L’INA Expert, comme son nom l’indique

Bruno Burtre est directeur délégué à l’Enseignement, à la Recherche et à la Formation depuis fin 2014. Membre du comité exécutif, il rapporte directement à la Présidence. Il a pour mission d'impulser la stratégie de sa direction dans le cadre défini du quatrième contrat d’objectifs et de moyens de l’Ina. Parmi ses missions, que la position de leader de l’INA en matière de formation professionnelle continue dans tous les métiers de l’audiovisuel, du numérique et du transmedia soit maintenue, mais aussi que soient renforcée l'activité d’expertise l'Ina et encouragé le développement de la recherche.
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Mediakwest : Depuis votre arrivée au sein de l’INA Expert, quels ont été vos chantiers prioritaires ?

Bruno Burtre : En arrivant au sein de l’INA, les premières missions étaient l’analyse de l’ensemble de ses contenus de formations, des demandes du marché et de s’assurer qu’il y avait bien une correspondance entre les deux. L’autre chantier, qui reste notre préoccupation permanente, est de continuer à investir dans les équipements techniques. L’INA Expert est le plus important centre de formation à l’audiovisuel en France, nous avons plus de 550 formations au catalogue et pour rester attractifs  il faut que nos  équipements soient les mêmes que ceux utilisés par les professionnels. Chaque année, nous dépensons 1 million d’euros dans le renouvellement de notre parc de matériels. Cela comprend, entre autres, l’achat de nouvelles caméras, de nouvelles consoles, de nouvelles licences logicielles, de différents périphériques et machines. À ce montant, il faut ajouter des budgets exceptionnels ; ainsi nous sommes actuellement en train de refaire un deuxième studio en HD avec un  budget de 700 000 euros sur deux ans.

Autre chantier stratégique et qui est chronophage, c’est le travail sur la certification ISO 9000. En effet, une nouvelle loi est passée, demandant aux organismes de formation un engagement plus important sur la qualité des contenus de formation. Nous nous inscrivons pleinement  dans cette démarche. Nous avons identifié le partenaire qui va nous accompagner et entamé ce processus de travail  qui va durer un an avant d’obtenir la certification.

 

MK : L’INA ne s’intéresse pas uniquement à la formation continue, mais aussi à la formation initiale, quels sont les liens entre la formation initiale et la formation continue ?

B. B. : La formation professionnelle continue a une certaine antériorité puisqu’elle fut mise en place en 1974 dès la création de l’INA. La formation initiale est plus jeune ; elle est ouverte depuis 2007. L’un des points communs, c’est tout d’abord les enseignants, qui sont souvent les mêmes, ainsi qu’une partie des équipements. Ce sont des conditions de travail exceptionnelles pour les étudiants de la formation initiale, qui bénéficient de matériels haut de gamme, les mêmes que ceux utilisés par les professionnels. De plus nous organisons régulièrement des travaux pédagogiques entre les sections initiales et continues. Récemment nous l’avons réalisé avec la section BTS Audiovisuel et des professionnels de la formation continue. Ils ont ainsi mis au point une émission de type Taratata, du live audio avec une réalisation multi-caméras pour mettre ces 23 étudiants-stagiaires dans de véritables conditions de direct.

Nous menons une étude auprès des prescripteurs-employeurs pour évaluer quelles sont leurs demandes en termes de formation pour les prochaines années. Les chaînes de télévision veulent des personnes formées à l’informatique, mais aussi à la vidéo, et nous sommes en train de concevoir une formation Bac + 5 qui pourra répondre à ces demandes. Cette formation se ferait avec un partenaire universitaire.

 

MK : S’il fallait faire un hit parade des formations, quelles sont celles qui sont le plus demandées ?

B. B. : Tout d’abord, l’analyse des demandes et des besoins des entreprises et des professionnels a montré qu’il est de plus en plus difficile de faire suivre aux salariés et aux intermittents des formations longues. La moyenne, désormais, se situe plutôt sur des durées de 5 à 10 jours, hormis les formations de reconversion à un métier. Nous avons donc développé des modules de quelques jours qui peuvent se faire les uns après les autres, soit dans une même année, en trois fois, soit en s’échelonnant sur une durée de deux ans. Après chaque module, les stagiaires passent une validation des acquis. Il y a une douzaine de parcours, et ces CICP (certificat Ina de compétences professionnelles) remportent un large succès. Concernant nos formations et parcours CICP, Les objectifs de ces CICP sont de permettre à chacun d’acquérir des compétences attestées par un certificat au cours de formations ou de parcours de formation et aussi d’apporter des réponses opérantes en termes de métiers, de fonctions, d’activités ou de problématiques spécifiques.

