Un studio automatisé pour le JT de Télésambre

Poursuivons la visite de Télésambre à Charleroi, commencée dans le numéro #28 Mediakwest, avec une visite du studio du journal télévisé. Cet équipement est original à deux titres : le plateau est utilisé à la fois pour le JT quotidien et aussi pour l’émission de radio matinale de Vivacité. Les équipements de la régie, très automatisés, permettent à une seule personne d’assurer la réalisation complète des émissions d’actualité.
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Lors du déménagement de la télévision régionale Télésambre dans ses nouveaux locaux en plein centre de Charleroi, les responsables régionaux ont souhaité mutualiser les équipements de la télévision locale avec ceux de l’antenne régionale de la radio Vivacité qui, elle, est rattachée à la RTBF.

Au-delà du regroupement des équipes dans le même bâtiment, cela s’est traduit par la mise en commun d’un plateau unique pour la diffusion du journal télévisé quotidien et pour la production de la matinale locale de Vivacité. Comme cela est devenu habituel pour la plupart des talk-shows radio, celle-ci est filmée en vidéo et diffusée en streaming sur Internet. De nombreux équipements, la lumière, les caméras, les murs d’image sont utilisés alternativement par les deux émissions. Pour passer facilement d’une configuration à l’autre, il était impératif d’automatiser au maximum les matériels et de les commander via un outil de supervision.

 

 

Un plateau partagé entre le JT quotidien et la matinale radio

Le mobilier central du plateau est la table autour de laquelle s’assoient le présentateur ou l’animateur et ses invités. Il reste identique, mais la disposition des intervenants est spécifique à chaque émission. La table a une forme en U et, pour le journal TV, le présentateur se tient dans l’axe central, au fond du U et ses invités se répartissent sur les deux côtés symétriques.

Pour l’émission de radio, le plan de travail devant le présentateur TV est amovible et fait découvrir les deux surfaces de contrôle de mixage son ainsi que quatre écrans LCD basculants qui sont relevés. L’ingénieur du son de l’émission de radio s’installe à la place du présentateur, tandis que l’animateur de l’émission de radio prend place au milieu de la branche droite du U et que ses invités s’assoient le long de l’autre branche lui faisant face.

Le changement de configuration se réalise en quelques minutes via une tablette tactile, et en particulier grâce à une intégration très astucieuse de tous les équipements. Cette table centrale est assez complexe et sophistiquée. Elle a été conçue et dessinée pour la partie menuiserie par Alain Willems, décorateur à la RTBF.

Les aménagements techniques et l’intégration des matériels ont été étudiés et réalisés par Amptech, société spécialisée dans l’équipement broadcast. Les mélangeurs audio restent séparés, un pour la radio et un second pour la TV, mais ils sont de la même marque, DHD Audio (voir Mediakwest #28 pour plus de détails sur l’architecture très spécifique).

Chaque cœur de mélangeur est relié à l’autre par des fibres optiques. Ainsi n’importe quelle source ou destination raccordée à l’un des deux mélangeurs est adressable à l’autre. Par contre le mélangeur vidéo (en réalité deux unités indépendantes, voir ci-après) est unique pour les deux productions.

Bertrand Ruelle, directeur technique de Télésambre, a défini toute l’architecture de production. Il en détaille le mode d’exploitation et l’interdépendance entre les deux types de tournage : « Pour le plateau TV, nous fonctionnons en mode audio/follow/vidéo, c’est-à-dire que la sélection audio des sources sonores est asservie à la sélection des images.

Par contre pour la radio, c’est le contraire, nous sommes en vidéo/follow/audio. Le niveau sonore le plus élevé sur les entrées du mélangeur déclenche la sélection des caméras en fonction de la personne qui s’exprime. »

Sur le plateau, la prise de vues est assurée par six caméras sur tourelle PTZ Panasonic HE130, complétées par une caméra Panasonic AJ-PX800 montée sur un pied et un chariot travelling robotisés Telemetrics. Toutes ces caméras sont contrôlées depuis la régie technique. Deux murs d’images sont installés de part et d’autre pour fournir un décor dynamique.

 

 

Une régie vidéo très automatisée

Les caméras vidéo sont reliées directement au mélangeur vidéo de la régie technique, un système Live Compositor de ChyronHego. Sous ce nom se cache en réalité l’ancien mélangeur du constructeur néerlandais Vidigo et qui a été renommé après le rachat de cette société par ChyronHego. Comme le mélangeur ne dispose que de deux sorties, deux châssis électroniques ont été mis en place. Le premier fournit le final « antenne » et une sortie « clean » tandis que le second gère le contenu des murs d’image du décor.

