Mis en place par le CNC en 2014, l’Observatoire de l’égalité femmes-hommes fournit un outil clé pour évaluer les avancées et les défis persistants en matière d’égalité dans les métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Il met en lumière les tendances de féminisation, tout en identifiant les domaines où les progrès restent nécessaires. Cet observatoire contribue à une prise de conscience collective et oriente les politiques visant à réduire les disparités de genre dans un secteur plutôt enthousiaste à l’idée de montrer l’exemple.
L’observatoire 2024 développe quatre volets : il livre une analyse globale de l’emploi des femmes dans les secteurs du cinéma et de l’audiovisuel, s’intéresse à la place des femmes réalisatrices de films cinématographiques, à la place des femmes dans la réalisation et l’écriture de programmes audiovisuels et enfin, à la place des femmes parmi les chefs de poste.
« Grâce cet Observatoire, nous menons un travail de fond depuis des années avec une politique ambitieuse dont les résultats montrent l’efficacité, et l’ensemble des dispositifs mis en place n’a pas d’équivalent dans le monde », a rappelé Olivier Henrard, Président du CNC par intérim, lors de la présentation de l’édition 2024 de l’Observatoire de l’égalité Femmes-Hommes, le 14 novembre dernier au CNC.
Comme mentionné, en 2024, l’outil propose pour la première fois un état des lieux sur les postes clés dans l’audiovisuel, une photo rendue possible grâce à un conditionnement des aides du CNC en matière de production audiovisuelle depuis 2023. L’obtention de ces aides est en effet désormais conditionnée à la fourniture de données concernant le genre, et, grâce aux indicateurs collectés, le CNC pourra réfléchir à de nouvelles actions dans ce secteur…
« Le but de cet observatoire n’est pas seulement d’objectiver les constats, mais aussi d’identifier précisément tous les leviers d’action » a en effet souligné Olivier Henrard en rappelant la diversité des actions déjà déployées par le CNC : du dispositif d’éducation à l’image, qui touche 2 millions d’élèves par an de la maternelle au lycée, au bonus parité, mis en place en 2019, en passant par la valorisation de celles qui ont inscrit leur nom dans l’histoire du cinéma…
« Le bonus parité, pour le cinéma, a été une mesure forte » souligne-t-il avant de détailler… « Il permet de majorer de 15% les aides accordées à la production d’œuvres qui respectent la parité dans les principaux postes d’encadrement. En 2022, nous avons élargi ce bonus aux métiers de compositrice, ainsi qu’à ceux de la post-production et de la production. Et deux barèmes distincts ont été intégrés pour l’animation – pour la 2D et pour la 3D. En 2023, 35% des films agréés par le CNC étaient éligibles à ce bonus : c’est le plus haut niveau depuis sa création ».
Un secteur audiovisuel français en féminisation croissante
À la croisée d’un phénomène sociétal global et des actions entreprise notamment par le CNC et d’autres institutions ou organisations, les femmes représentent 43,8 % des effectifs dans l’univers de la production et des prestations techniques en 2023, avec des avancées significatives en production et prestations techniques.
Si l’on observe les secteurs de production du cinéma, de l’audiovisuel et de l’animation, on constate par ailleurs une féminisation très importante dans ce dernier secteur.
L’étude s’intéresse aussi à une donnée très intéressante : l’âge… Par exemple 39,1 % des femmes ont moins de 30 ans dans les activités de production en 2023, contre 32,0 % pour les hommes, et la représentation des jeunes générations s’approche de la parité : 48,8 % des salariés de moins de 30 ans sont des femmes.
Cependant, les postes à haute responsabilité, comme la direction de la photographie et le mixage, restent majoritairement occupés par des hommes, où des écarts salariaux subsistent dans deux professions sur trois ( jusqu’à -33,9% justement pour le mixage !). Parmi les 10 professions techniques les plus rémunératrices, une seule est majoritairement occupée par des femmes : créatrices de costumes.
La place des femmes dans la réalisation de films
La réalisation reste un domaine où les femmes sont sous-représentées. Après un pic en 2022, la part de films de fiction portés par des réalisatrices est retombée à 26,7 % en 2023, indiquant une volatilité dans la progression (-7,3pts vs 2022). Ce recul rappelle l’importance de soutenir des politiques de parité pour assurer une augmentation durable de la présence féminine dans les métiers de création comme le souligne Olivier Henrard qui engage cependant à relativiser cette mauvaise performance…
« 2023 affiche une baisse pour ce qui concerne la part de femmes à la réalisation des premiers films, après le record de l’année 2021 où la parité avait été atteinte et même dépassée. Pourtant, 2023, c’est aussi l’année d’Anatomie d’une chute, deux ans à peine après Titane – autre Palme d’Or française – et après L’événement (Lion d’Or) et un an avant Dahomey (Ours d’Or) : cette dimension qualitative aussi doit être prise en considération, car le rayonnement artistique de nos réalisatrices est essentiel pour la féminisation du métier de cinéaste. Outre les variations annuelles, le rythme de la féminisation connaît également des fortes nuances par genre d’œuvre et par métier. Les films réalisés par des femmes bénéficient de façon plus générale d’un soutien financier public très marqué par rapport aux films réalisés par des hommes. Par exemple, 37% des films réalisés par des femmes bénéficient de l’avances sur recettes (21% seulement des films réalisés par des hommes) et 80% des films réalisés par des femmes sont soutenus par des aides publiques (60% pour les films réalisés par des hommes). Enfin, les aides publiques représentent en moyenne 12,4% des budgets des films de réalisatrices (7,1% pour les films de réalisateurs) ».
