D’Homo Sapiens à « La plus belle ville du monde »…
Lorsqu’il crée sa société de production, Boréales, il y a 25 ans, Frédéric Fougea souhaite d’emblée inscrire les projets documentaires qu’il portera dans une dynamique internationale. De grandes chaînes comme la BBC, National Geographic et France Télévisions feront confiance à ses talents de storyteller et l’accompagneront dans la concrétisation de grandes réussites comme Homo sapiens, L’Odyssée de l’espèce ou encore Le Sacre de l’Homme…
Avec Le plus beau pays du monde, qu’il écrit et réalise avec Jacques Malaterre, il produit, en 2013, ce qui représentera un succès d’audience historique pour France 2, puisqu’avec ce programme, la chaîne publique a attiré l’attention de 6,5 millions de spectateurs cumulés.
Le lendemain de la diffusion du Plus beau pays du monde en prime-time, Thomas Valentin, vice-président du directoire, en charge des Antennes et des Contenus de M6, contacte Frédéric Fougea et lui propose une collaboration… « Thomas Valentin a été immédiatement séduit par l’idée d’un projet sur Paris et, dès lors, toute l’équipe de M6 a été d’un soutien remarquable », se remémore Frédéric Fougea.
Un show runner du documentaire
Le projet ressemble a priori à un documentaire, mais il est en fait construit comme une fiction. Le fil directeur du film, développé dans un scénario de soixante pages, entraîne le spectateur dans la grande histoire de la ville et dans la petite histoire des animaux au cours d’un voyage dans le temps. Le nombre de plans tournés à l’improviste n’excède pas les 10 % et de nombreuses séquences ont fait l’objet d’un story-board… « Si nous avions engagé trois cameramen pendant un an pour filmer dans Paris, au hasard des rencontres, cela nous aurait coûté beaucoup moins cher, mais le film ne pouvait pas se faire comme cela ! », explique le réalisateur qui a cumulé plus de 200 jours de tournage dans tous les coins de Paris, à toutes les heures de la journée et de la nuit pour concrétiser son projet.
Une longue histoire…
La production de La plus belle ville du monde a impliqué une équipe de 200 à 300 personnes pendant deux ans. « Je me suis entouré d’une dizaine de coréalisateurs expérimentés en prises de vues animalières. Et nous avons relevé ensemble beaucoup de défis complexes car, comme on peut l’imaginer, tourner en ville avec des animaux n’est pas simple ! Pour l’anecdote, nous avons préparé pendant six mois une trentaine d’oiseaux sauvages, oies bernaches, oies cendrées, oies à tête barrée, canards colverts, que nous avons filmés en vol dans Paris sur des parcours repérés », explique Frédéric Fougea.
« La séquence avec les faucons pèlerins représente aussi un temps fort d’un point de vue technique et artistique. Dans la nature, ces rapaces chassent sur des falaises et ont besoin d’un grand vide sous leurs ailes pour prendre de la vitesse. À Paris, certains d’entre eux ont décidé de s’installer sur la tour Eiffel : nous avons fixé des caméras sur plusieurs de ces rapaces que nous suivons dans le film », poursuit-il.
Le montage, qui a débuté en parallèle du tournage, s’est étalé sur six semaines et s’est déroulé chez Boréales. L’étalonnage a été réalisé chez Lylo Media Group et la production des effets spéciaux, qui a nécessité six mois de travail, a été prise en charge par Cube et Nayade.
Le pari des effets spéciaux et de l’audio
Certains plans complexes ne pouvaient pas être filmés. Ainsi, un plan de papillon qui vole au-dessus de Paris en pleine nuit ou le suivi du faucon qui chasse un pigeon en sautant du haut de la tour Eiffel et qui atterrit au Trocadéro sont le produit d’images de synthèse…
« Pour suivre ce faucon qui vole à 350 km/heure, il aurait fallu filmer d’un Rafale ce qui, entre autres, n’est tout simplement pas possible à Paris ! Cette séquence a été coréalisée avec un artiste extraordinaire : Nicolas Deveaux. Quant à la séquence du papillon, elle a été confiée à Sébastien Rossignol, chez Fugu. Il s’agit là de quelques-uns des talents qui ont travaillé sur ces images numériques qui représentent au final cinq minutes du programme. »
Quant à la bande-son, on trouve aucune séquence intégrant une prise de son directe… « Le son est très compliqué à maîtriser sur un tournage… Et plus encore en ville. Nous avons donc décidé de produire l’intégralité de la bande-son en studio. Une véritable armée s’est activée pour développer toute la ligne narrative sonore sous la direction du sound designer Sébastien Wera… Cette bande-son ne cherche pas à être réaliste mais à retranscrire le point de vue des animaux, à reproduire ce qu’a priori, ils entendent de notre ville. La postproduction audio, qui a duré deux mois, s’est déroulée chez Piste Rouge avec Fabien Devilliers au mixage ».
