Bretagne : les télévisions locales remplacent Final Cut Pro 7 par DaVinci Resolve

DaVinci Resolve est la vedette des discussions parmi les professionnels de l’audiovisuel, notamment les postproducteurs et les chaînes de télévision, surtout depuis que la marque a fait la preuve de l’efficacité de ses développeurs et de la justesse de ses choix en développant un outil de montage professionnel directement implémenté au sein du best-seller dédié à l’étalonnage.
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Tout le monde en parle ! C’est vrai ! Mais qui ose passer le cap ? Vraiment, à large échelle et en production réelle : les télévisions locales bretonnes.

 

Les Bretons gâtés en termes de couverture télévisuelle

TVR 35 – ex TV Rennes – est la première télévision locale de France. Elle a fêté ses 30 ans l’année dernière. Très appréciée de son public, la chaîne propose aux habitants d’Ille-et-Vilaine, pour les trois quarts des habitants des côtes d’Armor, et aux habitants du sud de la Manche, une télévision qui s’adresse à eux directement.

Malgré son statut de doyenne, TVR 35 est une télévision dynamique et moderne qui a dans son ADN l’éternelle envie d’associer les compétences des professionnels aguerris aux médias au renouveau apporté par de jeunes vidéastes et journalistes. En modernisant et en réinventant les contenus proposés à leurs téléspectateurs, ils agissent selon leur slogan : « La télé d’où je vis ».

La chaîne est depuis longtemps avant-gardiste ; on n’est alors pas étonné de trouver une direction jeune et féminine. Aurélie Rousseau nous parle de sa chaîne, et surtout de ceux qui la construisent au quotidien, avec passion.

 

La tête pensante (et agissante) de la technique à TVR c’est le talentueux Bui Lê Quang. Et du talent, il en faut pour affronter depuis 30 ans, c’est-à-dire quasiment depuis le début de la chaîne, les évolutions technologiques majeures qu’a connues notre métier ! Surtout lorsque les miracles technologiques quotidiens doivent être réalisés avec un budget très « contenu ».

2009 a vu naître les deux nouvelles chaînes du territoire breton. Ty Télé a commencé à émettre en juillet, suivie fin novembre par Tébéo, la première chaîne de télévision du groupe de presse Le Télégramme. Trois ans après son lancement, suite à des difficultés financières, Ty Télé est rachetée par Le Télégramme ; elle prendra un an plus tard le nom de Tébésud.

 

Le directeur de l’information du Télégramme, Hubert Coudurier, est président de Tébéo et de Tébésud. Olivier Clech est coprésident de Tébéo et Bertrand Le Néna directeur de Tébésud.

 

Les choix techniques stratégiques de Tébéo et Tébésud sont aujourd’hui aux mains d’Arnaud Motin, réalisateur et directeur technique multicasquettes, qui fait lui aussi preuve d’ingéniosité pour mettre en images les envies de ses équipes. Et parallèlement à l’édition du logiciel qui nous intéresse aujourd’hui, Arnaud nous a confié que Blackmagic est un atout précieux pour réussir ce numéro d’équilibriste, avec notamment les solutions Ateme… une autre histoire.

 

 

Le choix

Ils ont échangé sur leurs choix à posteriori, mais c’est indépendamment que Tébéo et Tébésud, puis TVR, ont choisi le remplaçant de Final Cut Pro 7. Car c’est bien cet outil que DaVinci Resolve est amené à remplacer. Et la tâche est lourde, car l’attache à l’outil de montage d’Apple restait forte.

Le prétendant au remplacement de Final Cut Pro 7 devait répondre à plusieurs attentes. La transition entre les deux outils devait être la plus aisée possible. Le nouvel outil choisi devait permettre de travailler facilement avec un large choix de sources, issues de caméras différentes et de vidéos récupérées sur Internet. On devait pouvoir travailler rapidement et nativement sur les rushes. On devait trouver autant de possibilités de travail de l’image (et idéalement plus) qu’avec Final Cut Pro 7. Le traitement des habillages devait être simple et facile.

