Dossier: se simplifier la vie en tournage

Le plaisir d’un tournage vient, certes, du sujet, du cadre, de l’équipe... mais, il faut l’admettre, aussi du matériel ! Une journée qui s’annonçait bien peut rapidement être gâchée par une caméra inadaptée, un manque d’accessoires plus ou moins pallié par du bricolage, ou encore des problèmes techniques...
PastedGraphicTournageSimple.jpg

L’ambition de ce dossier n’est pas de dresser un inventaire de produits, mais de donner des pistes pour trouver la configuration qui corresponde le mieux à votre projet.

 

Bien choisir sa caméra

Pour se donner le maximum de chances de tourner dans de bonnes conditions, mieux vaut partir avec un matériel adapté, à commencer par l’outil de prises de vues. Devant l’éventail de modèles proposés par les constructeurs, le choix n’est pas toujours facile. Pour être honnête, il se fait bien souvent en fonction du budget de la production. Nous nous concentrerons ici sur les configurations « légères », où l’opérateur n’a pas d’assistant, ce qui met de côté les tournages avec une équipe complète, un budget généralement conséquent et des caméras « cinéma numérique » type Panavision Genesis, Arri Alexa, RED Epic…

 

Les critères qui vont orienter le choix de matériel seront donc la taille du capteur, le volume de la caméra, la cadence de prises de vues.

Un grand capteur, type 35mm, permet d’avoir une profondeur de champ très réduite, avec un rendu agréable. C’est pour cela que ce type de capteur se développe sur différentes gammes de produits, des caméras Blackmagic et DSLR jusqu’aux Sony F55 et Canon C500. Toutefois, une faible profondeur de champ implique une mise au point précise, qui n’est pas toujours évidente pour un cadreur sans assistant. De plus il est parfois nécessaire d’avoir une grande profondeur de champ, par exemple pour un plateau de journaliste en situation, dans lequel l’arrière-plan est important. Pour ces situations, un camescope à capteur plus petit, souvent 1/3’’ ou 2/3’’, comme par exemple les Panasonic P2 ou les Sony XD-CAM EX, sera plus adapté.

Le volume et le poids peuvent varier énormément d’un modèle à l’autre. Si l’on doit tourner essentiellement sans trépied, en news par exemple, une caméra d’épaule permettra, par sa morphologie et son poids, une meilleure stabilité. À l’inverse un produit plus léger et compact peut être privilégié pour le tournage d’un documentaire de voyage ou de montagne, pour lequel les facteurs poids et encombrement peuvent être décisifs, un cadreur éreinté étant forcément moins performant.

De même, un camescope à optiques interchangeables sera un vrai atout pour les possibilités offertes par tout un catalogue d’objectifs, mais pourra venir alourdir le sac d’un cadreur. Le slow motion est à la mode, c’est un vrai plus pour les images de sport, donc il peut être intéressant de choisir une caméra avec une haute cadence de prises de vues, comme la FS700 de Sony. Les nouveaux modules intégrés aux caméras, développés pour visualiser les images et piloter à distance sur un smartphone, représentent une évolution importante l’exemple de la Sony NX3. Ces nouvelles approches de tournage permettent surtout d’envoyer les images (via un réseau 3G et 4G, dans des codecs AVCHD et AVC-Intra, comme la JVC GY-HM650 ou la Panasonic PX70). La diffusion quasi-simultanée, sans module externe, fait de ces produits l’outil idéal des JRI des chaînes d’information continue.

En fonction du budget, des contraintes de tournage et du sujet filmé, on optera donc pour un type de caméra ou un autre.

 

La question des optiques et des filtres

On l’a vu, bon nombre de modèles proposent des optiques interchangeables, ce qui offre l’avantage de choisir ses objectifs parmi une très large palette. Les critères prédominants au choix d’une caméra sont tout aussi valables ici, l’échelle des prix étant très étendue, de même que le poids ou les performances optiques. Un tournage en faible luminosité exige un objectif à grande ouverture, quand un autre en tout-terrain fait parfois privilégier le caractère compact et pratique d’un zoom. 

Les montures ne sont pas toutes les mêmes, aussi peut-il être nécessaire d’utiliser des bagues adaptatrices, pour fixer des objectifs Nikon ou Canon EF/EF-S sur un camescope Sony NEX (400€) ou même sur une monture PL grâce aux bagues Optitek (1 800€). Le kit minimum de nettoyage des lentilles est bien sûr indispensable, si possible sec, avec une bombe de Dust-off (14€) et du papier optique Rosco (8€), sinon humide avec des lingettes alcoolisées (11€).