Je dirais que s’il fallait dresser un hit parade des formations, ce sont sur la première marche les formations sur les nouvelles écritures, le transmedia, le web journalisme. Les formations sur le multi-canal ont connu une progression de + 18 % ! Le profil des stagiaires qui sollicitent ces formations est celui de producteur, réalisateur, journaliste. Nous avons ainsi créé spécifiquement un module e-learning dont le thème est les nouveaux formats de narration interactive qui comprend une formation /conférence d’une heure et demie pour un public d’une cinquantaine de journalistes, afin de comprendre l’émergence et les évolutions des divers formats de narration interactive, d’explorer les formats longs et de dégager une synthèse de ce benchmark. Afin d’optimiser le temps de cette formation, nous avons rendu accessible, durant un mois à l’ensemble des participants, un module e-learning « Introduction aux nouvelles formes de narration : Comment le web et les nouvelles technologies ont bouleversé les narrations, qu’elles soient journalistiques, documentaires ou de fiction ? » Les spécificités de ce module ont été la durée de consultation en ligne de 45 min, des contenus multimédia : texte + vidéo introductive et conclusive, et un récapitulatif des notions importantes et quizz d’autoévaluation.

Sinon, les autres formations demandées sont celles autour des mutations de l’IP, des technologies de transmission, de distribution des contenus à l’heure de la dématérialisation et aussi celles liées à l’ingénierie, quelle soit de diffusion sonore ou de la vision.

Le catalogue 2015 a été enrichi de nombreuses formations autour de la gestion de production, des droits audiovisuels et de la production musicale. Nous sommes en veille permanente pour définir ce qu’il y a de plus pertinent comme contenu de formation ; pour cela nous interrogeons nos partenaires comme l’AFDAS, la FICAM, la CST mais nous avons également un retour du terrain. Nous avons quatre commerciaux qui rencontrent les sociétés pour avoir leur retour. Nous renouvelons notre catalogue de formation de 25 % chaque année, et il y a plus de 560 formations dans le catalogue 2015.

 

MK : Y a-t-il plus de demandes sur les formations techniques ?

B. B. : Les formations techniques représentent 2/3 du chiffre d’affaires mais, en termes de volume, nous avons autant de formations techniques que non techniques. La nouvelle loi sur la formation rend frileuses les entreprises. Nous nous apercevons que les demandes sont moins nombreuses sur le catalogue et que nous faisons de plus en plus de sur-mesure. Les entreprises veulent des modules très pointus, et nous sommes en mesure de les leur fournir, ce qui est très enrichissant.

 

MK : Est-ce que les formations s’exportent ?

B. B. : Il nous apparaît crucial de pouvoir proposer des formations en région. D’une part, pour des raisons de coût, certaines entreprises rechignent à envoyer leurs salariés en région parisienne. Il est difficile pour nous d’emmener tout le matériel en région, car nous sommes dans des conditions précaires d’installation. Nous avons donc choisi de nous associer avec un centre de formation en région, en l’occurrence l’Université de Toulon, qui dispose de moyens techniques et humains, ce qui simplifie grandement les choses et les coûts. Nous avons identifié, dans le catalogue de l’INA, 80 formations qui pourront ainsi être proposées en mode « délocalisé » en région. Les formations en région se sont montées en partenariat avec un partenaire local, TeloMedia, mais aussi avec le soutien de l’Afdas régional. Après cette première expérience qui permet de couvrir tout le bassin PACA, nous étudions ce que nous pouvons faire dans le Nord-Pas-de-Calais.

En ce qui concerne les formations à l’international , nous avons de fortes demandes en Afrique, qui est en voie de numérisation de la diffusion avec le passage de la TNT sur de nombreux pays. Pour ces formations, notre démarche est un peu différente car là aussi les professionnels préfèrent rester dans leur pays. Aussi nous sommes dans une démarche de formation des formateurs comprenant un accompagnement pédagogique personnalisé. Nous sommes à leurs côtés tout au long des étapes d’apprentissage, cela crée une grande dynamique de partenariat.

 

 


Bio Express de Bruno Burtre

De formation technique et audiovisuelle, Bruno Burtre développe tout au long de son parcours un solide savoir-faire dans les domaines de la production audiovisuelle et de l’archivage. Il effectue une grande partie de sa carrière au sein de Sony Europe, au contact de clients broadcast européens, où il participe à l’évolution technologique des métiers du secteur. D’abord responsable du service support broadcast Europe, il devient directeur Qualité adjoint pour Sony Recording Média. Il y acquiert une expertise spécifique en matière de qualité, d’études de marché et de mesure de la satisfaction clients.

En 2002, il crée le premier service de migration de masse d’archives audiovisuelles et développe des solutions innovantes pour la sauvegarde de bandes magnétiques. Il accompagne les projets de numérisation et de recherche et développement du groupe Sony pour soutenir son objectif de diversification. Sa collaboration avec l’INA commence en 2005 avec le lancement d’une chaîne numérisée audio parallélisée.

En 2009, Bruno Burtre rejoint Vectracom, laboratoire audiovisuel spécialisé dans la numérisation et la restauration d’archives, où il participe à l’accroissement de l’activité commerciale et financière de l’entreprise et met en place la démarche qualité ISO 9001.

En 2012, il devient directeur adjoint du pôle Enseignement, Recherche et Formation de l’INA. Participant à l’élaboration de la stratégie de cette direction, il est notamment l’initiateur des projets Data Clean (base de données de clients fonctionnels) et XRM (gestion commerciale). Il dispose enfin d’une expertise forte en matière de formation continue et professionnelle, grâce à une connaissance fine des acteurs français et européens qui orientent ce marché.