 

 

La préparation

Pour assurer une transition fluide vers l’outil de montage de Blackmagic, les trois chaînes ont choisi de faire confiance au centre de formation les Lapins Bleus pour former l’ensemble de leurs journalistes et techniciens. C’est déjà ce centre de formation qui avait formé les équipes de Tébéo et de Ty Télé (avant son changement de nom) au lancement des deux chaînes et qui avait formé les équipes de TVR à Final Cut Pro 7.

 

 

Le workflow

Avec DaVinci, on ne peut pas travailler sur plusieurs projets ouverts simultanément. Deux fonctionnalités offrent les avantages que l’on trouve avec des logiciels multiprojets avec peut-être moins de risques de modifications d’un projet qui n’appartiendrait pas directement à l’utilisateur.

Avec le dynamic project switching on peut passer d’un projet à un autre rapidement et copier-coller les éléments (médias et séquences) entre les projets.

 

Les power bins, eux, sont des chutiers communs à tous les projets contenus dans une même base de données. On peut y placer des éléments d’habillage récurrents, par exemple. Une limitation empêche à ces power bins d’être les outils idéaux pour les habillages. Ces derniers n’accueillent que des médias et ne peuvent pas contenir de plans composés, de séquences, ou de plans multicaméras.

La solution choisie par les directions techniques des télévisions locales consiste à préparer des projets templates qui seront verrouillés en lecture seule. Au moment de la préparation des templates, le projet est correctement paramétré selon le format de diffusion, avec une séquence de montage et les éventuels éléments d’habillage intégrés et rangés.

 

Deux caractéristiques du fonctionnement de DaVinci sont intéressantes à noter à cette étape.

Premièrement : là où les réglages techniques se font au niveau de la séquence pour d’autres solutions, avec DaVinci, les choix techniques se décident au niveau du projet. On peut les changer par la suite, à l’exclusion de la cadence (pour illustrer le propos, si vous réglez la cadence de votre projet à 25 images par seconde, dès qu’une image y sera intégrée, il sera impossible de modifier le projet vers une cadence de 29,97 i/s, par exemple).

Deuxième caractéristique de DaVinci : les projets appartiennent à une base de données. Cela change les habitudes des utilisateurs, mais peut également présenter des avantages au niveau organisation et archivage.

 

 

Qu’est-ce qu’on monte ?

De nombreux programmes seront montés avec DaVinci : des sujets JT et magazines, ainsi que des spots publicitaires. Les images sont issues de caméras XDCAM, de boîtiers HDSLR (notamment des GH5), de caméscopes Sony et de nombreuses autres sources.

Selon que les films montés envoyés directement en diffusion passent par une régie, lors d’une réalisation en direct ou en différé, ou entre les mains d’un ingénieur du son (dans le cas de Tébéo), il y a deux méthodes de mixage et d’export. Si les films passent en régie, les affectations des pistes telles que les voix, interviews et commentaires sont dirigées vers la première piste ; la seconde étant réservée aux musiques, ambiances et effets sonores.

 

La séquence de montage préparée dans les templates de projets dispose de pistes monophoniques correctement panoramiquées. Dans cette configuration, il serait difficile pour les journalistes de mixer ou prémixer les sujets, avec l’écoute des voix à gauche et des autres éléments sonores à droite. Un plugin gratuit, A1StereoControl, du célèbre Alex Hilton, permet de résoudre ce besoin. Il permet de monitorer les sujets en mono.

En plus de cette utilisation, le plugin permet d’exporter deux versions d’un sujet : une version avec l’affectation des pistes pour la régie et une version où les deux pistes identiques sont mixées par le journaliste ou le monteur. Il suffit à l’utilisateur d’activer ou désactiver le plugin configuré pour proposer du mono ou de la stéréo en sortie de la piste master.

 

Les réalisateurs et journalistes des télévisions locales font usage au quotidien de toutes les possibilités qui leur sont offertes. Les fonctionnalités multicaméras de DaVinci permettent de préparer des émissions ou des reportages enrichis. Pour une expérience fluide, il est nécessaire de faire appel aux ordinateurs les plus puissants disponibles dans leur parc (stations Apple).

