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Le style Dourlen… jusqu’au Groenland !

François Dourlen va coréaliser les films des expéditions scientifiques et pédagogiques Greenlandia, au Groenland.
Le style Dourlen… jusqu’au Groenland ! © DRLe style Dourlen… jusqu’au Groenland ! © DR

 

Premier prix du concours de « médiaman embarqué » sur les voiliers de course du Vendée Globe lors du défi Azimut 2020, François Dourlen est une personnalité emblématique sur les réseaux sociaux (275 000 abonnés sur Facebook et Instagram, plus de 105 000 vues sur YouTube), cet ancien professeur d’histoire-géographie sera derrière la caméra pour la société de production Nolita Cinéma 2021. Il retrace son parcours, partage avec nous son retour d’expérience et nous présente Greenlandia.

 

Moovee : Pouvez-vous nous résumer votre parcours ?

François Dourlen : Il est assez atypique… Je me suis mis à faire des photos en 2013 et j’étais professeur d’Histoire-géo et de français dans un lycée professionnel jusqu’en septembre dernier. J’ai continué à enseigner et je faisais de la photo sur mes vacances, week-ends et jours fériés… Jusqu’à ce que je doive choisir entre ces deux activités car je n’arrivais plus à faire les deux choses en même temps. Mes photos ont été remarquées dès 2013 et très rapidement, elles m’ont permis de travailler pour Disney, Marvel, Netflix, Canal+…

 

Comment vous êtes-vous fait repérer ?

C’est tout simple, j’ai mis une photo sur Internet et Lauren Provost, journaliste du Huffington Post qui est aujourd’hui rédactrice en chef, a fait un article avec quelques-unes de mes photos. J’avais dû faire trois ou quatre montages assez drôles et dans la foulée, j’ai été contacté par Apple, M6… J’ai eu de la chance puisqu’après, j’ai eu un article dans TV Magazine, dans Hollywood Reporter, Rolling Stone !

 

À quoi ressemblaient ces photos ?

Je fais des montages avec un iPhone où je fais passer des éléments de pop culture dans la réalité, dans la vie de tous les jours. Au départ, j’avais mis l’œil de Sauron du Seigneur des Anneaux sur un phare qui est près du lieu où j’habite, à Cherbourg. J’avais placé un poney sous la statue de Napoléon et une danseuse de pole dance sur une barre du métro. J’ai dû faire quatre ou cinq photos et cela s’est propagé comme une traînée de poudre puisque ces images ont fait le tour du monde en trente-six ou quarante-huit heures. Je me suis retrouvé très sollicité après. Je fais toujours ce genre de photos car cela m’amuse, mais pour moi, ce n’est pas artistique. Je me suis mis aussi à la vidéo et comme je suis musicien à la base, ce que j’aime faire c’est tourner des films et les monter en rythme.

 

Quand avez-vous commencé à faire de la vidéo ?

Il y a un peu plus de deux ans lorsque je suis parti en vacances à Cuba avec ma conjointe. Comme elle est tombée enceinte juste avant le voyage et qu’il faisait assez chaud sur place, elle devait se reposer, je me suis donc retrouvé tout seul tous les après-midis quand elle faisait la sieste ! J’ai pris un appareil photo hybride et je suis allé filmer dans les rues. Une fois rentré à Cherbourg, j’ai fait le montage et l’ai mis en ligne. Deux jours après, en faisant mes courses, j’ai reçu un appel du ministère de Tourisme de Cuba. Ils avaient vu le film et l’avaient adoré. Ils m’ont demandé s’ils pouvaient l’utiliser pour faire la promo officielle de l’île. Suite à cela, un article est paru dans Le Parisien et Maïténa Biraben m’a appelé pour passer dans son émission de télévision. Au départ j’avais juste posté la vidéo sur Facebook, je ne l’avais même pas mis sur mon compte Instagram et la même histoire qu’avec les photos s’est répétée : le monde voulait un film comme celui de Cuba !