L’un des points forts de ce mélangeur, conçu au départ comme outil de mixage vidéo associé aux émissions de radio, est sa capacité d’automatisation et de pilotage par de multiples interfaces : pupitre traditionnel de mélangeur à touches, écran tactile, interface web et de nombreuses API pour le relier à des automations.

ChyronHego a renforcé ses possibilités de pilotage du Live Compositor avec Live Assist, son outil de play-out automatisé. Doté de multiples modules de télécommande, cet outil logiciel est destiné à piloter toute la gamme des produits de l’éditeur logiciel. Il développe à la demande des pilotes pour élargir la palette des équipements contrôlés et propose des outils de création d’interfaces de commande très intuitifs.

Bertrand Ruelle a choisi l’association Live Compositor/Live Assist pour automatiser au maximum l’exploitation du studio du JT. Il explique que « les moyens humains d’une télévision régionale restent limités. Ici à Télésambre, tous les reportages sur le terrain sont assurés par six équipes, composées d’un journaliste et d’un cameraman. Ces derniers remplissent également la fonction de monteur et assurent aussi la réalisation du JT. Avec l’ancienne régie, il fallait cinq personnes.

J’ai choisi le système Live Assist/Compositor pour automatiser au maximum les manipulations techniques. Maintenant la réalisation est effectuée par une seule personne. »

Pour arriver à ce résultat, il a réalisé un énorme travail de développement des séquences de pilotage. En effet, via des API ou des jeux de commandes spécifiques, le système Live Assist pilote les cadrages des caméras PTZ et les mouvements du travelling Telemetrics, assure les commutations de sources sur le mélangeur Live Compositor, contrôle le mélangeur audio DHD, commande l’habillage graphique créé par un générateur Lyric X de ChyronHego et gère les contenus affichés sur les murs d’image.

Le Live Assist possède également de puissantes fonctions de play-out et sert donc à la lecture des reportages et des jingles animés. Bertrand Ruelle a d’abord défini des scénarios types qui correspondent à chaque type d’émissions tournées sur le plateau : le journal TV quotidien, les magazines sportifs et d’actualité, l’agenda, les plateaux avec invités, la matinale radio… Chacun de ces modèles contient le canevas de l’émission avec des séquences types. Celles-ci rappellent les commandes de configuration de chaque matériel et accèdent selon les cas aux fonctions de lecture vidéo ou graphique.

 

 

Trois écrans de supervision pour piloter l’intégralité de la régie

Un écran LCD est réservé à l’affichage du conducteur géré par Live Assist, sous forme d’éléments affichés en mode time-line pour suivre leur progression temporelle. Ceux-ci sont préenregistrés avec des modèles et il suffit de caractériser l’écran avec le nom réel du sujet et de le lier à l’élément de la base de données du Media Asset Management. Après la conférence de rédaction, le journaliste crée son sujet sur le MAM avant de partir en reportage.

Toutes les métadonnées du sujet sont rentrées ensuite au fur et à mesure de la préparation du sujet, après le tournage et à la fin du montage. À ce moment-là, le monteur entre le nom réel du fichier, la durée et quelques autres éléments sur cette base de données.

Lorsque le réalisateur sélectionne le type d’émission, sur l’écran tactile central apparaissent par catégorie les boutons liés aux séquences du conducteur et des commandes directes sur les éléments techniques liés (caméras, positions, sujets à lancer, sources externes…) de manière à intervenir en cas d’imprévu.

Cette présélection des éléments ou des actions liées au type de l’émission ou à sa phase de déroulement limite strictement les choix aux éléments liés à la séquence, contrairement à un mélangeur traditionnel, où on accède à toutes les fonctions ou commandes, ce qui rend le repérage immédiat difficile et constitue des sources d’erreur.

Un troisième écran tactile placé à droite donne néanmoins accès à toutes les interfaces classiques de tous les matériels : pupitre de commande des caméras PTZ, mélangeur audio, chariot travelling, etc. L’ensemble des ordres de commande est transmis par le réseau IP, aucun GPI n’ayant été câblé.

Concernant le mélangeur audio, dans la configuration journal télévisé, il reçoit les ordres d’ouverture des canaux audio transmis par le Live Assist en fonction du déroulement du conducteur. Les micros du plateau sont gérés par un module Automix interne au mélangeur DHD, tandis que les niveaux des autres sources sont en mode automatique avec une gestion par limiteur/compresseur.

Pour l’émission de radio, le mélangeur DHD est contrôlé par l’ingénieur du son présent sur le plateau. La détection du niveau audio sur les voies d’entrée déclenche, via le module Audio Director de ChyronHego, les ordres de commutation vidéo envoyés au mélangeur Live Assist. Chyron a développé un module spécifique pour piloter les mélangeurs DHD.