Les points positifs particulièrement appréciés sont : la synchronisation des différentes caméras à partir des pistes audio, le mélange des formats et la possibilité impressionnante de créer un plan multicaméras, alors même qu’une ou plusieurs des caméras enregistrent la scène filmée par intermittence (changement de batterie, problèmes techniques…).

 

 

Les avantages collatéraux !

Ce que voulaient les journalistes, en termes d’étalonnage, c’est retrouver l’outil trois voies qui leur apportait toute satisfaction dans Final Cut Pro 7. Et là, le moins que l’on puisse dire, c’est que les possibilités et la qualité des étalonnages atteignent… euh… dépassent leurs attentes.

La personnalisation des espaces de travail est plus limitée avec DaVinci que dans d’autres NLE (Non Linear Editing system, ou station de montage non linéaire). Mais le workflow et les différents outils intégrés et dédiés sont tellement complets qu’il n’y a pas de manque, peut-être même plus de simplification. En fait, dès le montage fini, voire en cours de montage, il suffit de cliquer sur l’icône « color » pour être dans l’outil d’étalonnage.

 

Parmi les outils qui plaisent aux journalistes et monteurs, la stabilisation (que l’on trouve dans l’espace color), le puissant outil de suivi pour appliquer des flous à des visages, des plaques d’immatriculation ou des marques par exemple. Et les petits plus permettant efficacement de faire des étalonnages automatiques, de changer les couleurs de certains éléments ou passer en noir et blanc une image à l’exclusion d’une ou plusieurs couleurs.

 

 

Parlons de son

Fairlight a été intégré à la « suite tout intégré » DaVinci lors de la sortie de la mouture n° 14. Alors que Fusion est aujourd’hui en phase d’intégration, Fairlight a gagné en puissance et possibilités avec la version 15. Par exemple, la version 15 permet de visualiser les niveaux avant l’enregistrement.

Des fonctionnalités importantes, telles que la normalisation et des plugins puissants, ont été ajoutées. L’enregistrement des voix off est maintenant simplifié ; mais un module simplifié dédié ou une fonctionnalité accessible directement sur la piste seraient bienvenus.

 

Pour simplifier le travail, les utilisateurs modifient l’attribution des pistes audio des clips des l’import, et cela sur la totalité des clips. Cette fonctionnalité est rapidement mise en œuvre et le travail qui suit est rendu plus fluide. Cependant, l’étape de modification des canaux audio gagnerait également à être simplifiée (avec idéalement des presets de passage en mono de tous les canaux des médias sources).

Sur la version 15, la puissance est au rendez-vous. Les fonctionnalités sont supérieures aux attentes des journalistes et donnent même à réfléchir à l’ingénieur du son de Tébéo pour opter pour cette solution pour le mixage de ses sujets.

 

 

En conclusion

En toutes circonstances, les changements des outils utilisés au quotidien ne sont jamais anodins. C’est d’autant plus vrai lorsque les utilisateurs de ces outils ont plusieurs métiers : rédacteurs, cadreurs, monteurs, parfois présentateurs ou techniciens, ingénieurs du son et monteurs. Et c’est dans ces conditions que l’on vérifie si un outil est bien conçu et intuitif. C’est le cas de DaVinci Resolve.

Quelques points ont étés améliorés entre la version 12.5 et la version 14 ; on peut maintenant enregistrer des voix off directement dans l’outil de montage. Des fonctionnalités et des améliorations ont été ajoutées à la version 15 ; elles sont pour certaines très attendues par nos professionnels bretons. Notamment la visualisation du niveau audio pour vérifier l’enregistrement des voix off.

 

Blackmagic a, en un temps très court, créé un outil qui répond aux attentes des utilisateurs et amélioré la stabilisation de la version 15. De nouvelles fonctionnalités, qui ne manqueront pas d’être développées, feront de DaVinci Resolve un sérieux concurrent lors du choix d’un outil de montage. Et, bien entendu, il y a Fusion.

 

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #28, p.84/85. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.