Une brève histoire du montage : du timecode aux apps sur smartphone

Après un article sur les pellicules et les bandes magnétiques « à l’air libre », nous allons revenir sur les évolutions du montage moderne et les solutions mainstream, de l'arrivée du time code jusqu’à la solution de montage sur smartphone...
Extrait d’une vidéo de formation au montage de la BBC. © BBC

Le timecode

Pour les professionnels de l’audiovisuel, le timecode semble avoir toujours existé. Il serait en effet aujourd’hui inenvisageable de se passer de ce signal qui accompagne les rushes (plans filmés) et les programmes audiovisuels tout au long des étapes de postproduction pour identifier précisément chacune des images (comme les keycodes identifiaient les pictogrammes des pellicules). On doit ce timecode à l’Electronic Engineering Company of California (EECO), qui en a développé une première version nommée « on-time » pour des besoins militaires de tests de missiles pendant la guerre froide.

Les possibilités offertes grâce au timecode sont très nombreuses : synchronisation de l’audio et de la vidéo, recherche d’une image précise, pilotage des régies audio et vidéo et surtout montage à l’image près et répétabilité des opérations de postproduction. Le timecode EECO a été implanté dans le magnétoscope deux pouces quadruplex VR-2000 dès 1964, en faisant ainsi la machine de montage la plus utilisée pour la postproduction à Hollywood. La version actuelle du timecode SMPTE a été développée en 1967 conjointement par l’EECO et la SMPTE (Society of Motion Picture and Television Engineers).

 

Magnétoscopes U-Matic et Betacam

Différentes générations de magnétoscopes ont ensuite fait leur apparition. À la différence des bandes un et deux pouces qui étaient ouvertes (sans protection), ces nouveaux supports magnétiques ont été intégrés dans des cassettes. Le nom des appareils U-Matic fait référence à la forme du chemin de bande : le chemin emprunté par le support d’enregistrement (la bande magnétique) qui entrait profondément dans les lecteurs/enregistreurs.

Commercialisés à partir de 1971 la gamme U-Matic fut suivi, une dizaine d’années plus tard, en 1982, par la série des magnétoscopes Betacam incluant pour certains modèles des contrôleurs plus complexes avec une synchronisation électronique. La qualité de l’U-Matic n’atteignant pas celle des bandes un pouce, c’est le Betacam avec sa définition horizontale de 400 lignes qui remplaça progressivement les bandes « libres ». En 1987, la résolution du Betacam SP atteint les 700 lignes. Ces appareils commercialisés par Sony ont révolutionné la vidéo, des modèles portables ont initié la postproduction mobile.

 

Les éditeurs de montage

Dans les années 80 et 90, Sony était un fabricant très présent dans les salles de montage, en fournissant de très nombreux magnétoscopes, et les télécommandes associées. Les modèles phares sont devenus des références emblématiques de toute une période du montage vidéo. Les régies multimachines utilisées pour le montage linéaire étaient composées de différents outils selon les besoins et budgets disponibles. Un magnétoscope enregistreur, un ou plusieurs lecteurs et un contrôleur de montage (interface de pilotage) : Sony RME 400, RME 450, BVE 600, BVE 900, BVE 2000, BVE 9000, BVE 9100… Selon les besoins et les budgets, cet équipement de base était complété de mélangeurs audio et vidéo (GVG 100, GVG 200 par exemple), de générateurs d’effets spéciaux (ADO 100 et Sony DME7000…) et de titrages. L’utilisation de plusieurs sources (magnétoscopes) permettait la réalisation d’effets et de transitions entre les plans à l’aide d’un mélangeur. Certains modèles disposaient de fonctionnalités plus poussées telles que l’incrustation sur fond vert ou bleu, les effets d’image dans l’image, etc.

