Nouveaux médias, faut-il réinventer le métier de producteurs?

Dans un marché en pleine expansion comme celui des nouveaux médias, le métier de « producteur transmédia » est un nouveau métier, encore en pleine évolution.
0bfc0ce99892772fc285e10ee3943d9a.jpg

Chargé de produire des contenus très divers, capable de s’adapter facilement à différents supports, le producteur est à la fois le garant artistique et technique d’un produit. Il est aussi à même de gérer de nouveaux talents tels que l’expérience designer, le story architect ou encore le community manager

Apporter une valeur ajoutée au contenu

Olivier Malaponti, journaliste indépendant pendant plusieurs années sur des supports variés, a créé Corner Prod en 2008 avec deux associés : un chef de projet multimédia et un caméraman monteur. L’idée d’origine était de produire des contenus et des contenants multimédia pour les médias, les entreprises et l’institutionnel. Il se souvient que « pour se distinguer dans un monde concurrentiel, il a fallu proposer des contenus à forte valeur ajoutée éditoriale… On est passé du multimédia au transmédia ».

Aujourd’hui, Corner Prod oriente ses clients dans la voie du transmédia avec, par exemple, le webdocumentaire R97 La Jeanne / Ultime embarquement http://www.defense.gouv.fr/marine/a-la-une/decouvrez-le-webdocumentaire-r97-la-jeanne-ultime-embarquement-!, mais aussi un livre, des reportages, des expositions et un film documentaire consacrés à ce bateau légendaire de la Marine Nationale. Cet aspect transmédia implique des stratégies de diffusion et de communication liées au multi-plateforme. « À chaque fois, l’approche est différente, le consommateur change et n’a pas la même attention. Il faut raconter des histoires adaptées et fidéliser le public ».

Christophe Rémy est producteur à l’Agence cross-média Delasource. Cofondée en 2003, la société a démarré rapidement avec de grands comptes comme Orange, LG mobile ou Yahoo. « En 2003, le fait de se positionner sur les nouveaux médias était un peu nouveau, mais avec mon associé, on était sur ces problématiques depuis 1998. Du coup, on avait une réelle expertise sur les applications pour le web et le digital. Aujourd’hui, on produit du contenu et on le package sur différents supports. Par exemple, dans Photo for Life (Arte) http://photoforlife.arte.tv/ nous n’avons pas réalisé uniquement le site Internet. Nous avons recruté les candidats photographes qui allaient participer au jeu, fait du community management, géré le site Facebook, apporté le process technique… Ce projet mixte tout le savoir-faire de Delasource : une expertise technique et du marketing digital ».

Les sociétés de production audiovisuelle plus traditionnelles commencent, elles aussi, à acquérir ce savoir-faire transmédia. C’est le cas de Capa TV qui a créé, en janvier 2008, Capa Numérique. La filiale, dirigée par Claire Leproust, a pour ambition affichée de « distiller la culture du numérique auprès de tous les collaborateurs de CAPA, enrichir et prolonger les émissions de télévision sur le média Internet, créer de nouveaux formats transmédias, conçus en amont pour les différents écrans, inventer de nouvelles expériences interactives, d’immersion, de jeux, de fictions éclatées. »

Claire Leproust intervient donc en transversale sur les différentes activités de Capa selon deux axes : enrichir des programmes audiovisuels des différentes filiales du groupe et impulser des formats transmédia natifs. Elle cite quelques-unes des expériences interactives qu’elle a gérées : « La diffusion de la saison 2 de Braquo sur Canal + http://www.canalplus.fr/c-series/c-news-series/cid533904-mission-braquo-le-jeu-interactif.html a été accompagnée d’un jeu où le spectateur s’est vu confier des missions par les personnages de la série policière eux-mêmes. Autre exemple, dans la série documentaire C’est notre histoire, http://documentaires.france5.fr/series/cest-notre-histoire France 5 propose de mêler la petite à la Grande histoire en invitant les spectateurs à témoigner. C’est la première émission de télévision interactive dédiée à notre histoire commune. Concernant les formats transmédia natifs, nous avons en projet pour Canal+ une fiction totale non-linéaire intitulée Surveillance qui mettra l’internaute et le téléspectateur au cœur d’une enquête tentaculaire et aux commandes d’un véritable système de vidéosurveillance en temps réel ».

L’évolution du métier de producteur

Pour Claire Leproust, le métier de « producteur transmédia » est bien un nouveau métier qui nécessite sans cesse de se poser des questions : « Comment cette histoire peut se raconter sur des médias différents ? Quelle expérience je propose à mon public ? Quel partage je lui suggère ? Cela suppose de bien connaître les usages et les écrans, mais aussi d’identifier l’idée créative intéressante et se risquer dans des sentiers non explorés ».

Toutefois, les auteurs n’ont pas forcément la connaissance des nouveaux médias. Le métier de producteur consiste alors à les guider, à monter des équipes pluridisciplinaires et à manager des personnes qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble.

Christophe Rémy constate l’évolution de son métier : « En tant que producteur, je gère des aspects techniques et organisationnels. Aujourd’hui, Delasource est à la fois une société de production audiovisuelle, mais aussi une agence média, avec les postes que cela suppose. Je suis donc à la fois producteur, directeur de création et commercial. L’important, c’est juste d’être flexible. »

Les contraintes des nouveaux médias et leur évolution permanente imposent d’être en veille continue. Les producteurs, à l’affût des nouveautés et de jeunes talents, doivent tirer des expériences de ce qui se passe sur la toile, construire de nouvelles manières de travailler et gérer de nouvelles compétences.

Des équipes jeunes, adaptables et polyvalentes

« Le propre d’un producteur, c’est de chercher des équipes » déclare Claire Leproust. « Nous, on monte des équipes pluridisciplinaires qui ont des compétences graphiques, d’ergonomes, de designers, en développement, en community management et qui vont travailler avec des personnes qui ont des expériences plus classiques dans l’image, le son ou le graphisme. Il faut aussi des gens qui connaissent les diffusions, les players, les intégrations de contenus sur les plateformes et même parfois, qui ont des connaissances pointues dans certains domaines comme le jeu vidéo par exemple. L’idée, c’est d’accueillir de nouveaux talents qui travaillent tous ensemble ».

Le producteur de Corner Prod constate aussi que ses équipes sont variées : « Les chefs de projets, les développeurs, les web-designers, les photographes, les designers sonores… En amont, il faut intégrer tout le monde. Par ailleurs, chaque production est différente. Il faut s’adapter, se distinguer et innover. On apprend sans cesse, chaque histoire est différente. ».

Même discours pour l’Agence Delasource qui compte aujourd’hui 18 salariés et fait intervenir régulièrement des intermittents du spectacle et des « freelance ». Ses équipes, plutôt jeunes, ont des profils très variés : « Se côtoient des métiers classiques de la production audiovisuelle et des nouveaux métiers de la chaine de production numérique. Nos chefs de projets sont polyvalents et travaillent sur des concepts et des techniques variés. Ils ont de nombreux interlocuteurs et clients mais ils savent s’adapter… Ce sont de véritables couteaux suisses ! ».

Pour en voir savoir +

Corner Prod : www.cornerprod.com/

Agence Delasource : http://www.delasource.com/realisations

CAPA : http://www.capatv.com