Dans le cadre d’un sujet d’actu ou d’une vidéo de reportage effectuée avec un caméscope, l’idéal est de revenir du tournage avec, d’un côté, un grand nombre de sons d’ambiance exploitables qui, aux côtés de la musique et du commentaire éventuel, serviront à l’illustration, et, d’un autre, un son précis capté en proximité pour les interviews, déclarations ou témoignages.
Pour satisfaire cette demande, la méthode que les JRI appliquent quotidiennement depuis des années consiste à recueillir sur une piste le signal mono fourni par le micro caméra connecté en permanence tandis que l’autre piste servira, en l’absence d’un preneur de son, à enregistrer le son du micro cravate ou main utilisé pour les interviews. Autant le dire d’entrée de jeu, difficile aujourd’hui de reproduire ces habitudes de travail avec un smartphone même si, après l’ère du fil à souder et de la débrouille, on commence à trouver ici ou là un ensemble de produits qui répondent au moins en partie à ce cahier des charges.
Après, reste le choix de la plate-forme : iOS ou Android, sachant que l’environnement Apple, grâce à sa conception unifiée (OS et matériel), reste plus simple à appréhender et demeure encore la plate-forme plébiscitée par les pros. Bien sûr, il existe de nombreux modèles fonctionnant sous Android particulièrement bien dotés sur le plan optique et vidéo, mais dont le fonctionnement une fois équipé de l’interface audio et de l’app vidéo ne sera pas forcément satisfaisant, rappelant un peu les premières heures de l’audio sur PC sous Windows. C’est pourquoi nous détaillons plus l’aspect iOS, ci-dessous, mais sans pour autant ignorer le monde Android pas inintéressant en soi, mais autrement plus complexe de par le nombre de variables qu’il induit…
Enregistrer le son sur un support séparé
Reprenant la méthode utilisée au cinéma et dans certains documentaires, la solution radicale consiste à utiliser un enregistreur dédié plus ou moins sophistiqué pour le son, quitte à faire appel à un ingénieur du son pour s’occuper de l’ensemble. Évidemment, l’approche est efficace puisqu’on contourne le problème, mais elle suppose de devoir ensuite synchroniser les rushes image et son au montage, une pratique qui suppose du temps, des moyens et un savoir-faire supplémentaire.
Pour minimiser cette complexité, Sennheiser propose le Memory Mic, une solution tout-en-un conçue pour le Mobile Jurnalist. Elle comprend un microphone enregistreur que l’on peut clipper sur l’intervenant doublé de Memory Mix, une app iOS et Android qui permet après le tournage de transférer la piste son de l’interview via Bluetooth et de la synchroniser automatiquement sur le fichier vidéo enregistré dans le smartphone grâce à une technologie basée sur la comparaison des deux formes d’ondes. Le produit est intéressant, mais suppose d’accepter de voir apparaître dans l’image le boîtier blanc du MemoryMic, moins discret qu’un micro cravate et il exclut bien sûr les situations de direct.
La jungle des adaptateurs
Sur les premiers smartphones, la prise casque qui dissimule une entrée micro conçue initialement pour y connecter un micro casque permet de connecter un microphone externe grâce à l’utilisation d’un jack 3,5 mm, dit TRRS à quatre points, avec parfois des problèmes de normalisation quant au câblage…
Pour activer l’écoute casque pendant le tournage, beaucoup utilisent sur iOS l’application iRig Recorder de l’italien IK Multimedia uniquement pour d’activer cette fonction dans les iPhone. Mais aujourd’hui, tant du côté smartphone iOS qu’Android, la tendance est la disparition de ce port casque au profit de l’interface Lightning chez Apple et USB-C pour le reste du marché.
Sans entrer dans les détails de conception extrêmement complexes et un brin opaques du connecteur Lightning à huit contacts dont les fonctions peuvent être dynamiquement attribuées, on retiendra qu’à partir de l’iPhone 7, le son provenant de l’extérieur devra être préalablement converti en numérique avant d’entrer dans l’iPhone. Pour ce faire, on peut tenter de passer par le convertisseur casque/Lightning désormais fourni avec les smartphones Apple et qui pour une dizaine d’euros propose une puce DAC (Digital Audio Convertor) que l’on connectera alors à un microphone ou à un boîtier doté d’une sortie minijack.
