Sony frappe fort avec l’Alpha 7SIII

Le Sony Alpha 7SIII a été annoncé par surprise cet été, à un moment ou plus personne ne l’espérait. Et bonne surprise j’ai été choisi par Sony pour faire partie des beta testeurs européens.
Enfin un écran orientable à 360°. © DR

Ce Sony Alpha 7SIII était devenu quelque peu l’arlésienne dans le petit monde de la vidéo, à tel point que certains ont énormément douté du fait qu’il soit renouvelé. Les sites de rumeurs ne se sont pas trompés. Après quelques jours d’essais sur le terrain, voici mes ressentis.

 

Un peu d’histoire

Voilà près de trois ans qu’on attend la troisième évolution du Sony Alpha 7SII sorti en 2015, série initiée en 2014, créée dans l’idée de proposer une caméra très sensible. Le « S » voulant dire à l’origine  « Sensibilité ».

Sony est devenu en quelques années le leader incontesté des hybrides à capteur dit « full frame », donc ayant une surface équivalente à ce qu’on peut avoir sur un 24 x 36 mm en argentique.

Ce type de caméra a créé un véritable petit raz de marée dans les outils dédiés à la production audiovisuelle. Ces outils sont accessibles et proposent une image d’une grande qualité, bénéficiant d’une multitude d’adaptateurs qui permettent l’utilisation d’objectifs divers et variés venant du monde de la photo et pourquoi pas du cinéma.

Le nombre de courts-métrages et de clips qui ont été tournés avec un A7SII est assez impressionnant. Il y a même un moment où c’était la mode ; pour être « à la page », il fallait dire qu’on tournait en A7SII !

Le principe Alpha 7 est donc divisé en trois gammes, les Alpha 7 standards qui sont les plus polyvalents photo/vidéo, les Alpha 7 R (« R » pour Résolution) et les Alpha 7 S qui sont plus orientés vidéo/cinéma.

À chaque salon, depuis 2017, la petite communauté des film makers espérait que Sony allait annoncer le remplaçant de cet A7SII, mais rien ne venait et cette annonce début juillet est une vraie belle surprise.

J’ai eu la chance de jouer avec un des premiers modèles de présérie pendant une semaine et, inutile de faire durer le suspense, je me suis régalé. Je ne pensais pas qu’il suffirait à Sony de corriger tous les petits défauts de jeunesse de la deuxième génération de son Alpha 7S pour me satisfaire, mais je dois l’avouer, je suis séduit.

 

Des améliorations techniques à tous les niveaux

> Nouveaux codecs

Dans les principaux reproches que je pouvais faire à la génération précédente, c’est que Sony avait quelque peu bridé son boîtier en le privant d’un codec à la hauteur de son capteur. Le XAVC n’est pas mauvais, mais en 4:2:0 8 bits en Slog, inutile de s’attendre à des miracles. Là où la concurrence s’est très vite affranchie de ces limites, Sony a toujours protégé sa gamme et orienté les utilisateurs les plus exigeants vers des caméras plus chères type FS7 pourtant dotées d’un plus petit capteur (Super 35) mais ayant la capacité d’enregistrer en 10 bits.

La différence entre 8 et 10 bits est assez simple ; elle se joue au niveau de la quantité de nuances de couleurs qu’il est possible d’enregistrer dans l’appareil en vidéo ; 8 bits = environ 16 millions de couleurs et 10 bits = environ 1 milliard de couleurs.

Au-delà de la quantification, c’est aussi la science des couleurs qui a été largement améliorée, les précédents modèles étaient parfois pénibles à l’étalonnage, surtout sur les carnations et il n’a pas été rare de devoir y passer des heures pour arriver à un résultat à la hauteur de mes espérances. Après vérification il semble que les progrès de ce côté-là soient aussi significatifs. Tout cela est aussi rendu possible grâce à de nouveaux codecs XAVCHS basés sur une compression H.265 plus moderne et plus qualitative, avec des débits allant jusqu’à 600 mb/s en compression intra-images.

