À chaque génération sa façon de consommer de l’évolution de ce marché. De la musique ? Oui, et non à la fois. Du disque vinyle aux baladeurs MP3 en passant par le CD Audio, on pourrait croire que chaque support physique et chaque format numérique de musique dématérialisée peuvent être accolés à une génération de consommateurs. Si avant la sortie du MP3, le public n’en avait que pour les vinyles, puis le sacro-saint CD Audio, désormais, d’après les analyses de marché récemment fournies par Universal Music et consorts, il semble que l’on assiste à un retour en force d’un certain esthétisme technico-musical qui semble rallier à lui à la fois les moins jeunes et les jeunes. Le phénomène s’étend d’ailleurs de façon étonnante, et a connu un premier pic lors du salon européen de l’IFA de Berlin où de nombreuses grandes marques se sont lancées dans un discours sur la grande importance de la qualité du son sur des matériels aussi populaires que les micro et mini-chaînes, les baladeurs, les dock i-Produits, les enceintes nomades ou encore le Home Cinéma numérique. Haro sur le son MP3 téléchargé à la va-vite qui fait saigner les tympans ? Nous n’en sommes pas là, mais une chose est certaine, une machine est belle et bien lancée, et si elle file sans embûche sur les bons rails, tout le monde aura à y gagner.
La mode joue un rôle primordial dans le retour du son « vintage » et l’essor des matériels nomades de type Hi-Fi.
Un seul coup d’oeil aux passagers d’un train ou à une foule dans la rue tient lieu de constat : désormais, écouter de la musique en version nomade est un signe des temps. Ce qui l’est également, c’est de le montrer ! S’il y a de cela encore un lustre, le port du gros casque « Hi-Fi à papa » relevait d’un syndrome Old School peu reluisant, depuis l’essor des iPod (excellents outils de démocratisation de l’audio numérique), certains objets ont revêtus un aspect iconique à tel point qu’on les habille de housse de grands couturiers. Autre phénomène de notre temps : les grandes marques audio se sont offertes les services de stars de la musique pour rallier à elles de nouvelles cibles d’acheteurs : les jeunes générations. En enrôlant des pointures de l’étoffe de Dr Dre, Bob Sinclar ou David Guetta, ces entités ont donné aux jeunes clients l’envie d’acquérir de bons gros casques fermés haut de gamme positionnés entre 200 et 400 euros. En ce sens, le succès de Beats relève du génie marketing pour des casques qui, de l’avis des professionnels, sont assez loin d’être des modèles du genre. Pour la première fois, on assiste cependant à une mode qui veut que le casque audio ne se cache plus. Colorés, supra ou circum auriculaires, ils s’affichent au même titre que la dernière paire de baskets de fashionista. Du coup, les chiffres donnés par GfK en sept 2013 laissent rêveurs : 27 millions de casques vendus en Europe ces 6 derniers mois. Sans écrire qu’il s’agit de jamais-vu, on peut parler de phénomène dont les répercutions sont tentaculaires. Ces ventes de casques sont également liées à celles de Smartphones de plus en plus performants. Ces couteaux suisses n’ont pas d’équivalent en termes de polymorphie : appareil photo, baladeur audio, GPS, navigation sur Internet, console de jeu, Apps à gogo, etc. Alors, quelle est l’étape suivante ? S’attaquer à la qualité des fichiers musicaux et à celle des appareils reliés à ces millions de casques audio de qualité très variable. Tous les professionnels (majors, disquaires, boutiques de musique en ligne, fabricants) s’accordent à dire qu’il est « illogique » de voir autant de personnes se balader dans la rue avec des casques à 250 euros, connectés à un petit baladeur MP3 chargés de fichiers en 128 kbp/s. Afin d’y « remédier », toute une industrie fourbit ses armes, et a déjà commencé à balancer l’artillerie lourde lors du salon de l’IFA de Berlin en septembre 2013.
On élève le niveau !
Rendons à César ce qui lui revient de droit. Apple a fait très fort en lançant son écosystème iTunes + i-Produits (dont les très vendues générations d’iPod / iPhones). Si nous ne sommes pas de fervents défenseurs de la qualité de la musique compressée vendue sur iTunes, il faut reconnaître que le succès de l’interface en tant que telle a largement contribué au boum de la musique nomade. Sa compatibilité avec les signaux MP3, WAV, AIFF, AAC et ALAC en fait un outil qui permet notamment de transférer le son de ses CD Audio sur ses produits nomades, dont les iPod et iPhones. Du cette opportunité est née une toute nouvelle génération de produits compatibles, qui s’étendent des petites stations d’accueil aux systèmes Hi-Fi moyen et haut de gamme, en passant par les micro et mini- chaînes. Les iPod et iPhone étant en mesure de stocker de la musique en qualité CD Audio, même les audiophiles s’y sont mis. C’est dire. Cet écosystème existe, est pleinement fonctionnel, mais les habitudes des consommateurs sont en train de changer. Désormais, on ne désire plus arrimer un baladeur (iPod ou autres) à un dock, mais bel et bien s’affranchir du câble. Ainsi naquit toute une génération d’enceintes nomades, de docks, de serveurs audio et d’éléments Hi-Fi capables de travailler en Wi-Fi (direct ou non), de s’appairer en Bluetooth ou/et NFC, d’être mis en réseau domestique via le protocole DLNA, etc. Afin de booster la qualité audio sans fil de certains de leurs matériels, les fabricants ont ajouté le codec apt-X au Bluetooth (possibilité de qualité « CD audio » avec un débit de 320 kpb/s). De nombreux Smartphones Android et Windows 8 intègrent l’apt-x, à l’instar de la nouvelle génération d’enceintes sans fil nomades, de téléviseurs, de barres sonores, etc. il s’agit d’un premier bon pas vers une meilleure retranscription audio, mais tout est une question de qualité technico sonore de la source. Sur ce point, le bât blesse encore.
