Black Magic Design Atem Television Studio : le mélangeur low-cost

Jusqu'à présent, si vous cherchiez un mélangeur vidéo à moins de mille euros, ça n'existait pas. C'est désormais le cas avec le Television Studio qui se pilote depuis un ordinateur, coûte une misère, et accepte HDMI et SDI. Révolutionnaire ? Il l'est dans son positionnement, mais il existe tout de même quelques limites logiques à ce tarif. Le produit peut cependant intéresser bon nombre de petites structures.
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Minuscule, simple et sans bouton

Le concept de ce mélangeur est assez atypique puisque vous n’y trouverez aucun panneau de contrôle physique. Il s’agit en fait d’un simple « bandeau » à racker (1U) sans témoin de fonctionnement, ou même de bouton de démarrage. Plus troublant encore, la profondeur totale est de moins de 5 cm, ce qui donne la possibilité de le monter derrière un matériel existant et donc de manière invisible. On trouve 4 entrées HDMI et 4 (HD)SDI qui permettent d’ingérer les signaux. L’Atem Television Studio (ATS) peut traiter jusqu’à 6 de ces sources en simultané. L’entrée audio est, quant elle, numérique (AES/EBU) via une prise coaxiale unique. Côté sorties, il y a deux multiviews (SDI/HDMI) pour le monitoring et trois Program (2 SDI/1 HDMI avec audio intégrée). Pour résumer, on en a suffisamment pour gérer de petites réalisations live et c’est donc tout l’intérêt du produit. Mais alors, comment est-ce que ça marche ?

En fait, pour travailler avec ce mélangeur, il faut un ordinateur (même une machine peu puissante convient) et un écran de contrôle indépendant (informatique ou Broadcast). Le portable va contrôler l’ATS via la prise réseau (RJ45). Pour que la liaison entre les deux soit stable, on paramètre l’ordinateur pour avoir une adresse IP fixe une bonne fois pour toute et c’est terminé. L’opération s’apparente à une sorte de connexion réseau « directe ». On peut aussi passer à travers un réseau existant (pour une installation définitive par exemple), mais là encore, il faut que les IP soient fixes (donc pas de DHCP). Dans notre cas, nous avons utilisé un portable 17 pouces pour raccorder l’ATS en filaire et activé le Wifi pour rester sur Internet via la box du site de réalisation : tout fonctionne parfaitement. Il suffit ensuite d’installer le soft de contrôle qui va simuler à l’écran l’interface d’un « vrai » mélangeur. Le soft lancé, on va ainsi gérer les sources en les paramétrant (deux HDMI, deux SDI et deux HDMI/SDI). On va aussi pourvoir renommer les sources affichées en fonction du nom du cadreur par exemple, choisir le format du traitement et c’est parti. Mais c’est à ce stade que l’on atteint une première limite du produit.

Les précautions et limites : câblage et formats

L’ATS est bien multi-format (SD PAL/NTSC, HD 720/50/60p et 1080 50/60i) mais il ne sait pas mélanger différentes sources ou downscaler la sortie pour les vidéoprojecteurs non HD par exemple : la chaine doit être parfaitement uniforme. On doit ainsi paramétrer toutes les caméras de la même manière – ce qui n’est pas un problème – mais aussi, par exemple, un ordinateur portable dans le cadre de présentations PowerPoint ou autres. L’autre contrainte concerne le son, puisque la grande majorité des tables de mixage audio sortent encore en analogique. Il faut, par conséquent, rajouter un convertisseur A/D. Dans notre cas, notre modèle (un petit Lindy à 50 euros) n’a pas posé de problème de synchro, mais nous recommandons d’investir aussi dans un correcteur de délai afin de parer à toutes les éventualités en fonction des configurations : il est fréquent que la réalisation d’un live vidéo utilise la console de mixage présente sur le site et, en fonction du type de matériel, la synchro audio/vidéo n’est pas garantie sans ce type de produit. De plus, nous avons constaté que côté câblage, si l’ATS accepte bien l’HDMI, il est extrêmement tatillon sur la qualité de la liaison. Un câble de 10 mètres n’a pas fonctionné en entrée (alors qu’il marche en sortie). Il est donc recommandé d’utiliser des convertisseurs HDMI/SDI sur de grandes longueurs pour plus de fiabilité. En revanche, l’ATS a tourné en continu pendant une semaine et n’a montré aucun signe de plantage malgré le fait qu’il dégage beaucoup de chaleur: son installation dans un rack impose une ventilation, par prudence.

