Filmer l’extrême Quels moyens techniques pour quelles applications ?

Documentaires, programmes sportifs, reportages en zone de combat... De nombreuses productions sont confrontées à des choix techniques dépendant d'un environnement difficile. Passage en revue de quelques outils fréquemment employés.
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Filmer dans des avions de chasse, en opérations extérieures en Afghanistan, sous l’eau, ou encore à l’aide de drones oblige à choisir des matériels à la fois robustes et adaptés à ces configurations bien particulières. Nous avons listé de manière non exhaustive les caméras et leurs accessoires que les opérateurs spécialisés exploitent dans ces conditions extrêmes.

Dans les avions de chasse

L’adjudant Christophe Achard exerce au sein du SIRPA Air. Outre les caractéristiques techniques des caméscopes et des paluches, il doit aussi choisir son matériel embarqué en fonction des homologations sécuritaires de l’armée de l’air.
« Pour chaque type d’appareils nous avons déterminé des modèles de caméras autorisés à voler. Le peu d’espace mais aussi les contraintes d’éjection du pilote dans un avion de chasse sont pris en compte. De plus, à chaque type d’avion correspond des points d’accroche possibles ou non » explique t-il.
Si un opérateur peut parfois être embarqué sur la place arrière d’un Alphajet, d’un mirage F1, ou d’un Rafale biplace, c’est toujours avec des caméscopes d’une taille maximale équivalente au Sony Z7. Pour d’autres appareils mono place, la paluche est l’unique moyen de filmer.
La GoPro est parfois exploitée, mais les vibrations engendrées par les réacteurs de l’avion ainsi que le nombre de G qui peuvent lui être infligée, peuvent détériorer et dégrader la qualité de l’image. À cela s’ajoutent également les parasites générés par l’électronique des commandes de bord. Seule la paluche Toshiba IK-HR1 a réussi les tests. Elle peut sans problème encaisser les 9 G de charge maximale. Pour ce type de vols, l’équipe de l’armée de l’air la connecte à un enregistreur très compact Panasonic AG-HMR10E

Dans le froid

Pour d’autres raisons, la caméra crayon Toshiba a également été retenue par AMP VISUAL TV dans des conditions extrêmes de froid lors du tournage du film de l’expédition en ballon de Jean-Louis Étienne au dessus de l’Arctique. Trois paluches, dont une robotisée, placée sur un bras de 4 m de long et filmant à l’extérieur de la nacelle, étaient installées sur le ballon. Les températures pouvaient atteindre -25°. Il fallait parer à toute perte sensible d’énergie. Notons que la GoPro Hero II est maintenant équipée d’un régulateur de chaleur au niveau de la batterie afin d’éviter des décharges trop rapides dans les conditions de grands froids.
En ce qui concerne les combos, plusieurs équipes dont celles du SIRPA Terre cette fois, ont fait référence à la bonne résistance des composants et des cartes P2 des Panasonic AG-HPX171 et AG-HPX371.
En Afghanistan ce sont d’ailleurs ces caméscopes qui sont souvent exploités par le service image. Dans ce pays, les températures peuvent être extrêmes en hiver comme en été.

