La nouvelle régie finale de diffusion de France Télévisions Outre-Mer

France Télévisions Outre-Mer a fait évoluer en profondeur son infrastructure de diffusion et d’automation de la régie finale. Ce projet, réalisé en coopération avec plusieurs entreprises, avec en tête de pont Qvest Media et les sociétés Lora Solutions, SGT et Imagine Communication, a permis également de revoir et simplifier les méthodes de travail. Le nouveau système est à l’antenne depuis le 21 juin dernier. Erwan Roth, adjoint après du DGA Fabrication Technologie en charge de la logistique et ingénierie Outremer, nous présente dans le détail ce projet complexe. Ce projet a été réalisé en collaboration avec la direction des moyens et du développement outremer gérant l’exploitation.*
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« Nous avons mis en place un projet de renouvellement des automations de diffusion du site de France Télévisions de Malakoff, qui diffuse pour les chaînes outre-mer. Notamment, en direct, nous diffusons les chaînes pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, La Réunion, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, plus France Ô. Dans le cadre du renouvellement des équipements, qui datent de 2006-2007, nous avons changé l’ensemble du système de diffusion et également l’organisation de travail qui en résultait », indique Erwan Roth.

 

Un projet à plusieurs étages

C’est un projet dont la première phase a commencé il y a trois ans, en 2014 par le changement des serveurs de diffusion. France Télévisions Outre-Mer avait des serveurs Avid Pinnacle qui étaient en fin de support. Ils ont été remplacés par des serveurs Nexio Imagine Communications. Le deuxième projet portait effectivement sur le changement de l’automation, avec un appel d’offres lancé fin 2015-début 2016. Concomitamment à cette évolution, il fallait réaménager les salles techniques trop nombreuses et dédiées à des tâches uniques (stockage, départ vidéo, serveurs et automation, réseau informatique).

« Nous en avons profité pour opérer un changement radical en regroupant l’ensemble des fonctions dans une salle technique unique. Et le dernier volet de l’opération fut la réorganisation de l’espace de travail et l’évolution des méthodes de travail. Nous avions jusqu’à maintenant une régie de diffusion pour quatre chaînes, avec un technicien, puis une cellule d’acquisition avec deux techniciens pour faire tout ce qui est ingest, soit Live soit fichier ou cassette. Avec le projet de réorganisation, nous avons deux régies de diffusion qui font à la fois diffusion et ingest. Deux techniciens s’occupent totalement de trois à quatre chaînes suivant les régies de diffusion, y compris la partie ingest, que ce soit les éléments propres à ces chaînes locales, donc la montée des stations, la numérisation des programmes ou les enregistrements de Live en provenance des chaînes nationales, principalement françaises », précise Erwan Roth.

France Télévisions gérait également la « contribution », c’est-à-dire l’envoi de programmes, d’une bande de programmes, vers l’ensemble des stations et plus particulièrement Guadeloupe-Martinique-Guyane, qui aujourd’hui diffusent localement. Par ailleurs, ils rediffusent, refabriquent leur chaîne localement. Ces chaînes-là, dites de contribution, ont été basculées dans la partie nodale en termes d’organisation. Désormais, il y a une équipe qui se partage entre une activité de nodal, qui consiste à gérer des liaisons occasionnelles, la surveillance des liaisons, ainsi que la fourniture d’éléments pour la partie information, et qui assure également la gestion des contributions.

 

Les dispositifs techniques

Sur les aspects techniques, il s’agissait de faire évoluer les systèmes, de les simplifier, en termes de schéma, et d’installation. France Télévisions, pour cette seconde phase, a fait évoluer les serveurs Nexio Imagine Communications vers des serveurs Versio Imagine Communications qui ont à la fois la fonction de mélangeur, de serveur et d’habillage.