De fil en aiguille, j’ai fait un film intitulé Unique par Nature pour ma région, le Cotentin dans le nord de la Manche. J’ai mis ce film en ligne, et comme pour les photos, il a cumulé des centaines de milliers de vues. Maxime Delauney, producteur de Nolita Cinéma, qui a vu ce film l’a adoré et m’a donc proposé de travailler sur des projets de documentaire… Pour la dernière vidéo personnelle que j’ai faite, l’été dernier, j’ai suivi des pêcheurs en mer et j’ai mis le montage en ligne sur LinkedIn. L’ancien caméraman des expéditions Tara pour Jean-Louis Etienne m’a alors repéré et m’a contacté pour me proposer de travailler pour Greenlandia… Un nouvelle fois, Internet a été un vecteur de magie et d’opportunités exceptionnel pour moi !

 

Votre site Internet décline votre travail créatif dans quatre rubriques : mer, terre, air et cuisines…

Oui ! Cela me résume bien. Je suis marin et je fais du bateau depuis l’enfance. Pourquoi ne pas allier mes deux passions : la mer et les images ? Je me suis essayé à faire des vidéos petit à petit en filmant une régate à Cherbourg. J’ai filmé le départ du Vendée Globe il n’y a pas longtemps pour le compte de la course. Les organisateurs voulaient « une vidéo Dourlen » ! J’ai aussi réalisé beaucoup de vidéos de cuisine dernièrement et j’ai beaucoup aimé. C’est très vidéogénique, ça glisse, tout le monde crie, il fait chaud… Un peu comme dans une scène de guerre !

 

Quand on dit qu’on veut du Dourlen, cela représente quoi selon vous ?

Je crois que cela est en relation avec mon amour de la musique. J’ai beaucoup fait de la musique assistée par ordinateur, j’ai même fait un CD tout seul et un producteur m’a contacté. En faisant de la vidéo, j’ai retrouvé le plaisir du montage piste par piste, avec les instruments. Je pense que mon style réside dans le choix des images et de la musique sur les images. Je fais mes montages avec un métronome pour que les images tombent sur les temps forts.

Par exemple, à un moment dans un de mes films, une grosse vague arrive. J’ai demandé à un ami qui composait la musique du film, de mettre une basse parce que je savais que cela allait faire naître une émotion. Je pense vraiment que c’est ce « matchage » image/musique qui fait le style Dourlen !

 

Quel type de matériel utilisez-vous pour les prises de vues ?

Je garde le même matériel avec lequel j’ai commencé : 99 % de mes plans viennent d’un appareil grand public Sony Alpha 7 III. Je n’ai pas envie de changer car j’ai acheté pleins d’objectifs et cela m’arrive de réutiliser des rushes que j’ai tourné il y a deux ans. Je ne travaille pas avec des caméras car j’aime le côté compact de l’appareil qui me permet d’avoir toujours ma caméra sur moi. Quand je vois quelque chose de beau, je peux le filmer spontanément !

 

Prenez-vous toutes vos optiques avec vous ? Est-ce que vous prenez le risque de manquer de matériel ?

Aujourd’hui, nous pouvons mettre un studio de production dans un sac à dos et j’ai trouvé une configuration optimale avec plusieurs objectifs, deux batteries et un stabilisateur. J’ai aussi un drone… tout tient dans le sac et avec cela, je suis paré !

 

Vous avez envie de rester sur cette approche de tournage en solitaire ? Vous n’avez pas envie de passer à la vitesse supérieure au niveau de la taille de l’équipe et de la production ?

Je ne sais même pas si j’aurai les compétences pour diriger les gens ou même faire confiance et déléguer. En plus, en général, les gens me sollicitent pour mon œil, ma vision très personnelle… Ce qui représente une barrière supplémentaire pour embaucher un cadreur, un preneur de son ou un monteur.

 

Comment approchez-vous un projet ?

J’aime ne rien préparer ! C’est pour moi très important de découvrir avec la caméra, d’avoir un œil neuf et naïf. Je suis contre les repérages mais c’est à double tranchant : je peux me retrouver dans un endroit inintéressant ! Mais si nous filmons en même temps que nous découvrons nous retransmettons dans les images une découverte avec des yeux d’enfants. Lorsque je suis parti une semaine avec des marins pêcheurs, je n’avais jamais fait cela de ma vie et je suis certain d’avoir retransmis les émotions de la découverte.

