Annecy 2017 – Un bel hommage à l’animation

Dopé par le dynamisme de l’animation et une situation de plein emploi en France, le festival d’Annecy 2017 ainsi que le Marché international du film d’animation (Mifa) ont battu tous les records de fréquentation.*
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Avec quelque 10 000 accrédités (11 % de hausse par rapport à 2016), le festival a passé un cap et confirmé la dynamique de ces trois dernières années. L’extension du Mifa, en durée et superficie, s’est avérée globalement payante ; le Marché a enregistré une augmentation importante du nombre d’exposants, des pays représentés et des visiteurs (3 000 professionnels).

En dressant un panorama mondial de l’animation, le festival livrait un instantané de l’animation hexagonale dont tous les clignotants semblent être au vert. Les longs-métrages et surtout les séries télévisuelles bénéficient de cette dynamique et la filière animation, en plein essor, constitue un modèle de croissance.

Fort de ce dynamisme, le festival déploie son savoir-faire à travers le monde avec la création du festival Animation is Film à Los Angeles (qui se déroulera du 20 au 22 octobre 2017) et de l’Annecy Asia International Animated Film Festival à Séoul (pour 2019). Côté Mifa, la filière pouvait se réjouir de célébrer les 30 ans « et plus » de Mac Guff Ligne, l’un des studios d’animation français les plus actifs en Europe…

 

Les longs-métrages français montent au box-office

Même si la compétition officielle a retenu peu de longs-métrages français (mis à part Zombillenium), la filière hexagonale fait preuve d’un dynamique qui ne passe pas inaperçu. Des films comme Astérix – Le Domaine des dieux ou Le Petit Prince, ou plus récemment Ma Vie de Courgette, Sahara, Ballerina témoignent d’une offre en films familiaux en phase avec le marché.

« Nous avons essayé de faire un film international, remarque le réalisateur de Sahara Pierre Coré (La Station Animation et Mandarin Production). Sahara diffère néanmoins d’un blockbuster américain : il s’autorise des lenteurs, comporte des scènes hallucinatoires avec une sensualité latente. Ces écarts participent à la French Touch. Studiocanal, qui nous a encouragés dans cette voie, a eu raison : Sahara (1,1 million d’entrées) est l’un des premiers films d’animation français à avoir été acheté par Netflix. »

Producteur du Petit Prince de Mark Osborne (le plus grand succès de film d’animation à l’étranger avec trois millions d’entrées), Aton Soumache (Method Films) confirme l’embellie de la filière du cinéma d’animation. Pour sa part, le producteur signe quasiment un long-métrage par an (Mune, Le Petit Prince et Drôles de petites bêtes – sortie fin 2017).

Tout en s’adressant à une cible familiale et internationale, ces films aux budgets s’échelonnant entre 10 et 60 millions d’euros n’hésitent pas à mêler les techniques (stop motion, 2D/3D, papier animé…) pour être au plus près de la facture souhaitée par leurs auteurs.

Son prochain film, Playmobil réalisé par Lino Di Salvo (pour le printemps 2019), innove lui aussi en ajustant ses moyens de fabrication à ses ambitions (63 millions d’euros) : « Pour ces productions d’envergure internationale, le monde entier est notre champ de financement, poursuit Aton Soumache. Mais nous sommes capables aussi d’entreprendre des films comme Drôles de petites bêtes (10 millions d’euros) presqu’entièrement fabriqués en France ».

Le festival donnait un avant-goût d’autres futurs succès hexagonaux : Le Grand Méchant Renard de Benjamin Renner (Folivari), Les As de la jungle de Jean-François Tosti et David Alaux (TAT Productions), Zombillenium d’Arthur de Pins et Alexis Ducord (Maybe Movies) diffusé en ouverture, Drôles de petites bêtes (On Entertainment). Et pour 2018, Croc-Blanc (Superprod, Bidibil Productions), La fameuse invasion des ours en Sicile (Prima Linea Productions) ou Petit Vampire de Joann Sfar et Antoine Delesvaux (Autochenille Productions) présenté en Work-in-progress, devraient eux aussi rencontrer leur public.