Un film en 4K parce qu’il le vaut bien !
Frédéric Fougea a commencé à tourner en 4K il y a bientôt trois ans… « Depuis, je ne tourne plus que dans ce format. D’abord, parce que l’image est somptueuse, même sur un écran HD. Par ailleurs, sur le marché international, la HD est condamnée à disparaître. Si l’on produit des programmes qui ont une durée de vie très limitée, on peut encore se contenter de tourner en HD, mais pour les programmes patrimoniaux, le 4K est devenu incontournable.
« En outre, bien qu’en France, il existe encore une frontière qui n’est pas facile à briser entre le cinéma et télévision, lorsque l’on produit un film en 4K, toutes les portes restent ouvertes au niveau des écrans ; on peut même envisager une conformation pour des exploitations dôme ou Imax.
« Chez Boréales, nous tournons principalement avec des Sony F55 à grande vitesse : 200 ou 250 i/s. Ce choix implique une quantité démesurée de téraoctets de stockage, mais nous avons besoin de ces cadences car l’un de mes défis en tant que réalisateur est d’offrir un spectacle inédit et ces images, une fois ralenties, offrent un spectacle auquel nous ne pouvons pas avoir accès naturellement avec nos yeux. Et, pour La plus belle ville du monde, nous avons même filmé les papillons à 1 000 i/s. »
Côté production…
Le budget de ce film, qui s’élève à plus de 3 millions d’euros, a sollicité une coproduction internationale. De grands acteurs de la télévision sont venus rejoindre M6 dans le financement : la BBC, National Geographic et Terra Mater et même la NHK, qui diffusera La plus belle ville du monde sur sa chaîne 4K… À terme, plus de 70 pays devraient diffuser ce film.
FICHE TECHNIQUE
• Durée : 90 minutes
• Auteurs : Frédéric Fougea, en collaboration avec Guillaume Poyet
• Réalisateur : Frédéric Fougea
• Coréalisateurs : Mathieu Giombini, Samuel Guiton, Nicolas Deveaux, Samuel Toutain, Nicolas Cailleret
• Chef opérateur : Mathieu Giombini
• Monteurs : Stéphanie Pedelacq, Michèle Hollander Meagher, Stéphane Gallet, Aurélie Leymarie, Frédérique Lossignol
• Étalonneur : Nicolas Perret
• Producteurs : Boréales – Frédéric Fougea / WINDS – Barthélémy Fougea
• Produit en association avec B Media – Joël Thibout
• En partenariat avec la mairie de Paris, avec le soutien du CNC
Frédéric Fougea : le portrait
Auteur, réalisateur et producteur de cinéma et de télévision, Frédéric Fougea a fondé la société de production Boréales en 1987. Identifié par le magazine Realscreen comme l’un des cent producteurs les plus influents du monde pour sa capacité d’innovation, Frédéric Fougea a notamment écrit et produit avec Canal+ Les Seigneurs des animaux, Le Fils du roi singe ou encore La Fabuleuse Aventure des hommes et des animaux. Il a aussi écrit la narration de L’Odyssée de l’espèce, docufiction de Jacques Malaterre consacré à la préhistoire.
En 2013, Frédéric Fougea a poursuivi sa collaboration avec Jacques Malaterre en écrivant, produisant et réalisant Le plus beau pays du monde. Le producteur-réalisateur a aussi fait des incursions dans le cinéma : il a coécrit et coréalisé le long métrage Hanuman (coproduction Boréales/Gaumont) et Pourquoi j’ai (pas) mangé mon père aux côtés de Jamel Debbouze (une coproduction Boréales/Pathé).
*Cet article est paru pour la première fois dans Mediakwest #19, pp. 100-101. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour recevoir, dès leur sortie, nos articles dans leur totalité.