 

> Nouvelles Cartes CF Express Type A

Côté débit justement, Sony innove aussi avec l’introduction de tous nouveaux médias sous la forme de cartes CF Express de type A qui offrent des performances supérieures à la carte SD tout en utilisant des cartes plus petites et en gardant la compatibilité avec les cartes SD et le double slot.

 

> Nouveau Capteur

Si les améliorations du côté de la fiche technique sont importantes, ils ne sont pas pour autant tombés dans la surenchère et c’est tout à leur honneur. Cet Alpha 7S III ne fait pas de 8 ou de 12K, mais se concentre sur le challenge de produire « la meilleure 4K » et d’après mes tests ce n’est pas de la publicité mensongère.

Sony affirme que le capteur est entièrement nouveau et que sa colorimétrie est conçue pour pouvoir être raccordée à des images produites avec les FX9 et la fameuse Venice. Ce boîtier qui peut être considéré comme étant un compagnon de ces deux excellentes caméras, est pour moi une avancée notable dans le positionnement global du constructeur qui a toujours cherché à segmenter sa gamme.

 

> Enfin un ralenti à la hauteur

Les autres arguments marquants sur cette fiche technique sont principalement la stabilisation du capteur qui fait un bond en avant considérable, mais aussi les ralentis puisque désormais la capacité du boîtier permet d’enregistrer jusqu’à 120 images par seconde en 4K sans limite de temps et sans recadrage. Et la possibilité d’enregistrer du ProRes Raw en sortie HDMI sur 16 bits. C’est le seul point que je n’ai pas pu tester car mon Atomos Ninja V n’a rien voulu savoir à ce moment-là, vu que j’avais un firmware en version beta.

 

> Un rolling shutter amélioré

Le fameux « rolling shutter », qui est la bête noire des vidéastes, est aussi largement amélioré grâce à une nouvelle technologie qui permet de « lire » plus rapidement les photosites sur le capteur. Pour rappel, cette « faiblesse » est inhérente à la technologie des capteurs CMos utilisés sur tous les appareils photo et vidéo récents qui proposent une capture de l’image par balayage vertical, comme un scanner, et qui provoque donc des déformations des lignes verticales de l’image, apparaissant dès lors comme molle et en diagonale lors des panoramiques rapides. Cet effet est particulièrement pénible aussi pour la capture de mouvements rapides comme par exemple la plupart des prises de vues de sport ou les captations de spectacle de danse. D’après mes essais, il est vraiment très performant en 4K et impressionnant si on reste en 1080p.

 

> Un viseur extra !

L’élément sur lequel Sony présente l’innovation la plus impressionnante reste pour moi ce viseur de plus de 9 millions de pixels, issu des derniers chipsets Oled de la marque ; c’est pour moi le premier viseur qui me ferait complètement oublier la visée claire. C’est précis, ultra défini et d’une fluidité incroyable. Quel plaisir de voir dans l’obscurité et de pouvoir contrôler son exposition et sa profondeur de champ directement dans le viseur, avec son grossissement x0,90, c’est un régal si on prend soin d’activer le mode « boost » !

 

> Un autofocus de compétition en vidéo !

L’autre innovation qui décoiffe, c’est certainement l’autofocus ; il est tout simplement excellent et c’est sans aucun doute le meilleur que j’ai jamais utilisé en vidéo. La détection des visages, mais aussi des yeux – qui n’était pas présente sur la précédente génération – m’est apparue comme quasiment impossible à mettre en défaut. Si l’autofocus n’est encore pas très utilisé en vidéo c’est bien davantage pour des questions d’habitude de travail qu’à cause de ses performances. Canon et Sony caracolent en tête de ce côté-là, suivis de près par Nikon et Fujifilm. Il devient désormais envisageable de partir tout seul pour filmer de la fiction ou du documentaire avec une qualité d’image extraordinaire et un automatisme qui semble totalement efficace.

Je me suis amusé à essayer de piéger cet autofocus qui est capable de reprendre à la volée des suivis de regards sur des visages à moitié masqués par des arbres ; c’est vraiment impressionnant et ça marche très bien, même à 120 images par seconde !!!

