Une ambiance d’ombre et de plomb pour le court-métrage « Dustin »

Présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2020, « Dustin » a été étalonné par Alexandra Pocquet qui nous ouvre les coulisses de son travail réalisé sur le logiciel DaVinci Resolve.
Un parti pris visuel très singulier pour ce court-métrage étalonné par Alexandra Pocquet. © DR

 

L’image si particulière de Dustin, court-métrage de 20 min réalisé par Naïla Guiguet dont c’est le deuxième court, résulte d’une étroite collaboration entre l’étalonneuse Alexandra Pocquet et la cheffe opératrice du film Claire Mathon. Lesquelles ont ici mis leur talent confirmé au service d’un projet qui se veut une déclaration d’amour fiévreuse et mélancolique à une jeune transgenre et sa tribu queer qui dansent et s’aiment en dépit de tout.

« J’ai été impliquée dans le film après le tournage. La cheffe opératrice Claire Mathon et la production Alta Rocca m’ont contactée pour me proposer ce projet. Nous n’avions jamais travaillé ensemble auparavant et j’étais très heureuse de leur proposition sur ce projet, promettant la recherche d’une forte identité visuelle, sur un sujet qui m’intéresse. Je ne connaissais pas du tout la réalisatrice Naïla Guiguet, également scénariste et DJ, qui a écrit un magnifique scénario sur ce milieu qu’elle connaît si bien. »

Dans ce film, on suit donc Dustin et sa bande d’amis sur un intervalle de 24 h au cours d’une soirée techno dont ils ressortent le lendemain midi pour ensuite se rendre chez elle. Le film aborde des thèmes forts. « L’identité et la transidentité, l’amitié, l’amour, la violence, la tolérance, la drogue, la sexualité… la vie ! », résume Alexandra.

« J’ai d’abord échangé avec Claire par téléphone. Elle m’a expliqué le ton du film et ce qu’elle souhaitait. Puis nous avons travaillé deux jours et demi à l’étalonnage. Naïla et Claire étaient présentes sur l’entièreté des séances. Je pouvais donc prendre en compte leurs remarques respectives en direct et ne pas attendre le retour de l’une ou l’autre à distance, ce qui a fait gagner un temps précieux.

« Ce gain de temps nous a permis de regarder le film dans sa longueur, chaque fois que nous corrigions des plans clés. Leurs remarques et mes propositions se sont donc enrichies assez naturellement d’autant que nous avions toutes les trois une même approche de ce que devait être visuellement le rendu du film.

« Claire Mathon a tourné en Red Epic Gemini en 5K, avec des optiques Angenieux et le format du film est 2:39. Grâce à cette caméra, nous avons pu profiter de détails et de latitude dans les zones sombres comme la soirée techno et l’appartement enfumé. La texture était très importante, l’image brute et enfumée devait révéler une énergie. Le temps gris devait rappeler les jours d’hiver et donner une sensation de chape de plomb. La référence était Mad Love in New York des frères Safdie. Et dans une moindre mesure les films de Larry Clarke.

« Nous avons étalonné sans Lut la première journée et étions contentes du résultat. Je suis quand même restée le soir et j’ai recherché ce qui pourrait texturer un peu plus l’image, lui donner un aspect plus filmique, de façon à ne pas avoir de regret.

« Le lendemain, j’ai proposé à Naïla et Claire de revoir le film avec une Lut Kodak vision3 intégrée à l’étalonnage et la texture leur a immédiatement plu. Grâce aux courbes de Resolve, j’ai pu modifier la courbe de vert. Et grâce aux parallèles nodes j’ai pu appliquer cette Lut le nombre de fois voulu selon les plans et les séquences. On a ainsi pu discerner quand on allait trop loin et on pouvait revenir en arrière très facilement. Une fois cette texture trouvée, la demande était de bien conserver la couleur de la chevelure de Dustin. Au final nous avons obtenu un rendu de l’image, très personnel, avec assez peu d’amplitude.

« Pour le master vidéo, il a fallu remettre un peu de brillance pour que le film ne paraisse pas terne sur ce medium.

« Je n’ai pas de séquence préférée à proprement parler, mais il y a certains plans que j’aime particulièrement pour tout un tas de raisons différentes. Je suis très contente du résultat qui a une vraie identité… Une identité singulière que l’on ne retrouve pas partout loin de là ! », conclut Alexandra.

 

NAÏLA GUIGUET INTÈGRE NEXT STEP

La réalisatrice de Dustin, Naïla Guiguet, est diplômée de La Fémis et accompagne à l’écriture de nombreux réalisateurs comme Arnaud Desplechin, Catherine Corsini ou Louis Garrel. Elle est également DJ du collectif techno Possession. Elle a été sélectionnée par la Semaine de la Critique pour intégrer la nouvelle promotion de Next Step.

Depuis sept ans, ce dispositif guide vers le long-métrage les réalisateurs de courts-métrages sélectionnés en compétition. Next Step propose un atelier de cinq jours, se tenant chaque année en France au mois de décembre. Durant l’atelier, les cinéastes ont l’opportunité de discuter de leur projet de long-métrage avec des experts internationaux et des consultants, afin de bénéficier de conseils sur leur scénario, de comprendre la réalité du monde du cinéma et de définir une stratégie de développement appropriée.

En outre, l’atelier organise des rencontres avec des compositeurs afin de sensibiliser les réalisateurs au travail de la composition de musique de film. Cette année, trois compositeurs feront part de leur expérience et de leurs conseils avisés lors de consultations personnalisées avec chaque réalisateur et réalisatrice, afin de les guider au mieux dans leurs choix artistiques.
Next Step bénéficie du soutien du CNC, de la Sacem ainsi que de sa collaboration avec le Moulin d’Andé-Céci.

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #9, p.55/56