontre de la Pro A de tennis de table. Les deux évènements étaient diffusés en live streaming sur le site www.sportside.tv, puis remontés sous forme de magazines de 52 minutes, le premier pour France Ô, le second pour BeIN Sports.

Si, pour les deux productions, la taille du terrain n’est pas la même, et qu’il s’agit, d’une part, d’un sport collectif en extérieur et, de l’autre, d’une discipline individuelle en salle, le nombre de techniciens et de caméras était scrupuleusement identique.

 

JVC Streamstar pour le hockey sur gazon

Direction Vaucresson et la pelouse synthétique (humidifiée sur commande) du Stade français. En ce dimanche ensoleillé, c’est une équipe de six personnes qui est amenée à gérer de A à Z les opérations d’installation (et de désinstallation), mais aussi d’exploitation et de diffusion sur le net. Le groupe est composé d’un réalisateur (également chef d’équipement), d’un assistant, d’une personne dédiée à la gestion de l’audio et de trois cadreurs. Une quatrième caméra robotisée, davantage dédiée à des plans de Beauty, peut être manipulée via son pupitre de contrôle par l’assistant réalisation, par ailleurs déjà en charge de la gestion du scoring.

Le système tout-en-un du Streamstar se compose d’une sorte de mallette regroupant une unité centrale avec ses différentes connectiques et un écran vidéo intégré sur le côté. La version dont nous disposions pour cette production était un Streamstar Case710 permettant de relier six sources vidéo externes, en HD-SDI principalement. Nous avions adjoint simplement au matériel de base un second écran (en HDMI) pour le contrôle de la sortie programme.

« L’un des avantages de Streamstar est de pouvoir regrouper au sein d’une seule et même machine l’ensemble des outils nécessaires à la réalisation multicaméra, à son enregistrement, mais aussi à l’encodage et à l’envoi du live streaming », nous explique Claude Richard de JVC Kenwood. Claude et son collègue Pascal Granger nous ont en effet accompagnés dans la préparation du projet en nous consacrant notamment du temps pour la prise en main du système. Et c’est vrai que l’outil est complet.

Outre une interface étendue pour afficher les informations de score et autres logos des partenaires de l’événement, c’est surtout l’intégration des ralentis qui a retenu notre attention. Il ne s’agit pas là de faire une comparaison avec de très performants LSM, qui offrent naturellement un slowmotion de bien meilleure qualité, mais à un prix qui limite leur exploitation à de grandes productions. Il s’agit simplement de constater que les six sources caméras disponibles sur le streamstar peuvent être relues immédiatement dans un ralenti (paramétrable) tout à fait satisfaisant pour du streaming ! Pour notre remontage de 52 minutes destiné à une diffusion télévisée, nous avons préféré intégrer en postproduction des ralentis effectués par une unité Sony FS7 qui filmait intégralement le match de manière indépendante.

Pour cette production, nous étions équipés d’un ensemble de caméras de marque Sony et non JVC. Dommage, car il faut noter que les outils de prise de vue JVC peuvent être totalement contrôlés à distance à partir du Streamstar (iris, colorimétrie…).

Le mélangeur informatique proposé par JVC n’a pas rencontré de problème particulier tout au long de la diffusion du match (soit quatre quart-temps de 15 minutes auxquels il faut ajouter la mi-temps et les interviews d’après rencontre). Notons que le réalisateur était déjà relativement familier, non pas au système JVC, mais à d’autres outils informatiques dédiés au multicaméra. Son adaptation s’est faite rapidement et sans encombre.

 

 

Blackmagic ATEM pour le tennis de table

La compétition de Pro A de tennis de table se tenait, quant à elle, à la Kindarena de Rouen. L’équipe technique était identique (hormis le réalisateur) et les six caméras toujours des modèles FS5 et FS7 de Sony. La différence notable est que, cette fois, le mélangeur n’est plus « virtuel » mais bien hardware.

Nous avons choisi d’exploiter ce qui peut représenter l’un des outils les plus abordables du marché, à savoir l’Atem Television Studio Pro HD de Blackmagic Design. Notons que là encore des unités de prise de vue Blackmagic auraient assurément accru le niveau de contrôle à distance des caméras.

Cette fois, plus question d’un outil tout-en-un comme le Streamstar. Attention, cela ne signifie pas qu’un mélangeur « traditionnel » ne puisse pas être compact et complet. En effet, des matériels de type Data Vidéo, plus onéreux que les Blackmagic, incorporent, pour certains modèles, un écran, un enregistreur ou encore un encodeur pour le streaming. Mais dans la configuration que nous avons retenue, nous avons misé sur une architecture cette fois plus séparée, qui offre l’avantage de pouvoir s’associer à différentes marques d’outils. Chaque élément adjoint peut être sélectionné en fonction de son budget et de ses préférences d’utilisateur.

Dans notre cas, l’Atem était complété par un enregistreur Blackmagic, un encodeur Teradek et un écran unique pour la mosaïque des retours caméras et le programme. À cela, s’ajoutaient simplement une table de mixage audio Yamaha et un ordinateur Apple pour l’incrustation des scores et diverses infographies. Enfin, tout comme pour le Streamstar un système externe d’intercom reliait le réalisateur aux autres opérateurs, de même qu’un post-commentateur avait été loué chez Tapages & Nocturnes.

Le temps d’installation du dispositif est naturellement un peu plus long et l’encombrement légèrement plus important. Mais tout comme le produit JVC, l’ensemble du matériel utilisé (caméras et pieds compris) a voyagé dans un simple SUV avec deux personnes à son bord. Nous sommes loin des proportions et des coûts liés à un car régie, aussi compact soit-il. Là encore, avec le système hardware de Blackmagic nous restons dans une souplesse d’utilisation et de productivité. Multi-usage, l’Atem l’est également. En effet, l’ensemble du matériel exploité pour cette rencontre de tennis de table était la veille utilisé pour une simple convention d’entreprise.

« Ce qui est bien avec un mélangeur comme l’Atem, c’est que je retrouve les mêmes réflexes que lorsque je travaille sur un système bien plus important, comme un Kahuna. Bien entendu les possibilités sont moindres, mais suffisent amplement pour la plupart des productions à six caméras », résume Frédéric Laroche, réalisateur indépendant. Cette fois, c’est bien le côté plus habituel du monde du broadcast qui met tout de suite à l’aise le réalisateur.

Une fois configuré, l’ensemble mélangeurs et autres outils de la chaîne de production fonctionnent à merveille. Aucune mauvaise surprise n’est à signaler durant les quelque 2h30 de cette soirée de tennis de table.

 

 

Qui remporte le match ?

Les deux compétitions ont été diffusées avec succès sur Sportside, et les remontages ont permis également de belles diffusions des programmes de 52 minutes sur France Ô et BeIN Sports. Vous l’aurez compris, aucune des deux solutions ne prend le pas sur l’autre en termes de qualité du résultat final. Ce qui détermine le choix de la production repose finalement sur les souhaits du réalisateur. Ce dernier fait logiquement appel à l’environnement qui lui est le plus familier.

Pour schématiser, un réalisateur issu, ou disons, encore imprégné de l’environnement broadcast, retrouvera ses méthodes de travail traditionnelles avec un mélangeur Atem. Pour des professionnels qui viennent (comme c’est de plus en plus le cas) d’un univers informatique, alors le Streamstar sera tout à fait adapté.

Match nul donc pour deux bons produits aux technologies différentes mais qui, au final, fournissent un programme aux caractéristiques identiques, et cela avec des investissements matériels très limités.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #30, p.22/23. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.