CVP : une expérience « client » unique

CVP est une société historique dans la vente de matériels audiovisuels au Royaume-Uni. Il y a quelques années, elle a pris un virage stratégique important en se dédiant principalement aux matériels pour le cinéma. Depuis peu, CVP a ouvert un nouveau lieu, show-room, mais aussi lieu de test, de démonstration dans une maison « so british » au nord de Soho. Un entretien inspirant avec Jon Fry directeur commercial de CVP.
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Mediakwest : Quelle est l’histoire de la société CVP ?

Jon Fry : L’entreprise a été lancée il y a plus de trente ans par un couple de Britanniques, Phil et Alison Baxter. Phil était caméraman, et il possédait son propre équipement ; mais lorsqu’il travaillait pour des clients qui fournissaient le matériel, il louait son équipement à d’autres, et c’est Alison qui s’occupait de ces locations pendant qu’il était en tournage.

Phil avait un excellent sens des affaires, et il s’est rapidement aperçu qu’il gagnait plus d’argent en louant du matériel qu’en travaillant comme caméraman. Il a également compris qu’il était important de suivre les évolutions technologiques, et il vendait donc ses anciens appareils pour en acheter de nouveaux. C’est ainsi que, de fil en aiguille, il est devenu revendeur. C’était il y a trente ans et le marché de l’équipement audiovisuel était encore très dynamique, avec des marges appréciables.

Plus tard, Phil a été l’un des premiers au Royaume-Uni, voire en Europe, à remarquer que la vente en ligne était encore très peu active dans ce secteur : il a ainsi lancé une plate-forme en ligne où les clients pouvaient à la fois s’informer et acheter. C’était au tout début des années 2000, et il a rencontré un grand succès. Il était très doué pour la vente en ligne, mais une de ses plus grandes difficultés était d’atteindre une clientèle plus institutionnelle, comme les grandes chaînes et les acteurs de la location.

Il y avait à l’époque un autre revendeur, Mitcorp, basé à Brentford, dont les volumes de ventes étaient bien plus importants, et Phil a pris une décision assez audacieuse en achetant Mitcorp. Les deux entreprises avaient des cultures et des styles très différents et Phil a su combiner leurs atouts avec beaucoup de finesse. Mitcorp est ainsi devenue Creative Video Productions, puis CVP. C’était il y a treize ou quatorze ans, je pense, et CVP existe donc sous sa forme actuelle depuis cette époque.

Phil nous a quittés très soudainement, il y a six ans ; Alison est devenue l’unique actionnaire et a réussi à maintenir la cohésion de CVP pendant les années qui ont suivi. Elle n’avait cependant pas besoin d’être très impliquée dans le quotidien de l’entreprise, car Phil avait mis en place une excellente équipe d’encadrement, dont les cinq membres clés (Mark Forth, Jon Fry, Mansukh Kerai, Darren Simpson et Yevgeny Subbotin) qui ont réalisé un MBO en décembre 2017.

Une fois aux rênes de CVP, nous nous sommes efforcés de développer l’entreprise, sans objectif autre que de continuer d’améliorer nos services. Nous étions déjà l’un des plus grands revendeurs en Europe, mais il y a toujours moyen de faire mieux !

Aujourd’hui, CVP compte 125 employés au Royaume-Uni, répartis sur six sites (deux à Londres, un dans la banlieue ouest de Londres, qui est notre centre logistique, un dans les Midlands qui était auparavant le siège, un dans la MediaCity de Manchester, et un à Glasgow, dans l’immeuble de BBC Scotland). Nous sommes donc présents dans tous les grands centres média du pays.

Le cœur de notre activité, c’est la vente : nous proposons 50 000 références de 700 fabricants. Nous avons une trentaine d’employés responsables de la plate-forme de vente en ligne, que ce soit pour la gestion de notre portefeuille de produits, la facilitation des transactions, ou même l’apport d’une valeur ajoutée pour les produits que nous vendons, par exemple en créant des contenus sur mesure et en étant présents sur les médias sociaux. Au lieu de copier-coller les descriptions fournies par les fabricants, nous n’hésitons pas à y ajouter notre opinion, ce qui renforce notre crédibilité.