Cet autofocus est non seulement rapide, mais également, ses transitions flou/net sont d’une fluidité très cinématographique.

Je n’ai pas pu vérifier la latitude de 15 diapos annoncée par Sony, mais la dynamique semble vraiment au rendez-vous surtout en utilisant le profil colorimétrique Slog 3.

 

> Une ergonomie agréable

Dans les améliorations qui font plaisir, j’ai aussi été séduit par le nouveau grip, le form factor du boîtier est inspiré du A9II et du A7RIV, il propose un bosselage nettement plus proéminent et du coup une meilleure prise en mains. Qu’est-ce que j’ai pu râler à cause de l’inconfort imposé par la génération précédente. Mon petit doigt passait systématiquement sous le boîtier, ce qui me donnait l’impression que celui-ci allait m’échapper à chaque manipulation.

La qualité perçue est aussi grandement améliorée, cette troisième génération est beaucoup plus rassurante et semble faite pour durer et résister aux éventuels mauvais traitements parfois imposés dans des conditions de tournage délicates.

L’autre avancée majeure, qu’il se vaut d’être saluée, c’est l’arrivée d’un écran rotatif comme sur les Panasonic GH, Sony semble enfin avoir compris l’intérêt de cette articulation qui est essentielle pour moi pour pouvoir photographier et filmer dans n’importe quelle position mais aussi de faire du face camera quand j’enregistre mes vidéos pour ma chaine YouTube.

L’ergonomie n’est pas que matérielle ; c’est aussi la partie logicielle qui est enfin devenue lisible. Je me suis penché sur la question et j’ai pu observer que ce qui me rebutait le plus c’était une arborescence à la verticale, contraire au sens de lecture de l’occidental que je suis. Pourquoi ne pas proposer plusieurs options justement puisqu’en effet les japonais lisent à la verticale ? En tous les cas, tout paraît plus clair, plus fluide et il m’a paru beaucoup plus simple de retrouver les réglages que je souhaitais atteindre. Je ne suis pas le seul à avoir pesté contre les anciens menus de ces A7 Sony, je n’ai jamais réussi à m’y faire. Bravo pour cette évolution aussi !

 

Les petits détails qui restent à améliorer

Pour avoir testé la FX9 en septembre dernier je suis un peu déçu de ne pas retrouver le mode « S-Cinetone » sur cet A7SIII que je trouve vraiment très intéressant comme base de travail pour un étalonnage simple et rapide.

L’autre bémol c’est toujours l’absence de mode 4K DCI ; on reste en UHD en 3 840 x 2 160. L’absence de mode anamorphique est un peu regrettable aussi. Si les 12 MP suffisent largement à produire une image vidéo 4K de grande qualité, c’est un peu contraignant pour la partie photo et il est difficile d’imaginer qu’on puisse se servir d’un tel boîtier pour autre chose qu’une exploitation destinée aux écrans, ce qui en fait plus une caméra vidéo cinéma qu’un appareil hybride photo/vidéo.

 

Conclusion

Même si je ne suis pas tombé à la renverse j’avoue que je suis séduit. Ce nouveau Alpha 7SIII est vraiment une réussite et il me donne envie de l’utiliser et de le mettre à l’épreuve sur de vrais tournages. Je trouve l’idée de pouvoir tourner un film avec une caméra qui a l’ergonomie d’un appareil photo, l’œil rivé dans le viseur avec cette qualité d’image, ces nouveaux codecs robustes, cet autofocus de compétition et cette ergonomie enfin à la hauteur, me plaisent énormément et j’ai envie d’expérimenter de prochains tournages avec.

En résumé cet Alpha 7SIII fait tout mieux et semble presque irréprochable. Le seul reproche que je puisse vraiment lui faire est relatif à ses limitations en photo pure, dues à sa faible définition et qui m’obligeraient à devoir utiliser deux boîtiers, un A7R IV pour la photo pure et un A7SIII pour la vidéo…

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #5, p.10/12. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité