Dans la jungle des cartes mémoire

XQD, Micro P2, SDXC, UHS1, SDHC, CFast, SxS Pro... Si les caméscopes sont désormais privés de bande au bénéfice des cartes, force est de reconnaître qu'il est très compliqué de s'y retrouver entre toutes les normes et autres formats. Pourtant, l'élément est crucial, tant pour sa fiabilité que pour accélérer le Workflow de production. Petit guide pour s'y retrouver
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La carte mémoire, quelle que soit sa forme ou sa norme, est d’abord caractérisée par sa capacité en Giga-octets et ensuite par sa vitesse maximale en écriture, exprimée en « X », en Classe, ou en Méga-octets, (la lecture étant toujours plus rapide que l’écriture, elle n’est désormais plus précisée). La capacité est à peu près simple à décoder pour l’utilisateur lambda. Mais pas en vidéo car nous utilisons des codec avec des notions de débits qui n’utilisent pas les mêmes unités. Il faut donc faire un calcul pour déterminer combien de minutes on peut enregistrer sur telle capacité (voir encadré).

Les performances : avant tout pour le déchargement

Les cartes ne doivent pas se cantonner à être compatibles avec l’outil de travail : elles servent tout autant à décharger les images sur les stations de montage et c’est dans ce domaine que les performances offertes sont prépondérantes.
En effet, si les caméras enregistrent en quelque sorte toujours à la vitesse du codec sélectionné, il n’en est pas de même quand il s’agit d’introduire une carte dans un lecteur et de copier son contenu pour montage. Qui a déjà tenté de décharger une carte P2 de 64 Go depuis la caméra en USB, se rend compte que l’opération peut durer… plus d’une heure. Soit moins vite que la numérisation d’une cassette ! C’est donc dans ce domaine que la notion de performance ou de norme est cruciale quand on doit monter vite, y compris, comme on le fait en ENG, pour monter directement depuis la carte mémoire sans copie. Et c’est aussi pour cette raison qu’il existe désormais des cartes « 1000 X » (150 Mo/s), de nouvelles QXD ou encore de nouvelles SD « UHS ».
Pour le déchargement, quatre paramètres rentrent en ligne de compte. Les performances pures de la carte, la compatibilité du lecteur qui les accueille, l’interface utilisée par le lecteur, et les performances du système de stockage de la station de montage. Exemple, si vous lisez une carte 1000 X (150 Mo/s) dans un lecteur raccordé en USB 2.0 (interface plafonnée à 60 Mo/s) pour une copie sur un disque dur ancien (environ 30 Mo/s), vous serez limité par l’élément le plus faible de la chaîne : le disque dur. La chaîne doit ainsi être totalement homogène en fonction de l’élément le plus performant : la carte dans notre exemple. À l’inverse une carte P2 insérée dans un lecteur spécifique raccordé en USB 3.0 (5 Gb/s) ou Thunder Bolt (10 Gb/s) et transférée sur un SSD se copiera à la vitesse de la lumière. Une heure gagnée au montage, c’est déterminant dans bien des cas.

La famille des cartes SD (Secure Digital)

Il s’agit de la carte la plus répandue et de celle qui est utilisée par une majorité de caméscopes prosumers (AVCHD etc), les appareils photos. C’est aussi elle qui propose le plus de nuances. Globalement, on mettra de côté les premières cartes SD simples (limitées à 2 Go) pour se concentrer sur les SDHC (High Capacity) : elles offrent une capacité de 32 Go maximum et de 4 Go par fichier et sont les plus communes. Mais de plus en plus de caméscopes sont désormais compatibles (d’origine ou via une mise à jour du firmware) avec les cartes SDXC (eXtended Capacity). Là, on peut atteindre une capacité de 2 To. Notons enfin que les « SD » offrent toutes une compatibilité descendante : un lecteur SDXC saura toujours lire une vieille carte SD, mais une carte SDXC sera diversement lue par un lecteur SDHC…
Côté vitesse, c’est plus complexe. Les SDHC ont introduit la notion de « classe » – de 2 à 10 – correspondant à des Mo/s. Obligatoire, c’est une garantie de débit en écriture. Sauf qu’une nouvelle « classe » de vitesse vient d’apparaitre sous le doux nom d’UHS (pour Ultra High Speed) et là, ça se gâte. Estampillé d’un grand « I » (la lettre), l’appellation indique que l’interface de transfert peut atteindre de 50 à 104 Mo/s (théoriques). On lui adjoint alors un chiffre comme « 1 » qui garantit les 10 Mo/s, ou 2 pour 20 Mo/s… Dans ce monde bien compliqué, la bonne nouvelle réside dans le fait qu’un lecteur non UHS saura utiliser une carte UHS (mais à des débits moindres). Ces données sont donc à bien vérifier avec l’appareil de prise de vue et le lecteur de déchargement. La règle est la suivante : choisir une carte compatible avec la caméra, SDHC ou SDXC donc, et sélectionner celle qui va le plus vite (classe 10 ou UHS I 1). On retrouve aussi des « X » dans la nomenclature des constructeurs pour indiquer que la carte va bien plus vite. À l’heure actuelle, des 600X existent déjà chez Lexar, soit 90 Mo/s. Entre une classe 6 (6 Mo/s) et une 600X le temps de déchargement est divisé jusqu’à 15 fois…