« Ils avaient une première version lorsque nous avions acheté les serveurs en 2014 et j’ai revu un peu plus tard leurs équipes de R&D pour voir si la nouvelle version, qu’ils étaient en train de développer courant 2016, pouvait correspondre à nos besoins. Ils ont développé un certain nombre de fonctionnalités propres à nos nécessités. L’avantage du système, pour moi, ce sont les simplifications. Au lieu d’avoir trois composants, voire quatre, nous avons systématiquement deux décodeurs, un mélangeur et un système d’habillage dans une version de base. Nous n’avons plus qu’une brique, donc en termes d’espace, de câblage, c’est plus simple. L’autre avantage, c’est que cela a permis, du coup, de faire monter d’un cran la redondance de nos systèmes. Nous étions jusqu’à présent plutôt dans un schéma N+1. J’ai mes canaux de diffusion nobles et après j’ai des canaux en réserve aux cas où un canal principal tomberait. L’inconvénient, c’est qu’ils ne sont pas dédiés, donc ils ne font rien tant que nous n’avons pas un problème majeur, et quand cela arrive, il faut le temps du basculement sur le système. Là, tout est redondé sur chaque canal. »

Pour chaque diffusion, il y a deux canaux qui fonctionnent, qui sont pilotés, en parallèle synchronisés par l’automation. Alors qu’auparavant la synchronisation était effectuée par l’exploitant. Quand une modification était faite sur l’une des playlists, il fallait modifier sur l’autre. Maintenant, toute modification se fait automatiquement sur les deux playlists, y compris pour les chaînes premières de l’outre-mer. Cette redondance est également réalisée sur l’une des contributions.

« Nous avons quatre canaux de contribution : un pour l’Atlantique nord dédié à Saint-Pierre ; puis deux autres, dont l’un pour l’océan Indien et l’autre pour le Pacifique ; le dernier est attribué aux Antilles-Guyane. Nous avons redondé ce canal de contribution, car nous travaillons en flux tendu ; la totalité des programmes qu’ils diffusent est sur ce canal. En cas de problème, je perds du temps que je ne peux pas récupérer. »

Concernant l’automation, les discussions avec différentes entreprises ont commencé en janvier 2016, pour se conclure au mois de mai 2016 avec la solution SGT. « Les impératifs que nous leurs avions soumis, étaient qu’il fallait commencer les développements alors que les protocoles des serveurs Versio n’étaient pas encore finalisés. Nous avons quatre serveurs pour piloter l’ensemble de nos équipements, nous avons six postes clients automation, ce qui permet de mutualiser les playlists. Auparavant, nous avions une machine pour un client automation et nous multipliions le nombre de clients et d’écrans par le nombre de playlists. Là maintenant, les opérateurs sont sur des postes qui permettent de contrôler si l’on veut la totalité des chaînes depuis un poste unique. Les six postes sont identiques et peuvent piloter une ou plusieurs playlists. Nous sommes donc effectivement sur un client multiplaylist, sans limitation. Nous avons aussi des clients appelés multifonction qui incluent à la fois une partie MAM pour faire tout ce qui est ingest, détection des médias, mais qui ont également des fonctions automation permettant de traiter une playlist particulière. Lorsqu’on a, par exemple, des directs sur l’une des antennes, cela permet d’avoir un technicien dédié à cette playlist pendant la durée du direct. »

La chaîne utilise, depuis plusieurs années, Orchestrator de chez Aspera dans de nombreux workflows présents entre les différents systèmes (diffusion, conduite antenne, montage, réception fichier, radio, etc.), notamment en production de captation et aussi pour la gestion des fichiers.

« Le système est capable de prendre en charge le fichier, notamment dans le workflow interne, entre les Media Composer Avid, les journalistes ou les chargés de production qui prennent directement leurs éléments dans Avid. Ils les mettent dans un dossier pour voir leur diffusion. Et à partir de ce moment, on déclenche le workflow. Nous pouvons programmer des diffusions et remonter aussi un statut au sein de l’outil MAM Avid pour dire, voilà c’est pris en charge, c’est en cours de transfert, s’il y a une erreur, on remonte l’info d’erreur. »

L’automation est basée sur Veda de SGT ; néanmoins, quelques développements spécifiques ont été faits au niveau de leur moteur de workflow, soit des changements et des évolutions de code au niveau des différents systèmes, principalement sur la partie Ingest, avec la notion de « version ING » de livraison.