On peut par aillleurs se réjouir de l’émergence des femmes dans la réalisation de films d’animation depuis la création de l’observatoire : entre 2014 et 2023, 11 de films d’animation ont été réalisés ou coréalisés par des femmes (16,9 %), contre 5 entre 2004 et 2013 (8,9 %)
La place des femmes dans la réalisation et l’écriture de programmes audiovisuels
En 2023, les femmes représentaient 40,3 % des réalisateurs et auteurs actifs dans les œuvres audiovisuelles aidées, un chiffre en progression continue depuis 2016 (+5,8 points pour les réalisatrices et +4,5 points pour les autrices). Cette dynamique est particulièrement soutenue par les chaînes publiques, notamment France Télévisions et Arte, qui ont augmenté significativement la part des réalisatrices grâce à des quotas instaurés dès 2020.
Cependant, les chiffres varient selon les genres audiovisuels. Si les documentaires atteignent un record avec 42,5 % des heures réalisées ou co-réalisées par des femmes, la fiction connaît un recul après une année exceptionnelle en 2022, avec seulement 30,9 % des heures réalisées en 2023. Dans le domaine de l’animation, bien qu’encore largement masculin, la part des heures réalisées par des femmes progresse à 29,2 %, un niveau jamais atteint auparavant.
Quant à l’écriture elle est déjà mixte : 50,2 % des œuvres sont conçues par des équipes comprenant hommes et femmes. En revanche, les femmes ont écrit 15,4 % des heures de fiction, 29,8 % des documentaires et seulement 6,7 % des œuvres d’animation.
Malgré une relative parité, les œuvres de fiction réalisées par des femmes disposaient en 2023 d’un coût horaire moyen inférieur de 18,9 % à celui des œuvres réalisées par des hommes. Ces données soulignent des progrès significatifs, mais aussi le chemin qui reste à parcourir pour une réelle égalité dans l’audiovisuel….
Une féminisation encore limitée pour les femmes en tant que cheffes de poste mais en progression dans certains domaines…
En 2023, les femmes représentaient 32,9 % des chefs de poste dans l’ensemble des projets audiovisuels soutenus. Cette proportion varie fortement selon les genres : 41 % dans les fictions, 32,7 % dans les documentaires, 35,3 % dans l’animation, et seulement 27,5 % dans les adaptations de spectacles vivants. Toutefois, les projets à très hauts budgets enregistrent une sous-représentation marquée des femmes, avec une diminution notable de leur présence sur les postes clés lorsque le coût horaire dépasse 2 millions d’euros.
Les chaînes publiques, comme Arte et France Télévisions, se démarquent par une meilleure représentation féminine aux postes clés : 47,9 % des chefs de poste dans les projets commandés par Arte et 42,8 % pour France Télévisions, contre des proportions nettement inférieures dans les groupes privés.
Certains métiers restent très genrés. Les femmes sont majoritaires sur des postes comme cheffes costumières ou maquilleuses, mais elles représentent moins de 30 % des effectifs dans des rôles techniques tels que directrices de la photographie, ingénieures du son ou compositrices.
Il est intéressant de noter que la présence d’une réalisatrice à la tête d’un projet favorise une meilleure parité : les projets réalisés par des femmes comptent souvent plus de 50 % de femmes aux postes clés, en particulier dans la fiction et le documentaire.
Si la féminisation des postes progresse, ces données mettent en lumière la nécessité de politiques plus volontaristes pour réduire les inégalités, notamment sur les métiers techniques et les projets à gros budgets.
Cette étude met donc en lumière des progrès significatifs vers l’égalité femmes-hommes dans le cinéma et l’audiovisuel dans la durée, notamment grâce à des initiatives publiques et des quotas favorisant la féminisation des métiers. Cependant, des inégalités persistent, particulièrement dans les métiers techniques et les projets à hauts budgets. Des efforts concertés restent donc nécessaires pour ancrer durablement ces transformations…Et donc, vivement la parution de l’observatoire 2025 !