Les DSLR, à l’inverse d’une majorité de camescopes, n’ont pas de filtre ND intégré. Un filtre neutre variable, par exemple l’Eclipse de Genus (130€), peut venir combler ce manque pour des tournages en extérieur, notamment sur neige. La même société propose toute une série de Matte Boxes (220-440€), à fixer sur des tiges ou à visser sur l’objectif. Cet accessoire permet de limiter, grâce aux volets, les entrées de lumière sur la lentille et donc l’effet de flare, mais aussi d’utiliser tout un panel de filtres qui viendront se glisser dans les porte-filtres ronds ou carrés.

 

Des accessoires pour faciliter la prise de vues

Une fois choisis les objectifs et la caméra, il va être plus ou moins possible d’accessoiriser la configuration en fonction des modèles. Certains accessoires sont des bonus qui simplifient le travail du cadreur, quand d’autres sont vraiment indispensables. C’est le cas d’une bonne visée quand on tourne avec un DSLR, type Canon 5D ou Nikon D800. On l’a vu plus haut, il est ardu de maintenir un point parfait quand on veut profiter de la faible profondeur de champ offerte par un grand capteur. Comme un opérateur seul peut difficilement surveiller son cadre en même temps que les valeurs de point de la bague de son objectif, il est impératif de pouvoir contrôler son point sur l’image elle-même, et donc de la voir parfaitement. Le Z-Finder Zacuto (350€) est la référence, mais de grosses productions peuvent s’orienter vers un viseur électronique Alphatron (1 000€) pour bénéficier en plus de marqueurs, zebra… Notons que l’utilisation d’un viewfinder permet en plus de caler son appareil sur son œil et ainsi de gagner en stabilité.

Pour les camescopes possédant déjà un viseur ou un écran LCD, un pare-soleil (20€) s’avère souvent indispensable pour bien voir son image en limitant les rayons du soleil, la poussière et les regards indiscrets… Autre indispensable de tout tournage : une housse de pluie, de forme adaptée au modèle de caméra. Les DSLR sont souvent tropicalisés, mais mieux vaut toutefois se méfier de l’humidité dans les optiques, les filtres ou les accessoires. Certains cadreurs utilisent un follow focus, mais c’est un outil surtout destiné au pointeur et il n’aide pas forcément un opérateur seul. Une bague de mise au point fixée sur l’objectif peut faciliter la prise en main.

 

Piloter sa caméra à distance

Pour piloter sa caméra, il existe plusieurs outils, à commencer par les déports de commandes de point, zoom, déclenchement… Ils sont proposés par plusieurs fournisseurs, dont Manfrotto (200€). Ceux-ci sont indispensables quand on utilise une grue, moins pertinents quand on travaille sur pied. Des boîtiers permettent de piloter sa caméra à distance à l’aide d’un smartphone ou d’une tablette, dans le même esprit que la Sony NX3 citée précédemment. Il s’agit par exemple du Weye-Feye d’XSories (200€), qui fonctionne avec les DLSR. Nikon va plus loin avec le module WT-5 pour D4 (400€) qui permet en plus de déclencher jusqu’à dix boîtiers et surtout de transmettre les images via ftp ou http pour les diffuser rapidement. Des kits d’émetteur-récepteur sans fil, comme par exemple le Teradek Bolt (1 600€), peuvent permettre d’envoyer le signal des caméras vers un mélangeur ou un enregistreur tiers, sans s’encombrer de câbles.

 

L’enregistrement des rushes

Certaines configurations nécessitent un enregistreur externe, comme les Atomos Ninja (500€) ou Samurai Blade (1 000€), avec lesquels on peut enregistrer directement en Apple ProRes ou DNxHD à partir d’un signal HD-SDI ou HDMI, sur un disque SSD ou HDD. Enregistrer dans un format de production permet de gagner du temps au montage. Notons qu’entre ces deux connectiques le HD-SDI paraît plus fiable puisqu’il ne peut pas s’arracher de la prise, à l’inverse du HDMI, mais cela sera en fonction des connectiques de la caméra.

Quand on choisit d’enregistrer en local, le choix des cartes mémoires est prédominant. Leurs performances et leur capacité sont de plus en plus impressionnantes, donc il est facile de trouver une carte rapide, avec un débit suffisant, approchant maintenant les 170Mb/s. Le choix de la capacité dépend du sujet : si l’on filme une longue conférence on aura besoin d’une très grosse carte, mais si l’on filme un reportage il peut être prudent de multiplier les supports pour ne pas avoir tous ses rushes sur la même carte en cas de perte ou de problème technique… Tous les caméscopes n’emploient pas le même type de cartes, mais il existe pour certains formats des adaptateurs, par exemple pour se servir de cartes SDHC dans un slot SxS (80€). Pour sécuriser ses rushes, on peut bien sûr utiliser un ordinateur portable, mais aussi un déchargeur de cartes multiformats Nextodi (700-1800€), plus léger et robuste. En plus de copier les médias, il permet de les visualiser et de les synchroniser sur un autre disque dur sans avoir besoin de passer par un ordinateur, ce qui permet de multiplier facilement les copies afin de se préserver d’éventuels problèmes de pertes de rushes.