« L’idée étant de ne jamais écraser une livraison précédente sans validation. Il y a une version zéro, première version de livraison. S’il y a une erreur par exemple au niveau du check immédiat, si ce n’est pas d’essence compatible pour la diffusion, si ce n’est pas la bonne durée, ou si la nomenclature du fichier ne correspond à rien de ce qu’on connaît, cela fait apparaître une erreur. Si c’est une erreur de nomenclature, on ne sait rien faire. Si par contre le fichier est bon, que l’on ne trouve rien d’anormal, mais que l’on constate des défauts à l’intérieur, cela peut arriver de se tromper à un endroit sur le nom du fichier, il est possible demander une re-livraison et, dans ces cas-là, l’entité qui livre change l’indice de livraison. Ce qui permet à la fois de garder le fichier en disant : là ce que vous nous avez envoyé n’est pas bon, et garder le fichier en cas de réclamation. »

Cette pratique avait commencé à être mise en place avec France Télévisions Publicité qui effectivement préfère aussi cela pour être sûre, lorsqu’il y a des changements en interne, de garder une trace.

Il y a une particularité dans les sous-titrages ; le sous-titre est inscrit directement dans le fichier vidéo. Ce n’est pas un fichier de sous-titrage qui est lu en synchronisé avec le média. Pour la partie stock, le fichier de sous-titrage est encapsulé avec une fonction des serveurs Versio. Cela permet justement, si jamais il y a des erreurs de sous-titrage, de pouvoir les tracer. « Je préfère encore diffuser un fichier non sous-titré ou mal sous-titré, que de ne rien diffuser. Ces fonctions ont pu être élaborées grâce aux process de workflow Aspera et au niveau de SGT. »

Lors du renouvellement de l’infrastructure, a été déployée et modernisée une fonctionnalité d’enregistrement sur 24 heures, déjà présente précédemment, et utilisée principalement sur les chaînes nationales, France 2, France 3, France 4, France 5. Les programmes étaient enregistrés par tranches de 24 h ; certains d’entre eux pouvaient être extraits, puis être rediffusés ensuite sur les chaînes gérées par France Ô.

La nouvelle version est automatisée et permet de définir des blocs de différentes tailles ; l’opérateur est totalement libre dans ses choix. « Nous nous adaptons en fonction des chaînes ; il y a des stations où nous montons leur production ; avec des événements longs, nous restons dans des enregistrements standard, mais nous faisons le remontage de tout ce qui est habillage des émissions locales et de la publicité. »

 

Les partenaires

Ce projet est l’aboutissement d’un travail entre plusieurs sociétés françaises et étrangères. François Abbe, de Qvest Media France, a accompagné Erwan Roth sur la quasi-totalité du projet, notamment sur la partie pilotage du dialogue compétitif côté automation.

Les différentes entreprises, comme SGT, Imagine Communications et Aspera, ont travaillé sur des adaptations et le développement de certaines fonctionnalités. Pour sa part, Lora Solutions a développé dans le « dur », comme le souligne Erwan Roth : « Lora Solutions est un partenaire pivot du projet. Lora Solutions a développé les interfaçages avec SGT et Aspera. L’objectif de cette interface est de permettre l’échange des données entre le monde de l’éditorial et celui de la diffusion, tout en absorbant la complexité technique, afin de ne pas perturber les utilisateurs du Trafic Système. Pour répondre à ce besoin, Lora Solutions a développé et mis en place Lora Maestro. Il a aussi développé, à notre demande, les interfaces web service côté trafic, chaîne, et cela nous a permis de connecter directement Aspera au trafic, de pouvoir disposer d’un module d’échanges, permettant ainsi, pour tout ce qui est gestion de fichiers, qu’Aspera récupère les données nécessaires dans le trafic après validation et crée, côté automation, des coquilles, le support, et met les marqueurs. Grâce à cette interface, nous avons pu modifier et simplifier le mode qui permet d’alimenter la plate-forme de replay. Nous leur fournissons les débuts et fins de tous les programmes en temps réel. Tout cela est traité avec Aspera, en récupérant à la fois des informations grâce au service développé côté Lora Solutions, et des informations du système Veda à travers leur bus. »

La Passerelle Lora Maestro transmet au nouveau système de diffusion Veda de SGT les demandes de numérisations cassette, d’enregistrements Live, de purge ainsi que les playlists, en provenance du système Trafic de Lora Solutions, utilisé à Malakoff et dans les huit stations, puis récupère en retour les journaux de diffusion et toutes les notifications sur les programmes qui lui permettent de mettre à jour les données du trafic pour l’ensemble des sites. Tous les échanges avec l’automation sont réalisés par appel des SOA de Veda.