 

En postproduction, est-ce que vous faites de l’étalonnage ?

Oui. Je me suis mis à filmer en désaturé. J’avais essayé il y a deux ans mais je n’étais pas encore assez bon. Là je m’y suis remis, je me suis amélioré. Je découvre encore. Je me rends compte que j’étalonne et je cloisonne les différents styles. C’est pour cela que j’ai mis quatre rubriques sur mon site.

 

Avec quel logiciel montez-vous et étalonnez-vous ?

Je fais tout sur Final Cut. J’ai un iMac pour les gros montages sinon je le fais sur un MacBook. Je n’aurais pas pu progresser aussi rapidement en montage vidéo sans Final Cut et sa facilité d’utilisation. Apple m’a accompagné dans mon développement sans pour autant avoir de contrat avec eux. J’ai un contrat avec Google mais pour les photos.

 

Vous êtes musicien. Quelle place à l’audio dans vos productions ?

Pour moi, cela représente 50 % du film ! Cela me désole car sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens visionnent les vidéos sans cliquer sur le son, c’est dommage. Il faut donc exagérer un peu sur les effets visuels pour retenir l’attention ! Mais mes films qui rencontrent le plus de succès ont une musique sur mesure.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet Greenlandia ?

Le projet Greenlandia a va se déployer pendant cinq ans au Groenland pour une étude scientifique et ethnologique. Le but est de repartir sur les traces du Commandant Charcot qui y a fait une expédition il y a cent ans. Cette expédition se veut documentaire et pédagogique. Vincent Hilaire, qui cherchait un réalisateur, est donc tombé sur ma vidéo sur LinkedIn et m’a proposé le projet. J’ai tout de suite accepté… Lorsque j’étais encore professeur d’Histoire, j’ai toujours fait étudier des documentaires à mes élèves. Produire des documentaires qu’ils étudieront me permet de boucler la boucle… C’est un magnifique projet !

 

Allez-vous repartir avec le même matériel que d’habitude ?

Tout à fait ! Nous irons dans des villages inuits et cela n’aurait pas de sens d’arriver avec une grosse caméra. Parfois je trompe les gens en leur demandant si je peux les prendre en photo avec mon appareil… Ils acceptent et en fait je les filme ! Ils attendent et c’est souvent dans ces situations que je capte les plus beaux sourires et regards. Avec une caméra, ce genre de captation ne passerait pas. Nous partirons de l’Islande en voilier pour le village d’Ittoqqortoormiit. Nous y rencontrerons les habitants et ensuite partirons dans les fjords pour le volet scientifique de l’expédition. Cela se passera un mois l’été tous les ans pendant cinq ans.

 

Avez-vous déjà envisagé la manière dont vous allez exploiter tout cela ?

Il y aura un ou plusieurs films documentaires. Je suis coréalisateur du film avec Sophie Rolland, une ancienne journaliste de Cash Investigations et d’Envoyé Spécial. Elle va s’occuper de la partie écriture… Cela devrait aller ! Je partirai avec un MacBook pour monter sur place au fil de l’eau et je pense que pour une fois, pour le premier voyage je serai beaucoup en observation, ne serait-ce que pour apprendre à savoir travailler dans le froid ! Nous ne savons pas encore si cela prendra la forme d’une série documentaire ou d’un seul film pour le cinéma, Netflix ou Amazon. Tout est ouvert. Je sais qu’il y a plusieurs producteurs très intéressés.

 

Avez-vous d’autres projets d’ici là ?

Je suis en train de travailler pour d’autres documentaires, un pour la télévision et un autre pour le streaming. Avec Nolita, cela fait des mois que nous écrivons. Je découvre de nouvelles formes de travailler… car je n’ai fait que des films de cinq minutes jusqu’à présent !

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #7, p.38/41. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.