Grâce à nos vidéos, qui s’accompagnent parfois d’un « making of », les clients peuvent mieux voir comment fonctionnent les produits. Pour l’instant, il n’y a pas d’organisation très stricte pour ce qui est de produire ces contenus, et c’est d’ailleurs un de mes objectifs pour 2019 que de renforcer la structure et la stratégie de notre activité marketing. Pour ce qui est des ventes, nous avons 22 commerciaux qui connaissent à la fois les besoins techniques de nos clients, mais également leurs besoins commerciaux, car cela nous aide à mieux les orienter.

 

 

M : Quelle région du monde représente la plus grande part de votre clientèle ?

J. F. : Nous faisons 80 % de notre chiffre d’affaires avec des clients britanniques. Nous sommes une entreprise mondiale de par la nature même de la vente en ligne, et au fil des ans nous avons noué des liens avec de nombreuses entreprises internationales, mais c’est tout de même sur le Royaume-Uni que nous concentrons nos efforts, parce que c’est là que nous pouvons apporter la meilleure valeur ajoutée.

Cette valeur ajoutée ne tient pas uniquement à l’importance de notre stock disponible immédiatement – même si c’est un facteur extrêmement important dans un secteur qui fonctionne souvent en flux tendu –, mais également à l’assistance que nous apportons pour les produits de nombreux fabricants. Nous n’avons pas moins de douze ingénieurs à temps plein, ce qui est énorme pour un revendeur. Par exemple, CVP est le prestataire officiel pour les produits Red au Royaume-Uni et dans une bonne partie de l’Europe. Nous offrons également des services de transport et de prêt de matériel en cas de panne, ce qui fait également partie de notre valeur ajoutée.

En amont des ventes, nous avons quatre conseillers techniques dont le rôle est, non pas de vendre du matériel, mais de conseiller les clients potentiels en fonction de leurs besoins : un client peut nous dire « voici mon projet, voici les images que je cherche à créer », et nous traduisons cela en une solution technologique qu’il pourra tester afin de prendre une décision en toute connaissance de cause. Nos ingénieurs sont experts, tant du point de vue technique que créatif, et le service que nous offrons est sans pareil au Royaume-Uni, si ce n’est dans toute l’Europe.

Voilà pourquoi nous avons créé l’installation dans laquelle nous nous trouvons maintenant, qui correspond à une demande de nos clients. En fait, ce sont nos conseillers techniques qui ont créé ce site, à partir de la somme des questions qu’ils ont entendues au fil des ans ! C’est une vitrine technologique, bien sûr, mais c’est surtout une vitrine pour le talent des experts de CVP.

 

 

M : Nous sommes dans un nouveau site, un show-room d’un nouveau genre ; à quand remonte la création de ce lieu ?

J. F. : À novembre dernier [2018], mais cela fait très longtemps que nous y travaillons. Nous voulions surtout nous assurer d’offrir un lieu unique à nos clients. De nos jours, les gens ont tendance à faire leur shopping devant leur ordinateur, et il leur faut une très bonne raison pour sortir de chez eux ; beaucoup de magasins n’ont pas compris cela, et ce que CVP propose n’est justement pas un magasin, mais bien une expérience. Pas de présentoirs, pas d’étiquettes de prix, mais plutôt des occasions de tester le matériel. Comme un salon professionnel permanent, si l’on veut.

En ce qui concerne CVP de manière générale, nous nous sommes énormément développés au fil des ans. Je suis arrivé il y a neuf ans, et le chiffre d’affaires était à l’époque de 25 millions de livres par an ; l’an dernier ce chiffre s’élevait à 85 millions de livres, et nous devrions atteindre 100 millions pour l’exercice 2018, qui se termine en mai 2019. Nous sommes actifs dans différents marchés verticaux, le plus important étant celui de l’équipement haut de gamme pour le cinéma.