Cela implique un lourd travail de modélisation et de mise au point (le programme du Live Assist contient 2 500 lignes de programme), mais facilite grandement le travail de réalisation. ChyronHego et l’intégrateur Amptec ont assisté Bertrand Ruelle pour développer les commandes supplémentaires en fournissant les API pour les outils que le Live Assist ne pilotait pas encore.

Un autre exemple d’intégration intéressante concerne l’habillage graphique. Pour préparer les sous-titres depuis la rédaction, les journalistes remplissent directement les noms et titres des invités dans une feuille Excel selon un canevas prédéterminé.

Le générateur graphique Lyric X de Chyron va lire directement ces informations dans la feuille Excel pour créer les sous-titres dans des modèles dessinés à l’avance. Ces titres sont affichés au bon moment selon les ordres transmis par Live Assist dans la séquence prévue dans le conducteur de l’émission. Et il n’y a donc que le journaliste qui intervient pour créer ce sous-titre.

 

 

Le dilemme du choix des mélangeurs

Le premier article consacré à Télésambre (publié dans Mediakwest #28) décrit le studio de production équipé avec un mélangeur IP Series de NewTek câblé en NDI. Quand on interroge Bertrand Ruelle sur cette hétérogénéité dans le choix des mélangeurs entre le plateau de production et le studio du JT, il précise : « J’aurais voulu tout faire en NDI, mais c’était impossible de mutualiser tous les équipements dans un seul système. Le mélangeur IP Series est très complet pour la production de gros plateaux. Son architecture en NDI offre une flexibilité totale et une connectivité illimitée. Malheureusement pour l’instant, côté automation, il est assez limité.

Alors que le Live Compositor, surtout en association avec le système de diffusion Live Assist, est très ouvert et propose de multiples liaisons vers des équipements externes. Hélas il est uniquement proposé en full SDI et ses entrées/sorties et les effets DVE sont nettement plus limités. Mais il remplit parfaitement son rôle pour le JT. »

Le directeur technique de Télésambre souhaite privilégier systématiquement le transport vidéo sur des infrastructures réseau. On retrouve cette aspiration dans la distribution des retours antenne dans le bâtiment de Télésambre. Les bureaux de la TV régionale et l’open space de la rédaction sont desservis par un parc de 25 téléviseurs Samsung équipés d’une interface réseau.

Ils reçoivent en IP TV quatre flux vidéo : le final antenne, les deux plateaux – JT et production – ainsi que la sortie multiviewer de la grille Blackmagic Design qui gère l’interconnexion vidéo des salles de montage. Ainsi, depuis leurs bureaux ou la rédaction, les journalistes peuvent suivre par simple sélection sur la télécommande le programme de la chaîne ou l’avancement de la préparation des programmes ou des montages.

 

 

Un ensemble de sept salles de montage

Pour le montage des sujets réalisés par les équipes de reportage, Télésambre est équipé avec sept salles de montage vidéo. À l’occasion du réaménagement technique du nouveau bâtiment, la télévision régionale a abandonné les systèmes de montage Avid pour les remplacer par Premiere d’Adobe, installés sur des iMac. Ce choix est justifié par une intégration directe avec After Effects et une meilleure gestion du graphisme et de l’habillage.

Par contre le stockage centralisé est géré avec un Avid Nexis. Une fois montés, les sujets sont exportés via Media Encoder et transférés vers un serveur FTP totalement indépendant de la partie montage, pour séparer la partie postproduction du système de diffusion antenne. Deux cabines de speaker complètent le dispositif de postproduction. Dans la rédaction, les journalistes disposent de treize postes informatiques équipés d’une version complète CC Cloud. Cela leur permet de faire des repérages, de caler des éléments et de préparer des pré-montages qui seront finalisés dans l’une des salles de montage. En complément, deux postes d’ingest ont été installés avec des lecteurs de cartes P2.

Pour faciliter l’aiguillage des signaux entre les salles de montage et les autres équipements de production, une grille Blackmagic 40 x 40 a été installée et affectée à la postproduction. Elle reçoit en entrée l’arrivée de l’unité de reportage LiveU, les sorties programme du plateau de production et de celui du JT, la sortie vidéo du moniteur « record » de chaque salle de montage, le final « antenne ». Les sorties alimentent chacune l’entrée vidéo d’un module Blackmagic Ultra Studio des salles de montage, des cabines speaker et des encodeurs de streaming pour les écrans TV du bâtiment.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #29, p.32/34. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.