Le son sur DSLR : faire face aux pièges des reflex numériques


Comme souvent lorsque l'on détourne un outil de son usage premier, le reflex numérique utilisé non pas pour prendre des photos mais à des fins d'enregistrement vidéo, cela impose de sérieuses limitations, notamment sur le plan audio. Du tournage solo à petit budget au tournage multicam en équipe, plusieurs solutions sont couramment adoptées en France mais aussi Outre Atlantique pour des résultats plus ou moins professionnels. Revue de détails...
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Depuis environ trois ans, le DSLR, acronyme de Digital Single Lense Reflex, est devenu en production vidéo une mode qui s’est rapidement étendue à de nombreux types de tournage allant de la fiction au magazine TV en passant par le pub ou l’institutionnel. Si d’un point de vue image, la haute sensibilité, les effets de profondeurs de champ ou encore la disponibilité d’objectifs performants à des prix alléchants peuvent compenser des limitations comme la faible durée des séquences ou l’ergonomie, d’un point de vue audio, il manque souvent l’essentiel pour enregistrer du son de manière professionnelle. Pour gérer cette pénurie, certains tentent d’accessoiriser ou de customiser l’appareil photo afin d’en améliorer les fonctionnalités audio, d’autres enregistrent le son sur un appareil séparé plus ou moins sophistiqué. Parallèlement, certains ingénieurs du son comme Christophe Millet, chez Virtuel Audio, ont su développer une réelle expertise afin d’apporter aux productions une solution où la qualité de son se devait d’être à la hauteur de la qualité des images HD ainsi produites…

Débrider l’appareil photo

Entrée sur minijack, circuit audio de qualité médiocre, écoute au casque impossible, niveau automatique non débrayable, visualisation des niveaux pendant l’enregistrement indisponible… Voici une liste non exhaustive des principaux griefs que l’on peut dresser à l’encontre des appareils photos numériques. On se croirait revenu au temps où les pros se sont mis à tourner avec les petites caméras mini DV… mais en pire ! Bien sûr, avec des caméras comme la PD 150, la situation s’est améliorée et nul doute qu’on en prend le chemin si l’on regarde les spécifications de produits comme les derniers Canon 5D Mark III ou encore les Eos C 300 et C100. En attendant que ce type d’appareils se démocratise, certains utilisateurs essayent malgré tout d’enregistrer le son directement sur l’appareil photo, un chemin difficile où les risques d’obtenir une qualité de son médiocre sont grands.

La première épreuve, qui tient souvent du parcours du combattant, consiste à retrouver l’affichage du peak mètre, un réglage manuel du niveau et un monitoring audio pendant le tournage. Pour certains modèles Canon (5D Mark II, 550D, 60D, 600D, 500D, le 7D s’annonce plus difficile) les hackers de Magic Lantern proposent, en libre accès sur leur site, un firmware alternatif qui se charge depuis la carte CF et débride certaines de ces fonctions. Voilà un début de bonne nouvelle, mais pour pouvoir ensuite y brancher un casque, il faut souvent passer par un câble adaptateur spécifique (jack 3 points vers jack stéréo 3.5 mm ou USB vers jack 3,5 mm suivant les modèles) dont le fabricant américain Sescom s’est fait une spécialité. Ensuite, les possibilités de raccordement et le choix des micros sont plus limités que sur un caméscope pro. Comme la connectique est en mini-Jack et l’entrée stéréo dépourvue d’alimentation 48V, les utilisateurs choisissent bien souvent un petit micro à électret compact et léger qui pourra être mono ou stéréo pour capter des d’ambiances. Sur ce créneau, outre le Sennheiser MKE 400, les gammes VidéoMic chez Rode ou ATR chez Audio-Technica sont souvent adoptées. D’autre part, pour réaliser une interview avec un micro cravate HF, on retrouve souvent les systèmes Sennheiser Evolution qui séduisent grâce à leur connectique minijack native, leur petite taille et leur prix abordable.

