Avec l’ouverture du Centre National de la Danse, de la Galerie d’art Thaddaeus Ropac, l’arrivée d’Hermès, Saint-Gobain et de Chanel, la mue de Pantin s’accélère.
Depuis leur abandon en 2004, les 20 000 m2 des Magasins Généraux étaient devenus un lieu mythique du street-art (mosaïques, graffitis, pochoirs, collages…), soit le terrain de jeu des graffeurs du monde entier. Leurs œuvres ont recouvert tous les murs intérieurs et extérieurs de béton brut. « Parce que l’histoire de ce bâtiment, son architecture et les milliers de graffitis qui constituent sa seconde peau font l’identité des Magasins Généraux, il n’était pas envisageable de commencer à tout transformer avant de tout conserver » explique Rémi Babinet de BETC.
Intelligemment et plutôt audacieusement, l’agence a donc entrepris un projet inédit d’archivage dédié à cette « cathédrale du graffiti ». Il faut savoir qu’un autre spot mythique du graffiti, 5 Pointz à New York, fut repeint en blanc en une nuit, provoquant la foudre des internautes et des adorateurs croissants du street-art, dont la côte ne cesse de grimper dans le marché de l’art. Sauvage et spontané, le street-art est par définition éphémère. Alors comment réhabiliter le bâtiment en se préoccupant d’en conserver les traces tout en trouvant un projet qui soit en cohérence avec la culture hyper créative et bouillonnante du graff ?
Immersion et archivage
Les mondes virtuels sont apparus particulièrement propices pour remplir ces deux exigences. Plus qu’un site internet ayant simplement vocation à conserver la mémoire du lieu, BETC a choisi de réaliser une véritable expérience en 3D. « For seven years street artists from around the word made their way inside the Magasins Généraux. Now it’s your turn » (Pendant sept ans des graffeurs du monde entier sont venus, maintenant c’est ton tour). C’est par une bande annonce rythmée que débute Graffitigeneral (www.graffitigeneral.com, accessible uniquement sur le navigateur Chrome) où l’internaute prend la place du graffeur forçant les lieux.
C’est ensuite une visite sensorielle en temps réel du bâtiment qui est proposée. L’internaute explore les œuvres sur les cinq étages et le long des coursives en progressant dans le lieu à la manière de Googlemap. Percevant la rumeur de la rue et le bruit de ses pas, il a l’impression d’évoluer à travers un jeu vidéo. Une playlist des morceaux préférés des graffeurs des années 2000 est également accessible. Verrières brisées, effet de profondeur, retranscription hyper fine des couleurs et motifs, l’atmosphère très particulière du lieu trouve avec ce site un impressionnant avatar virtuel.
Pour aboutir à ce résultat, plus de 5 000 photos du bâtiment ont été prises, étalonnées puis intégrées dans WebGL, un logiciel de création de modélisation 3D dynamique créé par le Khronos Group, consortium industriel fondé en 2000 regroupant notamment Appel, Dell ou Motorola.
Quarante des œuvres les plus remarquables ont été commentées et répertoriées, avec les biographies des artistes et une citation permettant de comprendre les sources d’inspiration des graffs. Un moteur de recherche existe ainsi qu’un diaporama qui permet de se plonger dans l’histoire des lieux créés en 1931.
À la rigueur historique s’ajoute la possibilité d’intervenir dans cet espace virtuel qui, sans interactivité, serait passé à côté de la nature intrinsèquement participative du street-art. Dans un module dédié, chacun peut à son tour graffer le bâtiment, décider d’enregistrer et de partager sa création.