Tous ces outils devenant rapidement très encombrants, les salles de montage étaient remplies de racks entiers de matériels. La télécommande BVE900 a connu un grand succès ; et la version suivante, la BVE 910, a permis la programmation de macros pour automatiser des actions de montages complexes ou répétitives. La Sony BVE9000 est une des télécommandes les plus abouties arrivée à la période de transition entre le montage linéaire et non linéaire (ou virtuel). Son apparence était celle d’un grand clavier métallique doté d’un bouton Jog/Shuttle, qui a marqué les esprits des monteurs et qui leur a souvent manqué lors du remplacement de leurs régies multimachines par des stations informatisées. Des outils copiant en partie cette télécommande ont été proposés pour piloter les stations de montage non linéaires.

Très récemment, Blackmagic Design a commercialisé un clavier pour la partie montage de son logiciel de postproduction. La ressemblance avec le célèbre contrôleur est frappante. Ce besoin de sensation physique pendant le montage est toujours présent. Lorsque l’on passe des heures à triturer des images pour modeler le film auquel on rêve, l’échange physique avec la matière travaillée en montage pellicule restait matérialisé par l’entremise des imposantes molettes et des boutons mécaniques des éditeurs en montage linéaire multimachines.

 

CMX 600 : une première expérience « informatisée » un peu folle

Dès 1971 l’informatique s’est invitée dans l’univers du montage vidéo sous l’égide de CMX Systems et du premier système de montage non linéaire offline (lire en fin d’article). Le CMX 600 était un appareil monumental à tout point de vue, dont le prix dépassait la barre du million d’euros en valeur actuelle. Les deux moniteurs permettaient le contrôle du système. Le montage final était visible à gauche et les coupes et opérations de montages se faisaient via un crayon lumineux, l’ancêtre du stylet actif, sur le moniteur de droite. Les technologies de numérisation des images vidéo n’existant pas encore, les sources vidéo analogiques étaient enregistrées sur des ensembles de disques durs modifiés pour cet usage, logés dans un meuble de la taille d’une machine à laver. Malgré cette débauche de moyens les images étaient enregistrées en noir et blanc en demi-résolution.

Contrairement à l’image, la numérisation du son (au format PCM) était déjà une réalité. La qualité des films montés ne les destinait pas à une exploitation « directe », les sons et images stockés, lus et assemblés par le CMX 600 servaient uniquement à la prévisualisation. Après validation, l’assemblage final du film était pris en charge par un autre appareil, le CMX 200, en pilotant des magnétoscopes à partir des informations générées par le CMX 600 sous forme d’EDL (edit decision list). Deux racks remplis d’équipements supplémentaires complétaient le système : une interface électronique et un mini-ordinateur contenant pas moins de 32 kilobytes de mémoire RAM ! Six machines seulement furent construites. C’était le premier essai très avant-gardiste et un peu fou dans le monde du montage non linéaire qui fera son grand come-back vingt ans plus tard.

 

Numérisation du signal

Les matériels de montage ont été très prompts à profiter de toutes les évolutions des techniques et des connaissances. Après le passage de la pellicule à la bande magnétique, et ayant profité des possibilités offertes par les évolutions de l’électronique, des microprocesseurs et de l’informatique pour le pilotage du matériel, la numérisation du signal audiovisuel a été une étape cruciale dans la modernisation des outils de montage. Initialement, les sons et images étaient transportés et sauvegardés de manière analogique, par un signal présentant des caractéristiques analogues (ou similaires) au signal source. Physiquement les sons sont des vibrations mécaniques de l’air selon des fréquences audibles par l’oreille humaine qui les capte. La vidéo est également une vibration, mais électromagnétique cette fois-ci ; les fréquences en jeu étant beaucoup plus élevées, elle est plus complexe à numériser. L’enregistrement analogique se fait par plusieurs transferts de signal.

Pour le son, un transfert du domaine acoustique (la vibration de l’air) au domaine électrique et un transfert du domaine électrique au domaine magnétique sont mis en œuvre dans le cas d’un enregistrement sur bande magnétique ou du domaine électrique au domaine mécanique lorsque le signal est gravé sur un disque vinyle par exemple. En numérique, le signal analogique est converti en une suite de 0 et de 1. Lors de l’utilisation du signal pour exciter les membranes des haut-parleurs et diffuser le son, par exemple, une conversion numérique analogique est mise en œuvre.