Lora Solutions est un partenaire stratégique, avec lequel la chaîne collabore depuis plusieurs années, « Lora Solutions ne développait pas de web services ; c’est nous qui les avons poussés dans cette voie. Donc ils ont augmenté le développement, élargi les fonctionnalités que l’on souhaitait obtenir… tout ce qui leur avait été demandé il y a deux ans et demi lorsqu’on a commencé à mettre en place la partie Orchestrator d’Aspera. Au fur et à mesure, ils ont enrichi leurs prestations en fonction de nos demandes. »

Lora Solutions a également mis en place des web services afin d’alimenter les workflows Aspera de sous-titrage, de livraison de fichier, ainsi que de top on-air à destination du siège, et permettre un suivi des demandes de sous-titrage directement dans l’interface Trafic. La passerelle est parfaitement adaptée aux nouveaux modes d’exploitation de France Télévisions, en matière de livraison et re-livraison de programmes, et à ses besoins en termes de nomenclature de fichier. Toutes ces contraintes techniques sont prises en compte par la passerelle de manière totalement transparente pour les utilisateurs Trafic. Côté administration, la passerelle Lora Maestro est couplée à un outil de notification par mail afin d’offrir une réactivité immédiate en cas d’anomalie entre les systèmes.

 

Et tout ce qui est service de continuité

Le centre de diffusion dispose de systèmes sécurisés ; les serveurs, l’ensemble des composants sont redondés. Toutefois, en termes de sécurité, Erwan Roth aimerait aller plus loin : « J’ai, pour ce projet, plusieurs options. L’une, celle qui m’intéresse plus, va être soumise à de la médiation interne autre que technique ; le but est de mettre en place une redondance en cas de piratage important du serveur ou de panne lourde de l’automation. Quelle que soit la redondance, il est possible d’avoir des problèmes en cas de coupure des réseaux. L’ensemble est désormais piloté en IP. Donc l’idée consiste à mettre un système plus autonome qui ne soit pas le serveur de diffusion et ne soit pas géré par l’automation. Cela pourrait être une technologie de Channel in the Box ou de simple serveur pour assurer une continuité, et tant pis pour l’habillage, voire la continuité des programmes. L’autre option, qui m’intéresse aussi, est d’externaliser dans un data center, un Versio. Ce sont des discussions que j’ai entamées avec la notion de disposer d’un espace de stockage pour tenir 24 ou 48 heures. Techniquement, cela fonctionne. Les problèmes qui demeurent sont d’ordre organisationnel. »

 

Formations et mise « on air »

Les formations se sont déroulées sur sept-huit semaines à raison d’environ une semaine et demie de formation par équipe. Quelque 80 personnes ont été formées, dont 50 techniciens de diffusion, 15 chefs de chaîne, 5 managers et 10 personnes extérieures.

Les formations ont porté sur la partie automation, sur les serveurs Versio, mais aussi sur les nouvelles grilles. Il n’était pas possible de faire une diffusion à blanc, donc trois chaînes ont été sélectionnées et, pendant sept semaines, avec l’ensemble des équipes d’exploitation, en fonction de leur planning, ils ont eu deux semaines pour se former.

Depuis la mise « on air », le 21 juin, « nous avons relevé quelques corrections à apporter sur la numérotation des playlists ; mais pour un changement de cette nature les équipes s’attendaient à pire. Quoi qu’il en soit, c’est un projet moderne, évolutif et qui a permis une collaboration réussie entre plusieurs entreprises ; c’est également l’un des premiers projets réalisés sous le label de Qvest Media ».

 

* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #23, p.60-62Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.


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