 

Pour ne pas être en reste, le Mifa, via les conférences Création et Organisation de production initiées par René Broca et Christian Jacquemart, tenait à faire le focus sur Mac Guff Ligne, acteur incontournable de l’histoire de l’animation hexagonale et des effets visuels, qui fêtait ses 30 ans (et plus) et a montré, via Illumination Mac Guff, la capacité de fabriquer en France des films américains comme la trilogie à succès Moi, moche et méchant.

« Le long-métrage est le nouveau relais de croissance de l’animation, affirme Aton Soumache. Ce marché bénéficie de plusieurs facteurs : la capacité de la filière française (grâce à Mac Guff entre autres) à fabriquer des films à succès ; la présence sur notre sol de fortes propriétés (Le Petit Prince) et des grands talents pour les réaliser. Nous pouvons enfin nous décomplexer et viser des productions plus ambitieuses qui tirent le marché vers le haut. Nous ne sommes pas obligés de nous cantonner au film d’auteur ou qui se destine à un public adulte. »

Autre raison pour le producteur de Method Films de se montrer optimiste : l’intérêt des plates-formes comme Netflix (mais aussi Amazon, etc.), dont Annecy présentait Blame ! en séance événement, pour les films premium à 15/20 millions d’euros qui rencontrent souvent des problèmes récurrents de financement.

« Pour nous, producteurs de contenus, l’arrivée de ces nouveaux canaux de distribution correspond à un âge d’or car il faudra des histoires pour les remplir ! » Gilles Gaillard, président de Mikros Image, confirme : « Nous vivons une situation de plein emploi ! » Le studio français, pour sa part, mène de front la fabrication de trois longs-métrages d’animation dont Astérix : le secret de la potion magique entièrement fabriqué à Paris, et surtout commence une collaboration avec DreamWorks en fabriquant Capitaine Superslip de David Soren.

Pour dynamiser toutefois le cinéma d’animation qui bénéficie depuis 2016 d’une relocalisation de la fabrication, le Syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA), dans sa traditionnelle présentation de son bilan annuel lors du Mifa, demandait aux pouvoirs publics d’appliquer au cinéma la réforme du Cosip Animation qui a impacté si positivement la production d’animation TV. Et aux chaînes (dont France Télévisions) de renforcer leur engagement. Pour Philippe Alessandri, président du SPFA, cette dynamique permettrait au cinéma d’animation français d’aborder enfin des films plus ambitieux dotés de budgets supérieurs à 7 millions d’euros (devis moyen en France), et à l’international, de mieux se valoriser.

 

Série d’animation, un secteur en pleine maturité

Grande diversité des genres, des écritures et des techniques : lors de leur traditionnelle présentation de la grille à venir, les diffuseurs se sont félicités, à raison, de la qualité des productions.

Premier diffuseur d’animation avec 86 productions en cours, France Télévisions continue de miser sur la création originale en annonçant entre autres des séries aussi différentes que La Science des soucis de Vivement Lundi ! qui mêle 3D et décors réels, Bonjour le Monde ! de Normaal Animation à base de sculptures en papier, Ernest et Célestine-la Collection (26 fois 13 minutes) de Folivari ou la série en stop motion Super Fastoche d’Autour de Minuit et Panique ! pour sa plate-forme digitale jeunesse.

Produite par TeamTO, la série Take it easy Mike (78 fois 7 minutes), sur les antennes en 2019, innove également par son rendu photoréaliste. Grâce à un pipeline reposant sur le logiciel 3D Rumba de TeamTO (bientôt commercialisé), cette production met à la portée d’un budget de série standard un effet visuel cinématographique sophistiqué. Elle ouvre, d’après Pierre Siracusa, directeur de l’animation, de nouvelles possibilités en narration.

Des exclusivités 2018 également chez Arte, dont les programmes courts font recette (Tu mourras moins bête ira en saison 2), comme 50 nuances de Grecs par Haut et Court et la série 3D Athleticus de Nicolas Deveaux (Cube Creative), laquelle pourrait faire l’objet d’une captation en VR (pour Arte Creative). Chez Canal+ (Piwi+, Télétoon+, Canal+ Family), sont attendus les spéciaux Non-Non (Autour de Minuit) qui précéderont la diffusion de la série, la trilogie de Benjamin Renner produite par Folivari (Le Grand Méchant Renard)…

Privés ou publics, les diffuseurs tendent à prolonger les séries à forte audience. Ces productions, dont les suites doivent tenir leurs promesses au long cours, ont fait l’objet d’une conférence spéciale au Mifa. Ont été passées au crible la série vendue dans le monde entier Ladybug (Zagtoon et On Entertainment) et Les mystérieuses cités d’or, une série phare des années 80 relancée en 2012 par Blue Spirit Animation, dont les écritures évoluent et qui sont aujourd’hui face à de nouveaux défis techniques.