La numérisation est constituée de deux opérations principales. On doit découper le signal dans le temps (l’échantillonner) et le mesurer selon une échelle de valeur (le quantifier). À première vue, le signal analogique semble le plus noble, et certains retours de technologies tels que le disque vinyle vont dans ce sens. Mais en termes de possibilités de manipulation, de conservation dans le temps et de multigénération, le numérique a ouvert les portes des technologies actuelles. C’est grâce au numérique que le montage non linéaire ou virtuel est né.

 

Les magnétoscopes numériques

Avant l’avènement du « virtuel », les magnétoscopes analogiques (U-Matic et Betacam) ont été remplacés par des modèles numériques. Le premier, le Sony D1 sorti en 1986, enregistrait sur une bande de trois-quarts de pouce, un signal numérique non compressé en définition standard avec un débit, impressionnant pour l’époque, de 173 Mbits/sec. Comme tous les premiers matériels d’une nouvelle ère technologique, à l’image du VR1000 d’Ampex dans les années 50, son tarif le réservait aux grands groupes télévisuels.

Les concurrents sont arrivés en 1988 avec le D2 d’Ampex le Panasonic D3 (1991) ; puis en 1993 Sony a sorti un best-seller, le Digital Beta. Utilisant des cassettes au même format que le Betacam SP et moins cher que le D1, le signal y est enregistré avec une compression de 3 pour 1 (par rapport au signal natif) et un débit de 90 Mbits/sec.

Le montage linéaire a été la norme en vidéo, depuis les années 70, jusqu’à ce que les évolutions de l’informatisation et la numérisation permissent aux solutions de montage virtuel de le déloger progressivement. Une période intermédiaire a vu la coexistence des deux technologies : linéaire et non linéaire, les prix des stations de montage virtuel restant prohibitifs pour de nombreuses productions qui ont attendu la maturité technique et la démocratisation des outils.

 

Années 80, début du virtuel

Le monde du montage a très tôt voulu s’emparer des techniques informatiques comme on a pu le voir avec le CMX600, mais la viabilité des solutions a mis une dizaine de d’année à se concrétiser, avec le développement des puissances de traitement et l’accroissement des possibilités de stockage. R2D2 a certainement été jaloux d’un autre robot né de l’imagination de Georges Lucas : l’EditDroid.

Afin d’assembler cette solution imaginée pour révolutionner la pratique du montage, George Lucas a créé la société DroidWorks en partenariat (joint-venture) avec Convergence Corporation. Présenté au NAB en 1984, l’EditDroid exploitait une base de données pilotant des lecteurs de laser discs. L’interface de montage était présentée sur un écran Sun, microsystème complété par deux écrans de prévisualisation, un petit pour l’opérateur et un grand fonctionnant en rétroprojection, technologie de télévision en vogue aux États-Unis à l’époque. La station était pilotée via un « TouchPad », un jog/shuttle ressemblant à celui des tables de montage KEM, complété par un trackball et un ensemble de boutons lumineux. Mais la rapidité d’accès aux médias très aléatoire et le manque d’efficacité du système ont amené à l’arrêt de l’entreprise en 1987. On doit cependant à la solution l’introduction de la timeline et l’utilisation d’imagettes pour représenter les rushs sources.

Comme de nombreuses solutions de montage virtuel pendant plusieurs années, le montage effectué ne proposait pas une qualité suffisante pour une exploitation directe des films. À l’issue du montage, une EDL (edit decision list – autrement dit un fichier comprenant les repérages des plans et les choix de montage) était confiée à un laboratoire en charge de l’assemblage du film « pellicule ». L’EditDroid n’a pas connu le succès de la Guerre des étoiles, mais George Lucas lui-même n’avait pas donné l’exemple. Malgré la publicité des EditDroid arborant des images de Return of the Jedi, il n’a utilisé l’EditDroid que pour le montage de la série The Young Indiana Jones Chronicles. Un an après la fin de l’aventure EditDroid, en 1988, EMC2 a sorti sa première station de montage « offline » non linéaire sur disques optiques.

