Entretien avec les fondateurs du French Film Festival (Richmond, Virginie)

Depuis vingt-cinq ans, Peter S. Kirkpatrick et Françoise Ravaux-Kirkpatrick portent sur leurs épaules le French Film Festival qui se tient chaque année à Richmond, en Virginie (USA). Un événement vraiment à part dans la galaxie des festivals qui tient avant tout sur l’engagement de ces deux amoureux du cinéma avec lesquels nous nous sommes entretenus sur place.*
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Mediakwest : Première question sur l’histoire… Comment est née l’idée d’un festival du film français à Richmond, en Virginie ?

Françoise Ravaux-Kirkpatrick : Nous cherchions à développer le français à Richmond, nous voulions accroître la connaissance de la culture française. Nous avions le choix : utiliser la musique, la littérature, la peinture… nous avons opté pour le film. Nous avons commencé avec cinq films, projetés d’abord sur le campus de VCU (Virginia Commonwealth University), puis dans un petit cinéma que nous avons rénové avec nos étudiants et collègues. Nous avons ensuite acheté des sièges provenant d’un autre cinéma, les avons montés et avons rénové la petite salle. Nous avons organisé des entretiens avec des réalisateurs et des acteurs, d’abord par téléphone, par téléconférence.

Puis très vite, nous nous sommes installés dans le Byrd, parce que nous nous sommes aperçus que la petite salle de cinéma ne suffisait pas. Il fallait passer les films plusieurs fois. Le Byrd nous a bien accueillis et le French Film Festival s’est développé ainsi. Nous avons fait venir beaucoup plus de monde, tous les films étaient présentés par des réalisateurs ou des acteurs. Nous avons aussi développé des cours dans les universités autour du cinéma.

 

Peter S. Kirkpatrick : Nous avons tout de suite ressenti qu’il y avait une soif pour avoir plus de cinéma français, ici, sur le sol américain. Il n’était pas question pour nous de faire venir des personnes pour présenter leur film s’il n’y avait pas le public. Or, nous avons su, dès la troisième édition du festival, que nous pourrions remplir les 900 sièges en bas et le balcon qui compte 500 sièges, soit une salle de 1 400 places.

Première personne à se déplacer physiquement à Richmond, Thierry Lhermitte qui, lorsqu’il est entré dans cette salle magnifique, a déclaré : « J’ai présenté des films dans le monde entier, mais quel bel endroit ! » Il a été accueilli par 1 400 personnes. Lors de la cinquième édition du festival, huit personnes étaient venues présenter leurs films. Le festival a grandi ainsi, avec notre public qui vient très nombreux, mais aussi avec la délégation française. Pour ce 25e anniversaire du festival, non moins de 70 personnes sont venues de Paris !

 

Françoise Ravaux-Kirkpatrick : Les réalisateurs et acteurs venus à Richmond au cours de toutes ces années ont été, de retour en France, nos meilleurs ambassadeurs. Ils ont beaucoup parlé de nous, ils ont encouragé leurs collègues à venir, ils ont sollicité des associations à nous venir en aide, tout s’est très bien passé…

Il faut savoir que le Byrd a été construit en 1928 pour le cinéma ; c’est vraiment un des derniers palaces américains bâti spécialement pour le cinéma. Nous comptons deux autres très beaux théâtres, lesquels ont certes servi à passer des films, mais n’ont pas été conçus pour ; leur qualité n’est donc pas très bonne. Le Byrd, lui, garde depuis 1928 sa fonction de palace de cinéma.

 

Peter S. Kirkpatrick : Nous tenons à assurer les projections dans les meilleures conditions possibles pour notre public et les créateurs des films qui viennent les présenter dans cette salle. D’où notre partenariat avec la CST et toute l’équipe de Pierre-William Glenn et d’Angelo Cosimano qui vient vérifier la salle et procéder à tous les contrôles techniques. Nous savons que le public va non seulement échanger avec les membres des délégations, mais aussi voir les films dans les meilleures conditions possibles.