Un marché anarchique
Inutile de se voiler la face, le marché de la musique ne transpire pas la forme et ce ne sont ni les chiffres de ventes des CD audio, ni les quelques dizaines de milliers de vinyles vendus par an, ni l’annonce du Blu-ray Pure Audio qui lui redonneront les belles couleurs d’antan. Par contre, ce que révèlent toutes les enquêtes diligentées par les majors, c’est que le public est un touche-àtout. Il consomme de manière anarchique. Un CD par ci, un téléchargement légal ou pas par là, ou un peu beaucoup de streaming. Pour l’heure, la notion de qualité de la source audio échappe à beaucoup. Les habitudes de consommation de musique au signal audio compressé sont entrées dans les mœurs, et semblent satisfaire une frange de la population qui n’a connu que « ça », ou qui a choisi de ne consommer que du MP3 ou le AAC de iTunes. Le rôle de l’industrie à ce jour est de tenter de faire passer le message d’une autre façon d’écouter de la musique, plus proche de ce qui se passe dans le studio d’enregistrement. L’entreprise ne vas pas être aisée dans le sens où, avant de parler de 24-bit, il va déjà falloir remettre les choses à plat concernant la qualité dite CD (PCM 16-bit/44.1 kHz) et la remettre sur les rails. Des plateformes de téléchargement de musique légale de l’acabit du français Qobuz amorcent la pompe depuis 3 ans en proposant 16 millions de titres en qualité CD pour un coût à peine plus élevé que celui du géant iTunes. Une fois téléchargés en WAV, FLAC, AIFF ou ALAC, ces morceaux sont compatibles avec la plupart des baladeurs et Smartphones. Un bon début, mais Qobuz est loin d’avoir atteint le grand public. Cela écrit, l’entité est vaillante, débordant de bonne volonté.
L’étape suivante : cap sur l’audio 24-bit !
Pour que le grand public soit sensible à cette idée de qualité, il est important d’utiliser le meilleur vecteur qui soit, et en l’occurrence, difficile de faire mieux que les Smartphones, les tablettes et les petits baladeurs appelés à tort ou à raison « MP3 ». Du coup, presque sans crier gare, voilà que les géants coréens Samsung et LG (rien que ça) ont ouverts leurs conférences de presse européennes à l’IFA de Berlin en annonçant le lancement de produits nomades compatibles 24-bit/192 kHz. Un véritable coup de semonce, appuyé par un discours qui annonce tout de go qu’il est grand temps de s’offrir la véritable qualité d’une prise de son en studio.
Quant on sait que GfK prévoit la vente de 1,2 milliard de Smartphones dans le monde en 2014, le retentissement est gigantesque. Certes, tous les modèles ne seront pas compatibles, mais le simple fait que de telles marques fassent ce type d’annonce revient à écrire que les plus grands vecteurs de démocratisation de technologies vont se lancer dans la mêlée. L’aspect mercantile de l’affaire n’échappera à personne, mais il faut en retenir un réel effort d’élever le niveau. À notre connaissance, les Smartphones HTC One, LG G2, Samsung Galaxy Note III et Samsung Galaxy Note 10.1 (tablette) sont compatibles 24-bit (le HTC One s’arrête à 96 kHz, les autres continuent jusqu’à 192 kHz). Si techniquement il ne faut pas attendre de ces bestioles des résultats de type audiophile (excepté le HTC One, étonnant !), ils ont déjà le mérite de titiller le consommateur façon : « si je peux diffuser de l’audio HD, pourquoi continuer à me nourrir de fichiers MP3 joués sur un casque à 250 euros ? » Après, reste au consommateur à saisir le message et à faire un essai. Sur ce point encore, le magasin français en ligne Qobuz propose 4 000 albums que l’on peut télécharger en qualité Studio Master 24-bit (ainsi que dans des formats plus usuels et, ce, pour le même coût). Un écosystème est donc en train de se construire petit à petit, impliquant les fabricants de Smartphones, les majors via les sites de téléchargement légaux, les fabricants de matériels nomades et domestiques, et les studios qui fournissent les masters. Certains artistes tels que Metallica remasterisent en 24-bit certains de leurs LP pour les plateformes audio-HD, ainsi que Mike Oldfield ou Alan Parsons.
À noter que le géant Sony est partie intégrante de l’offensive, lançant toute une gamme de produit High Resolution (libellés « Hi-Res »), dont un baladeur 24-bit (F886, 300 euros), des serveurs, de petits amplis-DAC, etc. Sony compte ainsi redonner un coup de fouet à sa ligne de produits ES destinée aux audiophiles, et désormais au « grand public ». Ne nous trompons pas, si ce papier atterrit dans MediaKwest, c’est que le secteur « pro » est très impliqué dans cette évolution de la qualité des sources audio rendues disponibles au public. Les majors sont sur le qui-vive et les studios remasterisent les bandes 38 cm/s en 24-bit à la queue-leu-leu. Reste donc à cet écosystème à se mettre en place, et surtout à trouver sa place. MediaKwest est également sur le qui-vive, et vous tiendra au courant au fil de l’évolution de ce marché.