Là non plus, l’adaptateur ne s’interface pas directement sur un simple connecteur stéréo TRS, mais avec un modèle à quatre contacts de type TRRS (Tip/Ring/Ring/Sleeve). Impossible donc d’y connecter directement en minijack un microphone ou même un récepteur HF. On peut alors tenter d’adapter le câblage, en passant par un adaptateur minijack/TRRS comme Røde en propose, mais, en l’absence de normalisation, certains produits fonctionnent, d’autres se montrent instables, d’autres ne fonctionnent pas du tout…
Certains utilisateurs recommandent plutôt de passer l’audio via USB en utilisant le convertisseur Lightning vers USB (Apple Camera Kit) couplé à un convertisseur USB vers audio. Le résultat se montre plus convaincant, mais le test en grandeur nature s’impose, sans parler des risques de déconnexions intempestives que cette cascade d’adaptateurs risque de provoquer… Bref, même sans parler de broadcast, on est loin de satisfaire aux exigences d’une utilisation professionnelle…
Microphones Lightning
L’autre solution consiste à faire appel à un produit intégrant la conversion numérique et une sortie USB-C ou Lightning. Sur ce créneau, on trouve quelques microphones comme le Shure MV88, un modèle M-S, Lightning, orientable, à directivité variable allant de mono cardioïde à stéréo ou encore la version MV88+ Video nativement USB-C, mais livré ici dans un kit intégrant un câble de conversion Lightning, le MV88+, un trépied PIXI Manfrotto, un support pour smartphone et une pince micro.
Zoom, le spécialiste de l’enregistreur audio bon marché n’est pas en reste avec son micro iQ6, une version Lightning du micro stéréo X-Y équipant le célèbre enregistreur de poing Zoom H4n. Røde de son côté propose le micro stéréo iX-Y, le canon court VideoMic Me-L ou encore l’interface « plug-on » i-XLR qui permet d’utiliser un micro main (dynamique ou à électret alimenté par pile) qui se trouvera ainsi relié au smartphone via un long câble Lightning.
Avec un concept proche, l’interface iRig Pre HD de l’italien IK Multimedia n’est pas de type plug-on mais comprend également un préampli XLR complet doté cette fois du 48 V, d’un indicateur de niveau, d’une sortie casque avec molette de niveau et d’un connecteur Micro-USB exploitable, comme chez Shure, avec le câble convertisseur Lightning fourni.
Toujours chez IK Multimedia, on trouve le micro stéréo iRig Field, mais aussi des micros caméra intégrant une sortie casque comme les iRig Mic Vidéo et Mic Cast HD et surtout le micro main Irig Mic HD qui, dans sa version 2 intègre un réglage de niveau audio, un niveau casque et est livré avec un câble USB/Lightning d’un mètre cinquante.
De son côté, Sennheiser a lancé, en partenariat avec Apogee, le cravate filaire ClipMic avec interface Lightning tandis que Saramonic propose le LavMic Di, autre cravate filaire avec interface Lightning. Plutôt conçus pour les journalistes occasionnels, podcasteurs, youtubeurs ou musiciens, ces produits reprennent finalement le concept du microphone USB très répandu dans l’univers du podcast adapté ici au smartphone, mais aucune de ces solutions n’a été véritablement conçue pour combler spécifiquement tous les besoins de la prise de son à l’image moderne.
Deux canaux ?
Si l’on souhaite disposer de deux entrées, comme sur un caméscope pro, l’offre disponible se réduit. L’australien Røde propose l’interface SC6-L effectivement capable de traiter deux microphones au format minijack TRSS et de les convertir au format Lightning en 24 bit 44,1/48 kHz. En outre, l’app iOS Røde Reporter donne la possibilité d’augmenter le gain ou encore de séparer les deux canaux et même d’écouter le son entrant au casque.
Conçu avant tout pour recevoir deux micros cravates filaires au format TRSS, on voit plus difficilement cet ensemble accroché à un rig stabilisé dans le cadre d’un reportage en Mojo où les interviews peuvent s’effectuer en mouvement. D’ailleurs, le SC6-L est proposé par Røde dans le pack Mobile Kit qui comprend les deux micros cravates filaires omnidirectionnels smartLav+, mais rien n’est prévu pour connecter un micro caméra comme le VideoMicMe ou un kit sans fil comme le NewsShooter ou le FilmMaker qui sont pourtant des produits maison…
Une autre optique serait de détourner l’interface deux canaux XLR IK Multimedia Irig Pro Duo du home-studio pour lequel elle a été conçue, mais au risque de se retrouver avec des soucis de fiabilité dans le cadre d’une utilisation mobile en extérieur…
Finalement, la meilleure solution pourrait venir du fabricant chinois Saramonic dont le rayon Smartphone Audio Interfaces s’étoffe de jour en jour. On y trouve notamment l’interface Lightning SmartRig+Di qui propose deux préamplis XLR avec réglage du gain, alimentation 48 V, connectique combo Jack/XLR ou minijack standard.
Avec ce type de connecteur, on peut envisager d’utiliser un grand choix de microphones, de récepteurs HF sans oublier la sortie casque qui permet d’écouter le signal direct ou le retour du smartphone. Par contre, lorsque l’on y regarde de plus près, on constate qu’il n’y a pas d’indicateur de niveau, que l’alimentation via pile 9 V montre une autonomie limitée à 4 heures et on peut craindre que les 25 dB de gain annoncés (contre au moins 55 dB sur un caméscope) ne conviendront sans doute pas à toutes les situations.
D’autre part, la sortie casque ne possède pas de réglage de niveau et le boîtier, de par sa forme, semble conçu, là aussi, plus pour le home-studio que pour une utilisation en extérieur. C’est malgré tout cette interface protégée dans boîtier étanche qui a été choisie par ViaMatélé pour équiper leur rig dont l’ingénierie a été réalisée en interne.