Nos délégations restent ici, dans le quartier, pendant tout le week-end. Elles tiennent de véritables conversations sur le cinéma, ne se cachent pas dans les hôtels, sont ici présentes. C’est un festival d’échange, de partage et de conversation ; il s’agit avant tout de créer une atmosphère humaine et de surtout éviter ce que l’on pourrait appeler le « bling bling ».

 

Mediakwest : Comment expliquez-vous l’ambiance si particulière du French Film Festival de Richmond ?

Peter S. Kirkpatrick : Il y a si peu de cinéma étranger aux États-Unis et il est si peu distribué ! Un vrai travail de fond s’impose ! Des réalisateurs venus chez nous ont publiquement exprimé leur désir de voir d’autres « Richmond » dans le monde entier ou ailleurs aux États-Unis. Le cinéma français, et européen d’ailleurs, s’en porterait alors beaucoup mieux…

Pourquoi existons-nous depuis 25 ans ? C’est notre public qui nous fait vivre. En achetant leurs billets et pass, les spectateurs, issus des quatre coins des États-Unis, entrent à hauteur de quelque 85 % de notre budget. Les autres 15 % proviennent de nos partenaires en France, mais aussi de certains partenaires américains. Néanmoins, chaque année, nous « ramons » pour obtenir ces 15 %…

Nous sommes tous les deux bénévoles, nous sommes professeurs. Nous créons ce festival avec nos étudiants, mais de l’extérieur tout le monde, que ce soit côté français ou américain, le voit comme un festival professionnel – ce qu’il est d’ailleurs. Nous n’avons pas de salariés, le festival est donc assez fragile. Aussi, quand on perd – pour des raisons que nous ignorons, qui ne nous ont d’ailleurs jamais été expliquées – un sponsor fidèle depuis des années comme Unifrance, cela fait mal ! Cela signifie que nous devons tirer la somme de nos propres salaires de professeurs… Nous sommes en train de faire un travail de fond, nous sommes dans les tranchées pour promouvoir la culture française…

 

Mediakwest : Justement en termes d’agencement, combien de temps vous prend l’organisation du festival, combien êtes-vous sur l’événement ?

Peter S. Kirkpatrick : Celui-là, le 25e festival, cela fait deux ans que nous le préparons, à la fois en raison de tout ce qui relève de la Lanterne magique, les autorisations pour importer ces machines formidables, les lanternes magiques, de la Cinémathèque française, mais également du spectacle Mec ! de Philippe Torreton. Le public qui vient voir des films ici s’attend à ce que tout se passe bien, il vise un certain perfectionnisme, rendu possible grâce à nos liens avec le CNC, et surtout la CST et ses artistes techniciens qui viennent jusqu’ici.

 

Françoise Ravaux-Kirkpatrick : Vous nous demandez combien nous sommes… Eh bien, nous sommes tous les deux volontaires. Nous avons aussi des stagiaires français qui viennent d’universités françaises, Sciences Po, écoles de business, etc. qui sont dans les événements culturels ; cette année ils étaient quatre. Heureusement, nous comptons aussi des étudiants américains qui suivent les deux cours que nous assurons dans nos universités respectives.

Nous sommes aussi très reconnaissants à nos anciens stagiaires français qui reviennent pour nous aider pendant le festival ; quatre sont ainsi revenus cette année. Autrement dit, notre équipe est très petite, à peu près une trentaine d’étudiants américains qui suivent un cours, cette année quatre stagiaires français et nous deux. Cela demande pas mal de travail et d’organisation !

 

Mediakwest : Auriez-vous un message à faire passer pour l’année prochaine ?

Peter S. Kirkpatrick : Le cinéma nous ouvre des perspectives sur la vie et des cultures différentes, il est une fenêtre pour se comprendre et s’apprécier les uns les autres. Nous ne devrions pas fermer nos frontières intellectuelles, mais plutôt les ouvrir. Et le cinéma nous permet cela. Comme dit Pierre-William Glenn, président honoraire du French Film Festival : « La vie, c’est la lumière, et cette lumière passe aussi par le cinéma ».

 

* Extrait de notre article paru pour la première fois dans Mediakwest #22, p. 76-79. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.


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