Notre cœur de métier était auparavant le broadcast, mais nous avons fait la transition vers le cinéma au cours des sept ou huit dernières années, notamment lorsque nous avons remarqué que nos clients les plus importants sont de grands loueurs de matériel qui ont eux-mêmes fait cette même transition.

Comme je l’ai dit, CVP est le revendeur exclusif pour Red au Royaume-Uni, mais également pour Angénieux, et nous avons une quasi-exclusivité sur les produits Arri. Nous avons réussi à nous créer une niche et à proposer un excellent niveau de service dans ce marché, notamment pour les loueurs, à qui nos stocks importants permettent d’être très réactifs ; de plus, grâce à nos équipes d’ingénieurs et de techniciens, nous pouvons réparer l’équipement très rapidement sans nécessiter un long aller-retour chez le fabricant.

 

 

M : Envisagez-vous de vous étendre à d’autres pays d’Europe, par exemple en offrant des versions de votre site web dans d’autres langues ?

J. F. : C’est une question brûlante, avec le Brexit à l’horizon ! Je n’ai pas de projets précis à l’heure actuelle, mais cela fait dix ans que nous affichons une forte croissance au Royaume-Uni et le marché britannique s’est montré très viable pour nous jusqu’à présent. Si nous devions nous tourner vers le reste de l’Europe, voire du monde, il faudrait que ce soit pour les bonnes raisons, par exemple une lacune dans le marché existant que nous pourrions combler en offrant des solutions inédites.

Il n’y a aucune raison d’ouvrir une filiale à Paris, par exemple, si nous proposons un service que des acteurs français proposent déjà depuis longtemps. Pour qu’une opération de ce type réussisse, c’est à la valeur ajoutée de CVP que nous devrons faire traverser la Manche, car c’est elle qui fait notre force. Donc j’ai toujours en tête la possibilité d’un élargissement géographique de notre activité, mais pas de plans précis. Un jour, qui sait ?

 

 

M : Pouvez-vous nous présenter le lieu ?

J. F. : Ici nous sommes donc dans le « studio Canon » : tous les objectifs et caméras que vous voyez, ce sont des Canon. Lors de nos discussions avec le constructeur, ils nous ont indiqué qu’ils souhaitaient disposer d’un espace dédié à leurs solutions professionnelles complètes, où les clients pourraient se rendre en plein Londres pour tester les produits Canon. Les clients peuvent entrer à tout moment, sans rendez-vous, pour tester tel ou tel matériel, et nous organisons une démonstration. Et tous les appareils qu’ils pourront tester sont des appareils que nous proposons à la vente, du simple EOS R à la caméra C700. Surtout, ce que nous proposons, et que Canon ne propose pas, c’est la création d’une solution complète basée sur leurs produits, qui pourra être utilisée dans toute une série d’applications et qui ne demandera pas des heures de montage puis de démontage sur le terrain.

À l’étage c’est la même chose pour les produits Sony, à ceci près qu’il n’y a pas que des objectifs Sony : nous proposons généralement l’objectif que nous jugeons le plus adapté à une caméra donnée. Nous avons une variété de matériel, du petit RX0 aux grands modèles professionnels. Nous encourageons bien sûr les fabricants à venir ici avec leurs propres clients, ou à nous envoyer des clients : vous allez peut-être me trouver présomptueux, mais les conseillers techniques de CVP ont parfois une meilleure connaissance de certains produits que les constructeurs eux-mêmes ! Sony peut donc nous envoyer des clients l’esprit tranquille, car ils savent que nous leur donnerons des conseils pertinents.

 

 

M : Nous montons un étage de plus !