Plus récemment, le chinois Saramonic, décidément proactif sur ce créneau, a complété sa gamme HF avec l’étonnant SP RX9, un produit à la fois récepteur, support pour smartphone capable de recueillir également le signal de microphones à fil. Alors, la solution de rêve ? Vous en saurez plus en lisant notre essai inclus dans le numéro 3 du magazine papier Moovee.
Les produits 2,4 GHz à la rescousse
Parallèlement aux liaisons HF classiques, sont apparues en entrée de gamme des liaisons sans fil numériques exploitant la plage de fréquences 2,4 GHz de la wi-fi. Moins onéreux et à la fois plus compacts, plus légers et plus simples à utiliser que les liaisons UHF traditionnelles, ces produits sont majoritairement conçus pour le DSLR, mais avec un convertisseur Lightning ou USB-C comme ceux évoqués plus haut, pourquoi pas ?
Sur ce créneau, Røde propose le VideoLink (FilmMaker et NewsShooter Kit), mais aussi le très compact Wireless Go testé dans nos colonnes. Plus ancien, le System 10 Camera d’Audio-Technica est présent sur le rig de ViaMatélé. Chez Sennheiser, on pourra se tourner vers la toute nouvelle série XSW-D où l’on trouve entre autres un émetteur plug-on pour micro main, un émetteur ceinture pour micro cravate et un récepteur particulièrement compact et léger.
Plus adapté au smartphone, Saramonic de son côté présente, dans la gamme Blink 500, des packs que l’on peut constituer autour des récepteurs doubles canaux RX Di (interface lightning) et RX UC (interface USB-C) ou RX (sortie analogique). Alternativement, l’américain Samson propose également un double récepteur 2,4 GHz baptisé Go Mic Mobile présenté cette fois sous forme de support pour smartphone disponible en pack avec émetteur main ou ceinture. Malheureusement, ce produit prometteur sur le papier se trouve difficilement en France et les critiques concernant la qualité audio et la fiabilité de la transmission sans fil sont loin d’être encourageantes…
Un marché de niche et des cycles de vie courts
Au final, quelques produits permettront ponctuellement d’améliorer les prises de son au smartphone, mais il manque encore une gamme d’accessoires répondant vraiment aux besoins spécifiques de la prise de son à l’image pour le Mojo dans toutes les situations.
Pour les fabricants, le défi n’est pas si simple. L’environnement technologique autour du smartphone évolue sans cesse et se caractérise par des cycles de vie extrêmement courts que la firme de Cupertino orchestre en imposant des changements de standard successifs. Ajoutons à cela un culte du secret légendaire qui ne donne que peu de visibilité aux constructeurs, et l’on comprend mieux le manque de périphériques audio spécifiquement adaptés à ce marché de niche.
Rappelons qu’Apple est passé en quelques années du connecteur Dock 30 broches à la fiche Lightning, abandonnant au passage le port audio. D’autre part, il n’est pas impossible que le standard USB-C adopté sur les derniers iPad Pro ne se généralise pas un jour sur une prochaine génération d’iPhone, de quoi rendre les fabricants d’accessoires audio un brin frileux…
Que valent les microphones de l’iPhone ?
Si les premiers téléphones proposés par Apple étaient plutôt basiques en matière d’audio, l’iPhone est devenu, au fil des générations, bien plus sophistiqué qu’il n’en a l’air. Ainsi, tous les iPhone conçus depuis le 6S sont équipés au total de quatre micros. Plus précisément, le premier se trouve sur la face arrière entre le True Tone flash et la caméra, les deux autres sont situés en bas, de part et d’autre du port Lightning, et le quatrième est caché à proximité du haut-parleur avant situé près de la caméra faciale dédiée à Face ID et aux selfies.
Ces microphones d’un genre particulier, que l’on appelle des Mems (MicroElectrical-Mechanical System ou encore Silicon Mic), sont en fait des micros miniaturisés soudés sur une puce qui comporte généralement un préampli miniature. Sans rivaliser avec le rendu d’un « vrai » microphone associé à un « vrai » préampli, leurs performances, en termes de rapport signal/bruit, progressent d’année en année.
Plus intéressant, en creusant un peu la question, on apprend qu’en fonction des situations, ces capteurs sont utilisés sur les iPhone dans le cadre d’un système de réduction de bruit actif. Sans rivaliser avec les performances d’un cerveau relié à une paire d’oreilles, cette technologie permet d’augmenter l’intelligibilité en privilégiant le son direct provenant de la source et en réduisant le son ambiant.
Le résultat n’équivaut en rien à celui d’un vrai micro convenablement orienté et placé à proximité de la source, mais il peut cependant se montrer supérieur aux micros internes d’un petit dictaphone, d’un ordinateur portable ou d’un appareil photo. Bref, de quoi dépanner pour capter au débotté une réunion ou une conférence, mais ces performances restent insuffisantes pour prétendre ramener un son exploitable dans le cadre d’un institutionnel ou d’un reportage…