Jérôme Krumenacker : Un Chef opérateur né dans l’image

Jérôme Krumenacker est l'un des Directeurs Photo de L'Enfer de Henri-Georges Clouzot, sélectionné à Cannes en 2009 (hors compétition) et César du meilleur documentaire en 2010. À 45 ans, le chef opérateur affirme avoir toujours eu un penchant pour la vidéo, même à ses débuts. Portrait d'un technicien très actif.
47e29f9fe96a1771642fb05ac8a8fd00.jpg


Né d’une maman photographe et d’un papa Chef opérateur, Jérôme Krumenacker était sans aucun doute prédestiné aux métiers de l’image.

François Krumenacker, le père donc, continue d’ailleurs à 72 ans à exercer la direction de la photo. Il a notamment signé par le passé l’image du téléfilm Le Grand Patron avec Francis Huster ou encore Le Boulevard du crime avec André Dussolier. C’est évidemment lui qui met précocement le pied à l’étrier à son fils. Dès l’âge de 15 ans, Jérôme est convié à ses côtés sur les plateaux de films institutionnels.

« Cela m’a tout de suite plu », se souvient l’homme de 45 ans.

« Ensuite, j’ai enchaîné avec des postes d’assistant électro, je rangeais le camion, puis progressivement j’ai gravi les échelons et suis devenu assistant caméra sur les petites équipes » poursuit-il avec un sourire rêveur que ses petites lunettes rondes soulignent.

 

Un mélange de formation paternelle et d’autodidacte

 

La passion est là, de plus en plus forte, et à partir de 16 ans l’ado cinéphile sèche de plus en plus les cours (sous le regard moyennement bienveillant de ses parents). À 18 ans Jérôme décide de ne pas passer le bac et de se consacrer à 100% à son nouveau métier.

Il intègre quelque temps la société Alphascope de son père avant de devenir pleinement indépendant. Vers 25 ans, ceux qui l’ont employé comme assistant font appel à lui comme jeune directeur de la photo. En 1991, il décide alors de monter sa propre structure Jérônimo.

«Même si je suis loin d’être le seul, j’ai l’impression d’être un peu à part dans le milieu des chefs op car je ne suis pas passé par une école comme la Fémis ou Louis Lumière » avoue-t-il avec un brin de fierté.

Convaincu que sa propre expérience peut être reproduite, il se fixe un point d’honneur à transmettre ses connaissances à ses assistants.


Concilier les désirs du réalisateur aux moyens de la production.

 

Les références cinéma du chef opérateur qui a installé sa société à Ivry Sur Seine dans les locaux de Cinedesk sont véritablement tournées vers les États-Unis. Parmi ses maîtres il cite volontiers Robert Ridcharson (À tombeau ouvert, La neige tombait sur les cèdres) ou encore Dane Spinoti (Révélation). Mais Jérôme cherche surtout son inspiration dans les maîtres de la photographie comme Josef Koudelka, René Burri, Mario Giacomelli, Raymond Depardon, Bill Brandt, William Eggleston et bien d’autres.

Jérôme a participé à la réalisation de trois longs métrages de fiction à budgets réduits. L’un a été tourné en super 16 lorsqu’il avait 29 ans et un autre, plus atypique, l’a été en super 8, « dans des conditions très complexes en Iran » précise t-il. Il s’agit du Tabou de Mitra Farahani.

 

Mais c’est son expérience dans le documentaire qui lui a beaucoup servi sur ces trois longs métrages. « Quand on est chef op, on doit toujours faire des compromis. Je ne suis pas assez star pour que l’on me laisse 6 heures pour préparer un plan, il faut avoir des recettes pour être efficace. L’école du reportage et du doc est très intéressante pour cela. J’aime faire des choses assez simples. Il ne faut pas oublier que le cinéma c’est avant tout ce que l’on raconte plus que l’image » prend-t-il le temps d’expliquer.

Il est certain que Jérôme Krumenacker semble faire partie des directeurs photos qui ne font pas de l’image pour eux-mêmes. Lors de notre long entretien, il a plusieurs fois insisté sur son souci permanent de concilier les désirs du réalisateur avec les moyens consentis par la production, un travail d’équilibriste en quelque sorte.

Dans la filmographie du chef op, on trouve donc majoritairement des documentaires, des téléfilms, des pubs et des bandes annonces. On notera en particulier L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot réalisé par Serge Bromberg et Ruxandra Médréa, film qui fût primé du césar du meilleur documentaire en 2010.

 

La vidéo et le cinéma numérique sans problème

 

Très tôt Jérôme est passé à la vidéo, puisque son père l’avait déjà initié alors que l’outil ne faisait pas encore l’unanimité sur tous les types de productions.

« Aujourd’hui le cinéma numérique a beaucoup évolué par rapport à ce qu’il était il n’y encore que 5 ans. La caméra Red a beaucoup contribué à son évolution et à la baisse de ses coûts, mais je trouve le produit encore trop compliqué à mon goût, et le temps d’attente pour son achat est de toute façon trop long. Moi je suis à 200 % fan de l’Alexa » annonce-t-il franchement. Il est d’ailleurs propriétaire d’une Alexa depuis avril 2011.

Jérôme Krumenacker considère la caméra Arri comme un jouet : facile d’utilisation et ne nécessitant qu’extrêmement peu d’ajout de lumière selon lui. Il l’a d’ailleurs utilisée sur le tournage du docu fiction Paris la ville à remonter le temps réalisé par Xavier Lefebvre et produit par Gédéon pour la chaine Planète+ (diffusion en 2012).

Pour ses bandes annonces Jérôme Krumenacker utilise également les appareils photos Canon 5D (il en possède 3). S’il se réjouit de la baisse des coûts de l’ensemble des matériaux de prise de vue, Jérôme s’indigne tout de même que les temps de préparation et surtout de réflexion en amont du tournage baissent également.

« On aurait pu espérer que le gain économique porté sur les caméras et les machines de montage ait une répercussion positive sur les temps de préparation et de fabrication des films, mais il n’en est rien, c’est dommage » conclut ce papa qui attend pour très bientôt son deuxième enfant.

 

Cyril Delorme