Ajouter un préampli externe

Pour bénéficier d’une sortie casque, d’un contrôle de niveau, d’une preamplification symétrique sur XLR avec alimentation 48V, certains utilisateurs se tournent vers des préamplis compacts qui se fixent généralement sous l’appareil. Un marché de niche investi par des spécialistes comme l’américain JuicedLink, le canadien BeachTek, ou plus près de nous le loueur français DCA qui propose son boîtier Telemak à la location comme à la vente. Notons que pour minimiser les artefacts du niveau automatique non débrayable sur certains appareils comme le 7D, quelques modèles proposent une option “AGC Disable” qui envoie tout simplement un signal constant sur le deuxième canal. Ce dernier est parfois audible, réduisant du coup les possibilités d’enregistrement à une seule piste. Chez BeachTek, il s’agit d’une fréquence de 20 kHz qu’il faudra ensuite filtrer en postproduction…
Plus ambitieux, Fostex, avec son DC-R302 propose un mixeur 3 voies doublé d’un enregistreur 2 canaux sur carte SD. Suffisamment compact, il est conçu pour se fixer sous l’appareil photo. Doté d’une sortie minijack à niveau micro, il permet d’envoyer un son déjà préamplifié sur les deux pistes du DSLR et d’enregistrer séparément un fichier bi-piste sur la carte SD que l’on pourra synchroniser en postproduction. Cerise sur le gâteau, l’appui sur la touche Rec du Fostex peut déclencher l’enregistrement vidéo d’un Canon 5D Mark II via infra-rouge et en fait une machine réellement optimisée pour cet usage. Moins luxueux, l’utilisation d’un petit enregistreur d’entrée de gamme sur lequel on peut tout de même brancher et alimenter deux micros tend à se répandre, notamment parmi les utilisateurs qui tournent en solo.

Le son sur un enregistreur séparé

Fixé directement sur la griffe porte accessoire ou sur un berceau spécifique, les enregistreurs de poing apportent un couple de micro stéréo pour les prises d’ambiance, deux préamplis de meilleure qualité avec alim fantôme, des fiches XLR pour connecter deux micros additionnels, et la possibilité de ré-injecter leur sortie vers l’entrée audio du DSLR pour enregistrer un son témoin ou définitif selon les cas. Sur ce créneau, le Zoom H4n est incontestablement le plus utilisé, même si des modèles plus récents comme le Tascam DR 40 ou l’Olympus LS 100 peuvent lui être opposés. Dans ce cas, le tournage est alourdi puisqu’il faut penser pour chaque prise à démarrer deux machines au lieu d’une et à clapper. Par contre en postproduction, l’absence de Time-Code est aujourd’hui compensée par des solutions alternatives qui viennent alléger le travail de synchro image/son. En rapprochant le son témoin sur le DSLR et le son noble sur l’enregistreur, des procédés logiciels permettent en effet de faire coïncider les deux fichiers automatiquement grâce à une analyse de la forme d’onde. La fameuse application PluralEyes de Singular Software resynchronise ainsi tous les fichiers audio et vidéo placés sur des pistes distinctes et donne le choix de remplacer le son témoin par l’audio définitif dans une nouvelle séquence XML. De son côté, FCP, depuis la version 10, est capable de synchroniser automatiquement un clip vidéo avec un fichier son, générant au passage un nouveau clip contenant les deux pistes. Pratique mais à renouveler pour chaque clip…