La famille des Compact Flash

Les bonnes vieilles cartes CF ont été LE standard il y a 10 ans, mais elles ont été supplantées dans le domaine grand public par les SD, moins « grosses » et surtout sans broches de connexion, fragiles quand on les utilise de manière professionnelle. Pour autant en vidéo ou en photo pro, elles ont toujours le vent en poupe grâce à des performances en constante progression et une nomenclature plus simple à décoder. Malgré le coup des « X » (souvenez-vous !), les CF ont connu une seule évolution baptisée UDMA (de 1 à 7). Ce mode d’écriture a constamment fait évoluer leurs vitesses pour atteindre des débits qui vont jusqu’à 1000 X, soit 150 Mo/s (1,2 Gbps !)… Certains enregistreurs externes comme chez Convergent Design les utilisent. Les Canon XF aussi. Mais attention, le protocole UDMA ne peut plus guère évoluer. Les CF ont atteint leur plafond. D’où le lancement d’un nouveau type de CF : les CFAST moins limitées, plus modernes, mais incompatibles avec l’ancienne génération et, en conséquence, peu ou pas adoptées par les constructeurs.

XQD, les CF Killeuses ?

Du coup, comme les Compact Flash ne peuvent plus trop évoluer, Sony qui a toujours adoré les nouveaux formats, vient de lancer un nouveau type de carte: les XQD. Leur interface est plus moderne, leur taille plus réduite et le débit de base, de 125 Mo/s. Il est bien sûr appelé à augmenter. Problème, aucun constructeur ne l’a rejoint pour le moment, Sandisk ou Lexar ayant même déclaré ne pas compter en produire. Du coup, pour le moment, seul le Nikon D4 l’utilise. Il sera rejoint par certains modèles de la nouvelle gamme Sony (PMW-100…). Mais aucun de ces appareils n’est cantonné au seul XQD. Ils disposent tous d’autres emplacements pour supporter les cartes plus communes. Sony a donc appris de ses erreurs. Les formats propriétaires comme le Memory Stick (en pleine disparition) ou même le SxS (qui a très vite vu l’apparition d’adaptateurs pour cartes SD) n’ont jamais eu le succès escompté. Simplement le constructeur semble miser sur le fait que les pro auront tôt ou tard besoin d’un format professionnel unique et aussi performant que ce qu’offrent les SSD en informatique. Le XQD est un format ouvert, utilisant l’interface PCI-Express et tout de même soutenu par la Compact Flash Association. L’avenir dira si ce choix fut bon ou si les cartes SD mettront tout le monde d’accord.

Du côté du P2

Panasonic avait, quant à lui, réussi son coup avec ses cartes P2 à l’origine hors de prix et de capacités réduites, mais dont les performances étaient uniques à l’époque : 100 Mo/s. Après en avoir vendu des kilos, le constructeur sent le vent tourner. De manière fort judicieuse Il va proposer dès l’année prochaine le Micro P2. En fait, il s’agit de cartes SD hautes performances qui garantiront le même débit que le traditionnel P2. Mais surtout, il existera un adaptateur qui permettra d’insérer du Micro P2 dans les slots P2 traditionnels. Et cet adaptateur sera même compatible avec d’autres cartes SD (hautes performances) que celles de la marque. Grosso modo, donc, c’est une forme d’ouverture que promet le constructeur.

Et les interfaces ?

On l’a vu, l’interface du lecteur est cruciale car il peut étrangler les performances de la carte. Mais dans ce domaine, tout est bien plus simple. Sur PC, on prendra de l’USB 3.0 et sur Mac, du Thunderbolt. Cette dernière interface est d’ailleurs de plus en plus portée sur PC aussi. On oubliera donc le FireWire 800 et l’USB 2.0, désormais dépassés.

Débit, vitesses, tout comprendre

Prenons l’exemple suivant : mon outil de tournage enregistre dans un codec à 50 Mbps, quelle capacité me faut-il pour enregistrer une heure de film ? Et il faut déjà sortir la calculette. Les bits par seconde ne sont pas des octets, un octet = 8 bits (et un octet en anglais est un Byte avec un grand « B » pour ajouter à la confusion !). Autrement dit, il faut déjà faire une conversion. Dans notre exemple, 50 Mbps par seconde = 50 / 8 = 6.25 Mo/s. Le tout multiplié par 3600 secondes (une heure), soit, 22500 Méga-octets = 22,5 Go par heure. Pour être tranquille, une carte de 32 Go s’impose.

Ensuite, une fois cette donnée intégrée, il faut contrôler les capacités d’écriture de la carte en fonction de notre codec de tournage. Le jeu des conversions acquis, les choses se simplifient. Dans notre exemple, il nous faut donc une carte capable d’écrire plus « vite » que 6.25 Mo/s. Ainsi, si l’on utilise une carte SD, il nous faut une carte de « classe supérieure » à 6,25 (car les « classes » correspondent à des Mo/s garantis en écriture), soit une classe 10 (10 Mo/s). En revanche, sur carte CF, on va effectuer une nouvelle conversion car les vitesses sont exprimées en « X » (hérités des bons vieux CD-Rom). Un « X » = 150 Ko/s. Soit 0,15 Mo/s. 6,25 / 0,15 = 41,6 X. Une carte 50X devrait donc convenir mais visez toujours plus large. Voilà pour la théorie et rassurez-vous, une fois le calcul effectué une bonne fois pour toutes, on sait ce qu’il est nécessaire d’acheter pour ces outils de captation. Et encore nous vous avons épargné le fait qu’un ko correspond en fait à 1024 bits et non pas 1000 !