Dean Humphreys : « Early Reflexions » à propos du Dolby Atmos

 
5778877be1a35482f319be586a4e5dc3.jpg

Technologie récente, le Dolby Atmos reste un procédé avec lequel peu de mixeurs ont encore été confrontés en Europe. Mixeur anglais dont la filmographie récente inclut Le Weekend, Le Roman de Polanski, The Ghost Writer, Dean Humphreys a pu superviser le mixage Atmos de Taken 2 après en avoir effectué le mixage 5.1. Il nous donne ses premières impressions et réflexions sur l’intérêt de la technologie Dolby.

Comment s’est déroulé le mix Atmos ?

Nous avons d’abord mixé le film en 5.1, puis envoyé les stems à Los Angeles pour effectuer la version Atmos qui a été réalisée par Chuck Michael. Le réalisateur (Olivier Megaton NDLR) et moi avons donc rejoint le Zanuck Theatre de la Fox afin de nous assurer que la version Atmos soit fidèle à la version 5.1. Ils disposaient des stems (Dialogue, Music, Sound Effects et Bruitage) mais aussi des Sessions Pro Tools d’effets produites par Fred Dubois (chef monteur son NDLR).

 

Peut-on parler d’un upmix ou était-ce un remix complet ?

Non, ce n’était pas un remix complet, mais l’occasion d’améliorer certains détails. Par exemple, certains coups de feu qui auparavant sortaient sur les trois enceintes ont été répartis dans la pièce. D’autre part, quelques ajustements sur la spatialisation des effets ont été effectués. Au final, l’ensemble des opérations a pris une semaine.

 

Comment la technologie Atmos a-t-elle servi le film ?

Sur le plan strictement technique, j’ai trouvé que le rendu des séquences les plus denses était plus clair, avec moins d’agressivité dans les aigus. Du fait qu’il y ait plus d’enceintes pour propager le son, il y a du coup moins de distorsion. D’une manière générale, le son est plus net et plus immersif qu’en 5.1. Après, du point de vue des producteurs et des distributeurs, la question est moins simple. Est-ce que cette technologie va permettre d’accroitre les revenus ? Est-ce qu’elle se montre suffisamment attractive pour se traduire par une augmentation du nombre d’entrées ? Là, c’est une autre histoire…

Quelles sont les mises à jour nécessaires pour diffuser en Atmos ?

Si, pour une salle, le volume nécessaire pour l’Atmos n’est pas plus élevé que pour le 5.1, elles doivent en revanche être équipées d’un nombre plus important d’amplificateurs et d’enceintes. Et pour que la technologie Atmos puisse fonctionner, il faut s’assurer que TOUS les haut-parleurs soient en bon état de marche. L’ensemble des professionnels du son de part le monde ont toujours déploré que, dans la pluparts des cinémas, il est extrêmement rare qu’un mix 5.1 soit reproduit au bon volume sonore, avec la bonne réponse en fréquence. Fort de ce constat, comment l’industrie compte-t-elle faire évoluer les exploitants de sorte qu’ils puissent s’assurer, qu’avant chaque séance, les 20, 30 ou 40 haut-parleurs présents dans chaque salle compatibles Atmos soient correctement alignés ?

 

Est-il exact de dire qu’Atmos ne sera utile que pour certains types de film ?

Mon sentiment aujourd’hui est que les films d’action à grand spectacle pourront en tirer profit, les films de dialogues beaucoup moins, mais l’avenir nous le dira !

 

Sur le site gearslutz.com, vous expliquez que le système Imm, que vous avez vu à Barcelone et qui appartient aujourd’hui à Dolby, pourrait apporter au système Atmos des avancées intéressantes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

D’après ce que j’ai compris, le système Imm a la faculté de vérifier à distance l’alignement en phase des haut-parleurs dans les cinémas, sans envoyer un ingénieur pour effectuer la calibration. Si Dolby, qui vient de racheter Imm, pouvait inclure cette spécificité dans Atmos et tous les autres systèmes 5.1 dans le monde, ce serait un grand pas en avant !

 

L’Atmos en quelques mots

La technologie Atmos a d’abord été annoncée par Dolby en Avril 2012 puis lors du festival de Cannes. En France, la première projection presse a eu lieu avec le film Le Hobbit en conjonction avec une image Dolby 3D HFR (High Frame Rate, soit 48 is).  Actuellement, les salles équipées en Atmos se trouvent au Pathé Wepler, au Pathé Beaugrenelle à Paris et au Mégarama de Pian-Médoc, près de Bordeaux, mais d’autres devraient suivre… Comme d’habitude chez Dolby, ce nouveau format reste compatible avec les anciens formats 5.1 et 7.1 tout en apportant la dimension zénithale (haut-bas) ainsi qu’une meilleure sensation d’enveloppement. En postproduction, le mixage Atmos s’effectue à partir des stems 5.1 ou 7.1. Le processeur de mixage permet le suivi de 128 objets sonores grâce à l’enregistrement de metadonnées décrivant la trajectoire sonore de ces objets, selon une technique analogue aux moteurs développés dans l’industrie du jeu vidéo. Le mixeur Chuck Michael précise que dix objets étant utilisés pour la gestion du 9.1, 118 objets restent effectivement disponibles pour le mix. Sur un film comme Taken 2, 80 à 90 objets ont ainsi été mis à contribution. Pour assurer une diffusion satisfaisante, le nombre d’enceintes doit représenter un maillage suffisamment fin pour être convaincant et varie en fonction des dimensions de la salle ou de l’auditorium à équiper. Pour donner un ordre de grandeur, lors de sa mise à jour pour la diffusion en Atmos, la salle du Pathé Wepler a été équipée d’une cinquantaine d’enceintes (9 enceintes sur chaque côté, 2 rangée de 9 enceintes pour le plafond alignées aux enceintes Lc et Rc, 8 enceintes à l’arrière auquel il faut rajouter 1 Sub avant et  2 Sub arrières). De son côté, Dolby annonce que les 64 canaux  de son processeur CP850 peuvent gérer des systèmes allant jusqu’au 61.3. The Hobbit, Die Hard 5, GI Joe 2, Oblivion, Les Croods, l’Odyssée de Pie font partie des premiers films visibles à ce format. Selon Dolby, il existe actuellement une douzaine d’auditorium de mixage agréés Atmos dans le monde, dont trois en Europe. En France, Le premier audi ainsi équipé vient d’être ouvert à Paris chez Ink Production. Prévu pour juin prochain, le mixage Atmos de En Solitaire, long métrage de fiction de Christophe Offenstein, y sera réalisé, faisant ainsi de ce film sur le monde de la course solitaire, la première production française mixée en Atmos dans l’hexagone.