Confier le son à des spécialistes

À la fois chef opérateur son et mixeur, Christophe Millet fait partie d’un groupement de huit ingénieurs du son réunis autour de Virtuel Audio. Fonctionnant à la manière d’une coopérative, la société a réuni son savoir faire autour d’un parc de matériel destiné à la prise de son complétée d’une structure de postproduction son incluant trois auditorium de mix conçus autour de stations Steinberg Nuendo et de surfaces de contrôle SmartAV Tango. Intervenant régulièrement sur des émissions telles Thalassa ou Faut Pas Rêver, les ingénieurs du son ont été amenés il y a environ trois ans à réfléchir sur la problématique du son dans le cadre de tournages “multi-DSLR”. À l’époque, l’émission de Georges Pernoud cherche un nouveau look, et le 5D de Canon, symbole de légèreté, de proximité, et d’images inédites s’impose comme un nouvel outil sur les plateaux de l’émission. Sauf que les limitations de l’engin sur le plan sonore réclament une approche différentes des tournages classiques : ” Quand on commence à mettre du son sur un 5D, ça souffle, l’électronique n’encaisse pas la dynamique, bref le rendu n’est vraiment pas à la hauteur des images HD ” résume Christophe Millet qui s’est rapidement tourné vers une méthodologie proche du cinéma : “j’utilise un enregistreur, généralement un multipiste comme le 788 de Sound Devices, qui me permet de garder les pistes pre fader pour la postproduction et d’envoyer via une liaison HF un premix qui sert de son témoin pour la synchro. Nous clappons dès que possible, car cela reste la sécurité absolue. D’ailleurs, les différents intervenants de l’émission ne sont en général pas perturbés par ce rituel, bien au contraire. (…) Ensuite, nous nous adaptons en fonction du type de montage image. Parmi les utilisateurs de Final Cut, le Time-Code est aujourd’hui moins demandé car la re-synchro se fait souvent automatiquement grâce au plug-in PluralEyes. Par contre, si le montage se fait sur Avid, j’utilise un boitier comme l’Ambient ALL601 qui permet de coucher le Time-code LTC sur une piste, et le son témoin sur l’autre. Les monteurs peuvent ensuite resynchroniser automatiquement de manière fiable les fichiers son avec les clips image grâce à la gestion du TC audio incluse dans Media Composer. Afin de bénéficier d’une sécurité supplémentaire et d’aider au derushage, je prends le temps d’unifier la date et l’heure des fichiers images et des fichiers son...”

Une nouvelle approche du tournage multicam

Chez Virtuel Audio, l’arrivée de boîtiers dotés d’un module audio XLR comme le Canon C300 ne remet finalement pas en cause la méthodologie mise au point avec le 5D explique Christophe Millet “Sur le C300, la présence d’une entrée TC rend la situation plus confortable car les data se retrouvent incluses dans les rushes, mais nous avons choisi de garder la même approche qu’avec le 5D. Nous continuons à enregistrer seulement un son témoin sur l’appareil, et les sons séparés sur le multipiste. Pour nous, envoyer le premix final sur les caméras par le biais de HF, est une technique dépassée. La solution d’avenir consiste à maitriser les techniques de synchronisation.” lance notre interlocuteur qui précise les avantages d’une telle approche : “Nous ne sommes plus limité par les deux pistes de la caméra et dans le cadre d’un tournage multicam, on se retrouve au bout du compte avec des configurations HF plus légères que si nous devions installer deux HF par caméra. À l’heure où la pénurie de fréquences HF liée à l’arrivée de la téléphonie 4G se fait sentir, ce n’est pas négligeable. Au final on y gagne en souplesse et en qualité. Bien sûr, il faut ensuite travailler avec des monteurs qui connaissent le Time-Code… ” Au final, les ingénieurs du son de Virtuel Audio ont su profiter des limitations du DSLR pour monter en gamme dans leurs prestations, se différenciant ainsi plus nettement du “JRI qui tourne seul et doit tout faire avec le micro cam et un cravate HF ” en apportant une qualité de son appréciée par les productions. À méditer…

Importateurs et revendeurs

Fostex et Tascam : importé par Sennheiser France
SmartAV : importé par Floating Point Audio
Ambient : importé par Tapages
Sound Devices : importé par JBK Marketing
BeachTek : disponible chez Broadcastor, Digistore et Video’Neil
JuicedLink : disponible chez 7Cis, Hightech Avenue et Red Dot Photo Video
Telemak : disponible chez DCA
Olympus : SCV HiTech