 

Des caméras en plus

Un accessoire précieux en tournage peut être une petite caméra, type GoPro (360€) ou Contour (310€). Elles ne sont pas chères, robustes et étanches, avec néanmoins un rendu visuel tout à fait acceptable pour les mélanger à d’autres images. En avoir sous la main, avec une palette de fixations pour tous supports, peut aider à trouver des points de vue originaux, en immersion dans une action ou même sous l’eau, pour multiplier les cadres. On ne ferait bien sûr pas un film exclusivement avec ces caméras, mais elles apportent tout de même un bon complément.

 

Lumière additionnelle

En plus de la caméra, de ses accessoires propres et des optiques, il est souvent prudent de prendre un peu de lumière additionnelle. Cela peut être à minima un réflecteur (60€) qui viendra déboucher une ombre, mais qui nécessite bien souvent que quelqu’un le tienne dans la bonne orientation, à moins de pouvoir le fixer à l’aide d’un bras magique (140), sur un élément du décor ou même son trépied.

Une minette à LED ou un rotolight (90€), fixés sur le porte-griffe de la caméra, peuvent venir sauver une scène trop sombre pour la sensibilité de notre capteur, ou faire ressortir un sujet principal. Les Litepanels sont de bon rapport qualité-prix (130€). Akurat propose des modèles LED très puissants (220€), qui peuvent même être utilisés de manière autonome pour créer une lumière simple en disposant plusieurs exemplaires dans un décor. Pour ne pas avoir à fixer des gélatines sur la minette pour en modifier la température de couleur, on peut choisir un modèle avec variateur de couleur de lampe, comme la L10C-VC de Cineroid (260€).

En plus de cela, une Maglite (40€) ou une lampe frontale Petzl (25€) est bien utile à l’opérateur qui tourne dans un environnement sombre et qui a besoin de trouver rapidement le bouton « Menu » de son camescope ou l’accessoire qui est au fond de son sac.

 

L’audio aussi

À moins de tourner un clip musical, la prise de son aura aussi son importance, même si bien souvent elle est sous la responsabilité de l’opérateur de prises de vues. Pas de grande évolution dans ce domaine-là, l’utilisation de micros-cravates HF, type Sennheiser EW-PG3 (500€), en complément d’un micro canon super-cardioïde fixé sur la caméra ou d’un micro main confié au journaliste reste l’habitude. Sennheiser sort le MKE600 (230€) pour venir concurrencer les Røde, mais pour les interviews le MD21 (360€) ou le LEM (300€) restent incontournables. Des bonnettes plus ou moins poilues viendront s’ajouter selon le vent, de même qu’un casque pour bien entendre le son qui s’enregistre.

Ce qui diffère en fonction des modèles de caméra, ce sont les connectiques disponibles : d’un mini-jack seul à une paire de XLR. Dans le premier cas, il est intéressant d’utiliser un enregistreur annexe, comme le Tascam DR-60D (300€), sur lequel on peut venir connecter nos micros habituels en XLR, avec ou sans alimentation fantôme. Il se visse sous le DSLR pour le côté pratique, enregistre sur une carte SD ou ressort le son vers la caméra sur un mini-jack. Dans le premier cas, la resynchronisation avec les images se fera en postproduction, à l’aide d’un clap filmé, ou simplement en faisant une analyse des audios dans les logiciels de montage, à condition d’avoir un son témoin sur la vidéo, qui peut être pris avec le micro intégré au boîtier.

 

Un peu de machinerie

Le choix de tous ces accessoires ne peut toutefois se faire en ignorant la manière dont vont être effectués les plans : à l’épaule, sur trépied, travelling… En configuration épaule, le minimum est privilégié pour des questions de poids et d’ergonomie. Toutefois, un peu de machinerie peut s’avérer bien pratique. Une gueuse (35€) ou une bouée (30€), simple sac de petites billes, posé entre un élément naturel (rocher, banc…) et l’on peut permettre l’économie d’un pied sur certains plans fixes. Un monopod (60-100€) peut aider considérablement un cadreur quand un trépied n’est pas utilisable, par exemple dans une foule. Des modèles en carbone (200€) allègent de manière significative le poids d’un sac.  