 

Outils professionnels les plus utilisés mondialement

Aujourd’hui les logiciels de montage virtuel accompagnent les créateurs au quotidien. Parmi les nombreux éditeurs, il suffit des doigts d’une unique main pour recenser les outils professionnels les plus utilisés mondialement : Avid avec Media Composer, Apple et ses différentes versions de Final Cut Pro, Adobe Premiere Pro et le petit nouveau dans le domaine du montage, Blackmagic Design DaVinci Resolve.

 

  • Avid

 Née en 1988, la marque s’est rapprochée de George Lucas pour acquérir EditDroid (probablement en 1993) et ce dernier a alors pris des parts d’Avid. L’impact professionnel de la marque a été tel que sur leurs CV les monteurs ont très rapidement associé ses quatre lettres à leur fonction : pour s’insérer sur le marché il fallait être « monteur Avid ».

Développé initialement uniquement pour MacIntosh, les principes généraux des logiciels de montage utilisés aujourd’hui doivent beaucoup à Avid. L’acquisition (également appelée importation, capture, numérisation ou ingest) est l’opération de transfert et de conversion (si besoin) des données vidéo provenant d’une source externe (caméscope, magnétoscope, télévision par satellite, flux vidéo Internet) vers le disque dur d’un ordinateur ou d’un serveur vidéo. Pour les sources et équipements analogiques, l’ordinateur doit être pourvu d’une carte d’acquisition convertissant les signaux en fichiers numériques. Si le signal est d’origine numérique, la connexion est généralement établie via le port IEEE 1394/FireWire/i-Link ou une entrée vidéo numérique compatible (DVI, HDMI…).

Le niveau de qualité de la sauvegarde est également déterminé en fonction de l’utilisation. Entre le niveau sans compression destiné à l’exploitation ou à la postproduction, jusqu’à une compression maximum pour distribution via Internet, l’opérateur sélectionne un format qualitatif du fichier, tant pour la vidéo que l’audio en choisissant le codec approprié.

Sur l’interface du logiciel, les chutiers (en référence aux chutiers pellicules) sont les dossiers dans lesquels on range les plans présentés sous forme de listes ou d’imagettes (vignettes). Les plans étaient assemblés dans le montage en les glissant depuis la fenêtre source. En 1993 une solution de stockage de pas moins de 7 Tb fut développée pour permettre le stockage des médias d’un long-métrage. Les premiers films étaient montés « offline » (cf. ci-après).

Lost in Yonkers de Martha Coolidge (1993) a été le premier film monté sur Avid. En 1996 le plus célèbre des monteurs américains, Walter Murch, emporta l’oscar du meilleur montage pour Le Patient anglais d’Anthony Minghella. Son ouvrage In The Blink of an Eye est fortement conseillé à tous les monteurs en herbe.

En 2019, Avid a bouleversé ses habitudes en reprenant en profondeur l’écriture de son logiciel et en arborant une interface unifiée : la marque souhaite ainsi séduire un nouveau public qui a parfois débuté son apprentissage via d’autres outils tout en conservant la fidélité des monteurs historiques.

 

  • Apple Final Cut Pro et la révolution du DV

 En 1995 Macromedia a initié, sous le nom Key Grip, le développement d’un logiciel de montage virtuel basé sur la technologie Quicktime d’Apple dans le but de devenir rien de moins que la nouvelle référence. Cet ambitieux projet s’est cependant vite heurté à un conflit commercial, Macromédia étant partenaire de Truevision dont une partie des technologies étaient licenciée à Microsoft qui développait sa propre technologie vidéo autour des fichiers AVI. Macromedia, ne pouvant pas commercialiser Key Grip, a décidé de le vendre sous le nom de Final Cut.

Une fois l’outil entre les mains des développeurs d’Apple, la marque a imposé un calendrier très serré pour commercialiser la solution dans les plus brefs délais. Steve Jobs souhaitait utiliser Final Cut Pro comme produit d’appel offert avec les ordinateurs Mac Intosh. Inquiets de l’image de marque que cela aurait donné à l’outil, les développeurs ont milité pour éviter sa gratuité. Finalement proposé au tarif de 1 000 $, Final Cut Pro était une véritable aubaine pour les professionnels de l’audiovisuel.