En plongée

Les films sous-marins demeurent une valeur sûre du film extrême.
Ici l’élément clef n’est plus réellement la caméra elle-même (même si sa sensibilité et son objectif sont déterminants), mais le caisson dans lequel elle vient s’insérer.
Deux grandes familles cohabitent : les caissons à poussoir tout d’abord. Ils disposent d’une tige mécanique actionnée par le plongeur. L’embout de cette tige vient enclencher les boutons principaux du caméscope.
Plus onéreux, les caissons pourvus d’un report de commande électronique permettent, eux, un retour sur écran LCD et une intervention dans les menus sur une plus large gamme de paramètres.
Dans les deux cas, ces boitiers étanches correspondent à un modèle unique de caméscopes. Ils sont donc fabriqués exclusivement pour les caméras les plus implantées sur le marché. On y retrouve beaucoup de références aux caméras Sony, et dans une moindre mesure, à ses principaux concurrents.
De nombreuses marques de caissons cohabitent, notons simplement Equinox Housings qui produit une large gamme y compris pour les DSLR.
Filmer sous l’eau étant devenu une spécialité, la conception de caissons développés artisanalement par les opérateurs eux-mêmes existe. Il s’agit souvent d’adaptation de modèles préexistants pour de nouveaux caméscopes.
Des drones de plus en plus utilisés
Pour des raisons évidentes de coûts, le drone est de plus en plus exploité par les productions. Sans remplacer systématiquement un vol en hélicoptère, il peut dans bien des situations faire l’affaire pour une prise de vue aérienne simple.
De nombreux fabricants artisanaux, dont beaucoup sont issus du monde du modélisme, ont aujourd’hui pignon sur rue. Parmi eux, nous pouvons citer des marques comme Mikrokopter, Droidworkx, Cinestar ou encore Dji Innovations.
Des outils très légers à quatre hélices permettent d’embarquer une simple GoPro.
Les six hélices offrent une meilleure stabilité et une puissance supérieure qui permet d’y adjoindre des Canon 5D/7D et bien souvent de simples Sony HDR-CX740. Ces dernières semblent d’ailleurs être régulièrement employées sur ce type de drones.

Enfin, le drone à 8 hélices est lui destiné au cinéma ou au documentaire dont l’image doit être soignée. Il peut emporter des caméras de type Red ou épic. Les nacelles sont alors le plus souvent pilotables sur trois axes afin de réaliser plusieurs types de mouvements. Ces mouvements peuvent (en fonction du type de nacelles utilisées) êtres paramétrés par des points clefs entrés dans le GPS du drone avant le vol !
Bien entendu le nombre d’hélices augmente la portance de l’appareil, mais aussi sa maniabilité et ses limites de vol en fonction des conditions météo.
Attention tout de même, la législation de la direction générale de l’aviation civile est de plus en plus vigilante sur les zones que l’on peut survoler et surtout sur le niveau de qualification de l’opérateur. Il doit être enregistré auprès de la DGAC et peut avoir à justifier d’un brevet de pilote ULM ou de planeur, en fonction du type de drone qu’il utilise. Des autorisations préfectorales sont aussi nécessaires pour le survol de lieux d’habitations. Pour une bonne prise de vue, il est à noter que l’appareil doit être contrôlé à la fois par un pilote qui dirige le drone et par un opérateur qui lui gère l’orientation de la nacelle sur laquelle repose la caméra.

Le gyroscope pour amortir les mouvements

À bord d’un hélicoptère, d’un bateau ou tout autre mode de transport, le gyroscope est également employé par une poignée de spécialistes comme outil de stabilisation. Un gyroscope est un appareil qui exploite le principe de la conservation du mouvement angulaire en physique. L’essentiel du dispositif repose sur une roue tournant sur un axe qui, une fois lancée, tend à résister aux changements de son orientation.
Il est nécessaire d’exploiter un gyroscope pour chaque axe dont vous souhaitez amortir les mouvements.
Le distributeur PBS commercialise des kits de gyroscopes (de marque Kenion Laboratories) pour des caméscopes de poing et d’épaule.

En conclusion

Robustesse et facilité d’emploi demeurent les maîtres mots des prises de vues à risque.
Si les caméscopes et autres paluches sont largement produites par des industriels historiques, (Sony, Panasonic, Toshiba …) ou de nouveaux entrant (GoPro), l’artisanat et le système D domine en ce qui concerne les systèmes de fixations et de protections.
L’arrivée des caméscopes et écrans 4K est aussi un paramètre qui va progressivement faire changer les habitudes. En effet, le fait de pouvoir zoomer dans l’image en gardant une excellente qualité de définition semble intéresser de nombreux réalisateurs de l’extrême.