Publiée à l’occasion du Festival, l’étude du CNC sur le marché de l’animation en 2016 atteste de la bonne santé du secteur et du savoir-faire hexagonal. L’animation audiovisuelle, qui a atteint en 2016 son plus haut niveau avec un volume de production de 388 heures et des devis en hausse de 40 %, constitue toujours le premier genre à l’exportation des programmes. Si les chaînes poursuivent leurs investissements (voire le doublent comme France Télévisions jusqu’en 2020), le secteur risque néanmoins une certaine saturation. Pour sa part, le SPFA pointait une tentative de désengagement de Canal+ envers le volume de séries, lequel annonce pourtant l’ouverture à la rentrée de C8, une nouvelle case animation jeunesse.

 

La VR 360 prend de l’ampleur

Si la réalité virtuelle a fait l’objet en 2016 d’un programme spécial, Annecy lui dédie, cette année, un espace propre à côté de Bonlieu et ouvre la catégorie VR@Annecy parrainée par Spotlight Stories et Google VR. Pour Marcel Jean, directeur artistique de la manifestation, la VR représente une voie pour l’animation qu’il faut explorer, même si son modèle économique reste à trouver. Le festival n’a pas créé pour autant de section compétitive, faute d’un nombre suffisant de projets (une vingtaine de propositions reçues).

Très assidus et s’armant de patience, les festivaliers (environ 400) ont donc pu expérimenter une dizaine de programmes se découvrant avec un HTC Vive, un Oculus Rift ou un Samsung Gear. Parmi les immersions les plus introspectives, Nothing Happens de Uri et Michelle Kranot, dont le court-métrage du même nom a reçu à la fois le prix André-Martin et le prix Festivals Connexion, s’appréhende comme une incursion dans un univers hivernal peuplé d’hommes en attente. Immersion également contemplative et graphique, Sonaria de Scot Stafford et Kevin Dart, fait basculer d’un univers terrestre à un autre, aquatique.

Outre le programme Tilt Brush Demo qui immerge interactivement au cœur de la création, se donnent encore à expérimenter les fictions Dear Angelica (Oculus Story Studio) de Saschka Unseld (primé à Sundance), l’adaptation VR du court métrage 2D Vaysha l’aveugle de Theodore Ushev (Office national du film du Canada) ainsi que les films VR inédits d’Eric Darnell (réalisateur de Madagascar), Rainbow Crow et Asteroids !, produits par Baobab Studios. Parmi les vidéoclips, le cartoonesque Saturnz Barz du groupe Gorillaz (Passion Pictures et Google Spotlight Stories) côtoie l’envoûtant Notget VR imaginé pour Björk qui apparaît en déesse des fonds marins, saisie en motion capture.

 

Côté Mifa enfin, la VR, qui fait l’objet de conférences, questionne encore de nombreux producteurs d’animation quant à son usage et à sa place dans la chaîne de production. Pour Studio 100 Animation, en test du logiciel Unity pour différentes plates-formes (dont HTC Vive), la RV est un outil prometteur d’aide à la production.

Parmi les exposants, Unity, déjà présent les années précédentes, annonce la sortie de la version Unity 2017, laquelle inclut des outils d’animation et de nouveaux effets (color grading, timeline). Dans ses cartons, plusieurs projets français de courts-métrages d’animation, dont les teasers pourraient être présentés dès 2018 à Annecy. Et sur le salon, des productions comme la série Monsieur Carton (Tant Mieux Production), les films VR du studio Baobab, la démo Tiltbrush ou le court-métrage Nothing happens constituent autant de références crédibles. Pour se préparer à ce marché émergent, l’Ina propose une offre complète de formations sur la réalité virtuelle. 

* Extrait de l’article paru pour la première fois dans Mediakwest #23, p.98-100Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.


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