Apple supportait nativement le Firewire sur l’ensemble des ordinateurs de sa gamme ; cette technologie permettait le pilotage des caméras numériques DV ainsi que la lecture et l’acquisition de ce format lisible par Quicktime. Pour les sources analogiques les constructeurs Pinnacle et Matrox ont proposés dès la fin des années 90 des cartes et boîtiers d’acquisition et de lecture audio-vidéo (Targa 3000, RT Mac), permettant le déploiement de solutions complètes pour une fraction du prix des stations concurrentes.

Dans le domaine du cinéma, on retrouve Walter Murch, qui choisit de monter la superproduction Retour à Cold Mountain avec Final Cut Pro. En 2005, Apple commercialisait Final Cut Pro au sein d’une suite complète Final Cut Studio ajoutant des outils de motion design (habillage graphique), de mixage sonore, d’étalonnage, de titrage, d’authoring DVD et de compression audiovisuelle au logiciel de montage. Autour de cette suite, Apple a développé un écosystème qualitatif et abordable : stockage, serveurs, media asset management.

Après s’être assuré une place de choix parmi les sociétés de production et les chaînes de télévision, plusieurs décisions stratégiques de la marque ont provoqué un nouveau bouleversement. Apple a d’abord arrêté le développement de ses serveurs et solutions de stockage puis, en 2011, l’histoire de Final Cut Pro a connu un virage très important.

Le développement de Final Cut Pro 7 devant être repris en profondeur, Apple aurait pu réécrire son logiciel en conservant ses fonctionnalités, son esprit, et son apparence générale. Une orientation inverse a été prise : développer un outil de montage nouveau et réinventer les concepts. Les choix d’Apple ont-ils été trop avant-gardistes ? De très nombreux monteurs ont été déçus et l’ont vivement exprimé dans les colonnes des forums professionnels. Parallèlement, de nouveaux entrants dans la création audiovisuelle ont apprécié l’interface et la facilité d’apprentissage de l’outil.

 

  • Adobe Premiere et Premiere Pro

Le premier outil de montage d’Adobe se nommait Premiere ; il a été créé dès 1991. En 2003, les trois lettres « pro » ont été ajoutées à Premiere pour préciser sa cible, la version Elements étant alors dédiée à un plus grand public.

Sur le marché américain, CNN a été un précurseur utilisant Premiere Pro pour ses productions. À l’occasion du virage pris par Final Cut Pro et son opus X, Adobe a massivement investi dans le développement et la modernisation de son outil de montage. Le but avoué consistait à attirer les professionnels déçus de la nouvelle mouture du logiciel d’Apple en s’approchant de l’esthétique et des fonctionnalités du défunt Final Cut Pro 7, en le modernisant et en lui apportant toutes les évolutions techniques d’un logiciel moderne dans l’exploitation des nouveaux formats vidéo en natif et le traitement temps réel de nombreux effets. L’éditeur a réussi son pari ; la BBC a choisi Premiere Pro pour certains de ses départements.

En France, des grandes chaînes de télévision « mainstream » telles que TF1 et France Télévisions, ont également partiellement adopté cet outil. Parmi les atouts de Premiere Pro, son intime intégration avec les autres logiciels dédiés à la production audiovisuelle d’Adobe est très appréciée des utilisateurs qui évitent ainsi des étapes chronophages et consommatrices de ressources.

After Effects est certainement l’outil le plus connu pour la création graphique audiovisuelle et les VFX : génériques, titrages. Adobe a également été précurseur en changeant de méthode de commercialisation disponible dorénavant uniquement par abonnement autour d’un véritable écosystème : Adobe Creative Cloud. Adobe souhaite également être à l’avant-garde des nouvelles pratiques audiovisuelles avec Rush, son dernier logiciel de montage multi-plates-formes déjà évoqué dans ces colonnes.

 

  • Blackmagic DaVinci Resolve

Pour venir titiller le trio des 3A (Avid, Adobe, Apple), c’est une marque en B qui est sortie du bois. La marque australienne développe depuis quelques années sa suite d’outils de postproduction tout-en-un sur la base du logiciel d’étalonnage DaVinci Resolve qu’elle a acquis en 2009.