J. F. : Nous venons de voir des espaces consacrés à Canon et à Sony, et dans celui-ci nous présentons des produits de fabricants divers : Arri, Red, VariCam, etc., pour les clients qui souhaitent réaliser des tests ou qui cherchent des alternatives à leurs marques traditionnelles.

Le seul fabricant qui soit particulièrement mis en valeur dans cette pièce est Zeiss, qui souhaitait qu’un mur entier soit consacré à ses objectifs. Zeiss peut ainsi dire à ses clients : « si vous voulez essayer nos objectifs, allez chez CVP, ils ont tout notre catalogue à votre disposition. » Ici, nous avons toute une série de moniteurs reliés à différentes caméras ; c’est une réponse à une demande que beaucoup de clients nous font : comment est tel moniteur par rapport à tel autre ?

Comme je l’ai évoqué, nous encourageons les clients à filmer avec les caméras qu’ils testent : ainsi, à la fin de leur visite, nous arrivons dans cette pièce où ils peuvent monter et étalonner leurs rushes. C’est à ce moment-là qu’ils peuvent voir si le résultat correspond à leurs attentes.

Nous n’avons que des stations de travail Blackmagic, mais elles permettent de répondre parfaitement à ce besoin et nous sommes le seul site de démonstration à offrir cette possibilité : vous pouvez entrer chez nous avec une idée, et nous travaillerons avec vous pour créer quelque chose qui correspondra à ce que vous souhaitez, du tournage entre vos mains jusqu’à la projection dans notre petite salle équipée d’un écran 4K HDR.

 

 

M : Et la vente est à quel moment ?

J. F. : S’ils sont séduits par une certaine solution et décident de l’acquérir, alors nous pouvons leur présenter un vendeur. Mais ce que nous ne voulons absolument pas, c’est que le client passe le pas de notre porte et soit immédiatement accueilli par un « alors, qu’est-ce que vous voulez acheter ? » Nous avons également ici un banc d’essai de caméras, qui nous permet de mesurer précisément les caractéristiques techniques de chaque caméra en vue de créer des solutions plus complexes.

Personne d’autre ne propose cela en plein cœur de Londres, et cette installation permet de répondre à la plupart des besoins d’analyse. Pour les clients encore plus exigeants, il faut aller jusqu’à Brentford, dans la banlieue ouest, où nous disposons d’une installation bien plus importante en termes à la fois de personnel et d’équipement.

Voilà, nous avons vu la dernière pièce du puzzle ! Le seul espace dont nous n’avons pas encore parlé, c’est le hall d’accueil, qui sert souvent d’espace pour l’organisation d’évènements : formations, démonstrations, networking, etc. Nous apportons alors notre valeur ajoutée sous la forme d’une nouvelle rencontre, d’une nouvelle information, ou de la découverte d’un nouveau matériel. La semaine prochaine nous accueillons par exemple REDucation, une formation de trois jours pour dix participants pour laquelle cet environnement est particulièrement adapté.

 

 

M : Nous quittons le show-room et à 300 mètres un autre lieu est dédié à Arri

J. F. : Ce lieu, c’est vraiment le look Arri. Mais notre intention en construisant ce bâtiment n’était pas d’en faire un lieu de démonstration, même s’il joue ce rôle à merveille, un peu comme les installations créatives d’Arri à Munich. Le plus important pour nous, c’était surtout l’espace : nos clients peuvent disposer d’un lieu très grand, à Londres même, pour une réunion de production, un conseil d’administration, une animation, une démonstration, une projection, ou tout autre évènement.

Nous ne faisons pas payer l’utilisation du lieu, et encourageons même nos clients à en profiter afin de faire résonner les marques que nous représentons. Cela nous garantit également une place au cœur du secteur de l’audiovisuel, et nous sommes ainsi toujours au courant des dernières tendances et nouveautés. Plus nous sommes proches des clients, mieux nous pouvons répondre à leurs besoins.

 

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #31, p.64/66. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.


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