En opération : il fonctionne parfaitement

Ces quelques écueils surmontés, on se rend compte que ce que maîtrise l’ATS, il le maîtrise plutôt bien avec un temps de latence certes existant, mais qui n’interdit pas le direct. La qualité d’image en sortie est irréprochable. Les fonctions sont parfaitement communes à un « vrai mélangeur physique » avec une partie Preview, une autre pour le Program et un ensemble de boutons complètement traditionnels (Auto, Cut, générateur de couleurs, etc.) : le multiview est une réussite d’autant qu’on peut choisir son type de présentation (4 au choix). Il y a quelques années, il aurait fallu investir dans un bandeau cathodique/LCD très onéreux alors qu’ici, n’importe quel moniteur bas de gamme convient. On peut même envisager d’utiliser un ordinateur à écran tactile pour une réalisation au doigt plutôt qu’à la souris ou au clavier. À ce propos, il est dommage que le constructeur ne permette pas à l’utilisateur de paramétrer ses propres raccourcis clavier et impose les siens.
Le reste des fonctions assure le minimum : seulement deux emplacements mémoire stockent les images fixes (Media 1 et 2). Il faut donc aller puiser dans la bibliothèque pendant le direct pour passer plus de deux logos ou insérer des sous-titres. En revanche, comme pour d’autres produits de la marque, on peut exporter directement des images depuis Photoshop vers le mélangeur via un plugin : très pratique. L’ATS dispose d’une Upstream Key qui offre de bons réglages d’incrustation (Luma, Chroma, Patern). On peut ainsi envisager de faire du chromakey en live, à condition de bien régler la lumière car le paramétrage logiciel de la clé manque un peu de précision. Mais ça reste jouable. Deux downstream keys sont aussi fournies : le principe est le même mais plus limitatif puisque dans ce cas, on va uniquement utiliser le Luma pour incruster un logo, par exemple. Bref, on est assez restreint quant au nombre de medias utilisables simultanément (pas de lecture de clips en mémoire par exemple), mais l’ensemble des fonctions est paramétrable comme sur un vrai mélangeur (durée des transitions…). Et, cerise sur le gâteau, le mélangeur est capable d’envoyer à l’ordinateur un fichier H264 (mp4 conforme) dont la qualité est paramétrable afin d’uploader la production pour le Web directement en fin de réalisation. Cela sans le moindre réencodage. Bien vu.

En conclusion, ce produit est assez surprenant étant donné son prix de 750 euros HT. Une fois toutes les précautions que nous avons évoquées prises en compte, si on dresse l’addition des matériels à rajouter, on parvient à un coût ridicule pour les prestations offertes. Un convertisseur A/D et un correcteur de délai : 150 euros. Un moniteur de contrôle correct : 500 euros. Deux convertisseurs HDMI/SDI : 700 euros. Ce qui nous amène à un budget très accessible (hors intégration en rack et prix d’un portable). Par ailleurs, pour obtenir davantage de prestations, on peut se tourner vers le grand frère (ATEM 1/ME) qui offre plus d’entrées, prend le son analogique (et le sort aussi), sait lire les clips vidéo, downconvertit… pour 2000 euros HT. C’est une bonne affaire dans la mesure où l’on ne trouve aucun autre mélangeur HD dans cette tranche tarifaire. Certes, on n’obtient pas le professionnalisme d’un vrai pupitre, mais comme il existe de plus en plus de prestations low-cost qui ne nécessitent que des réalisations basiques et compactes, ce produit est en parfaite corrélation avec ce marché.

Avantages :
– Les tarifs imbattables même en achetant des accessoires
– Le nombre d’entrées/sorties très suffisant
– L’encodage H264 de la réalisation par le mélangeur
– La simplicité d’utilisation
– L’encombrement ridicule
– Le logiciel bien pensé
– Les fonctionnalités similaires à un « vrai mélangeur »
– La possibilité de piloter les Tally en option
– Le Chromakey live possible

Inconvénients :

– Pas de mélange des différents formats
– Pas d’indication de fonctionnement en façade ou de raccordement des sources
– Pas de streaming web (le fichier généré est fait pour être uploadé)
– Entrée audio numérique peu répandue
– Exigeant sur la qualité des liaisons HDMI
– Petite latence de traitement (pas rédhibitoire)
– Banque de média limitée aux images fixes.

Lien vers les specs : http://blackmagic-design.com/products/atem/techspecs/