Progressivement la solution s’est étoffée, et aujourd’hui au sein d’un même logiciel on dispose d’une boîte à outils pour les médias, de deux interfaces dédiées au montage (deux approches du montage) avec les pages dédiées nommées cut et montage, d’une station d’étalonnage prestigieuse, d’un outil de mixage haut de gamme, et d’une solution dédiée aux effets spéciaux et au motion design nommée Fusion.

Blackmagic compte sur deux atouts de taille pour grignoter des parts de marché : un prix très concurrentiel, puisque la version de base est gratuite et la version studio disposant d’options haut de gamme (réduction de bruit des images pour l’étalonnage, suivi caméra 3D pour Fusion) est proposé à 269 € pour une licence perpétuelle (mises à jour gratuite). L’autre atout de taille est directement lié à l’intégration dans un unique logiciel des différents outils, permettant d’éviter les nombreuses et longues opérations de conformation, génératrices d’erreurs.

 

  • Et bien d’autres

Nous aurions aimé être plus exhaustifs, mais nous avons dû faire des choix cornéliens. D’autres éditeurs et constructeurs ont participé à cette aventure : citons Media 100, Lightworks, Casablanca, Edius de Grass Valley, Sony Vegas et de nombreux autres.

 

L’avenir est-il dans la poche ?

Nous avons cité l’application Rush d’Adobe, disponible sur plusieurs appareils tels que les tablettes et les smartphones. D’autres solutions proposent cette approche ultra portable du montage : CTpro, Kinemaster, et lumaFusion. Dans le prochain numéro, nous vous inviterons à explorer l’esthétique du montage et les « différentes écoles » avant des échanges avec des professionnels monteurs.

 

 

PETIT LEXIQUE

Montage linéaire
En vidéo, les premiers outils de montage (avant l’intégration de solutions informatisées) imposaient aux monteurs une sérieuse réflexion avant tout choix éditorial. En effet, une fois un plan enregistré sur la bande, il était impossible d’insérer un autre plan avant celui-ci autrement qu’en reprenant le montage. Les bancs de montage à base d’un ou plusieurs magnétoscopes sources et d’un magnétoscope enregistreur étaient des solutions de montage linéaires.

Montage non linéaire
On utilise ce terme pour désigner des solutions de montage qui permettent un accès libre aux différentes sources visuelles et sonores pour les assembler au sein du montage à n’importe quel « instant » de celui-ci. On compare souvent cette technique à l’utilisation d’un outil de traitement de texte pour la rédaction, permettant l’insertion de mots, phrases ou paragraphes dans un texte. Le montage pellicule décrit dans le numéro #2 de Moovee est non linéaire. En vidéo, c’est l’informatisation des solutions de montage qui a permis le montage non linéaire (NLE – non linear editing).

Avantages du montage non linéaire
Le montage non linéaire permet de déplacer à son gré un plan ou une séquence en cours de montage, à l’instar du montage traditionnel avec film pellicule, par la segmentation en plans. En montage linéaire le déplacement d’un plan ou d’une séquence ne pose aucun problème si la séquence remplacée fait la même durée que la nouvelle séquence, en revanche si le « trou » est trop petit (trop court en fait) la séquence de remplacement déborde sur la suivante et oblige à déplacer toute la partie qui se situe après la modification. En montage non linéaire, cette perte de temps n’existe pas puisqu’on ne déplace les images que virtuellement : intégration d’effets spéciaux, de graphismes, de textes, de transitions élaborées et plus généralement le travail de montage en multi-couches (compositing). Les possibilités n’ont comme limite que l’imagination du monteur et les capacités des machines sans cesse en évolution.

Montage offline
Opération de montage à partir d’images de qualité réduite (proxy), avant conformation d’un montage avec les images en pleine qualité.

Montage online
Montage à partir des sources audiovisuelles de haute qualité, destiné à être utilisé directement sans conformation.

Conformation
Opération d’assemblage d’un film en qualité « online » à partir des informations issues du montage « offline ». Selon les productions et les époques, la conformation peut se faire à partir de magnétoscopes et d’éditeurs de montage ou via des stations de montage virtuelles.