Autre solution : la crosse épaule. Les constructeurs redoublent d’imagination et multiplient les modèles, plus ou moins modulables, ergonomiques et onéreux. Une des différences majeures est la poignée, simple ou double, qui dans le second cas permet une meilleure prise en main par le cadreur mais nécessite un assistant pour effectuer les changements de point, diaphragme ou focale. Un cadreur seul pourra donc se contenter d’un modèle simple. Citons par exemple le (très !) bon marché mais efficace Shoulder Support Pad de Cowboy Studio ($30) pour camescopes légers, l’ingénieux Bulldog d’Indisystem ($750), qui s’adapte à l’épaule ou à la main ou le Swedish Chameleon (1600€),qui soulage le dos en répartissant le poids sur les hanches. À défaut de crosse, une simple bandoulière d’appareil photo fixée sur la caméra permet de reposer le dos et les bras entre deux prises, en éviter de la poser au sol, dans la poussière.

Un stabilisateur Glidecam (480€) peut donner une fluidité à certains plans en mouvement filmés avec des caméras légères, mais un véritable steadycam sera nécessaire pour du matériel plus lourd, avec un opérateur spécialiste de ce type de prises de vues. De nouvelles têtes gyroscopiques se développent, de manière plus ou moins artisanale, pour offrir une stabilisation maximale à des plans très bougés (voir l’encadré). Dans tous les cas où cela s’avérera possible, un trépied sera un vrai gage de stabilité et de fluidité des mouvements panoramiques. Pour passer d’un support à l’autre au plus vite, fixer des plateaux rapides Manfrotto (50€) sur tous les trépieds, monopodes, crosses permet d’utiliser la même semelle sur toute la machinerie et ainsi de gagner un certain temps de vissage-dévissage.

En complément, un slider permet d’effectuer de courts travellings, de la longueur du rail, souvent un mètre ou deux. Le SliderPLUS d’Edelkrone (480€) est facilement transportable car la longueur utilisable est doublée de manière ingénieuse. Pour effectuer des mouvements plus complexes, en combinant travelling et panoramique, on peut ajouter un moteur comme le Genie de Syrp (870€). Il se fixe sur un trépied, slider ou cable-cam pour créer des mouvements très réguliers à vitesse réelle ou sur des timelapses. Pour obtenir des mouvements de plus grande amplitude, il est désormais possible de s’offrir une petite grue, surtout quand on utilise des caméras légères. Par exemple la Mini Jib de Genus (390€) qui supporte jusqu’à 4,25 Kg avec un déport de presque deux mètres.

 

Des applications utiles en tournage

En plus de tous ces accessoires, un smartphone ou une tablette peuvent être des alliés précieux grâce aux applications développées pour les vidéastes. Il existe ainsi plusieurs calculateurs de profondeur de champ et d’hyperfocale, mais aussi des catalogues d’optiques pour trouver facilement la plus appropriée. AJA propose un data calc (gratuit) pour anticiper le poids des fichiers vidéos, en fonction des formats et codecs choisis.

Pour ajouter des marqueurs aux plans dès le tournage, Sony a développé le XM Pilot qui fonctionne avec les camescopes XD-CAM. Du côté d’Adobe, c’est le Live Logger (gratuit) qui est couplé au logiciel Prelude Creative Cloud, particulièrement intéressant pour repérer les temps forts d’un événement. Digital Rebellion propose Cut Notes (12€), qui permet d’associer des marqueurs au time code d’une vidéo, qui sont interprétés par les principaux logiciels de montage. Les cadreurs peuvent s’aider de la boussole de leur smartphone ou de Sunrays (3,6€) pour anticiper la trajectoire du soleil et donc l’évolution de la lumière, mais aussi de Mark II Artist’s viewfinder (22€) qui aide à trouver le bon cadre en simulant des combinaisons de caméras et d’objectifs pour donner un aperçu du rendu sans même positionner sa caméra. Ajoutons à cela des applications davantage destinées au journalisme : Teleprompt (14€), un prompteur pour iPad, ou SoundNote (4,5€), qui associe les notes que l’on écrit au son qui s’enregistre simultanément. Citons aussi Magic Lantern (gratuit) pour Canon 5D, qui n’est pas une application mais une mise à jour du firmware qui améliore les possibilités de l’appareil, en affichant par exemple un zebra et des vu-mètres en mode live-view.

 

À vous de choisir parmi ces accessoires et applications celles et ceux qui viendront au mieux optimiser votre matériel de prises de vues. Ils rejoindront le Leatherman, les clés Allen et le rouleau de gaffer qui traînent toujours au fond de votre sac, pour que votre tournage se passe dans les meilleures conditions.