En avril dernier, La Région, l’Agence Film Réunion (AFR), l’Agence Régionale de Développement d’Investissement et d’Innovation (Nexa) et l’île de la Réunion Tourisme (IRT) organisaient conjointement une nouvelle édition de son Éductour : un voyage découverte à destination des professionnels de l’audiovisuel. Participaient à cette expérience une quinzaine de producteurs et réalisateurs télé et cinéma, issus de France Métropolitaine, d’Allemagne, d’Afrique du Sud et des États-Unis.
« Avec ce type d’opération, nous souhaitons sensibiliser les professionnels à la diversité et la qualité de nos décors mais aussi aux moyens financiers et techniques qui sont mis à leur disposition » explique Eddy Payet, directeur général de l’AFR.
L’Éductour s’est articulé, durant une semaine, autour de visites sur le terrain (décors de tournages potentiels et lieux touristiques) de rencontres avec les producteurs, réalisateurs et techniciens locaux, mais aussi d’un atelier passant en revue les différentes aides financières disponibles.
Une variété de décors dans un espace restreint
Sur ses seulement 2 500 km2, l’île volcanique regorge, il est vrai, d’une diversité de paysages rares.
Les abords du Piton de la Fournaise font immédiatement penser à une autre planète, ou à un désert, on y imagine aisément le tournage d’un film de science-fiction. À quelques minutes de transport seulement nous voilà dans un décor verdoyant qui n’est pas sans rappeler la Normandie (et oui vraiment). « La publicité pour un célèbre fromage normand a justement été réalisée ici même » ajoute Eddy Payet. Un paysage normand avec un soleil garanti, voilà qui aura sans doute convaincu l’agence et la production de la pub de se rendre ici, davantage que dans le Calvados.
Enfin, les nombreuses plages, au sable blanc ou noir, des espaces qui font penser à la savane ou encore les forêts primaires, avec leur ambiance tropicale, ouvrent de nombreuses perspectives scénaristiques.
Au-delà de la diversité des paysages, il ne faut pas oublier que, si nous ne sommes pas en Métropole, nous sommes bien en France, avec les nombreux avantages dont nous avons la chance de bénéficier (intermittences, aides financières du CNC et de l’Union Européenne, subventions régionales diverses, crédits d’impôts…). À cela s’ajoutent les politiques spécifiques aux régions d’Outre-Mer.
Un networking et des ateliers sur les aides au financement
Environ 40 sociétés de production sont répertoriées sur cette île qui ne compte pas loin de 870 000 habitants. Bien entendu, il s’agit, pour la plupart, de petites structures reposant souvent sur les projets d’un réalisateur-producteur. Cependant, certaines d’entre elles sont en mesure de supporter des projets assez ambitieux. C’est le cas par exemple de Lithops Films, société dirigée par Frédéric Eyriey (actuel président de l’Agence Film Réunion) qui a assuré, en 2012, la production exécutive du film Rozenn.
L’agence Pôle emploi de la Réunion recense environ 150 intermittents du spectacle, tous corps de métiers artistiques et techniques confondus.
« Depuis quelque temps, nous remarquons que pour les tournages se déroulant sur l’île, les productions extérieures font de plus en plus appel à des chefs de poste locaux, plutôt que d’en déplacer. Cela confirme que nous avons des compétences reconnues et que cela commence à se savoir » insiste Frédéric Eyriey.
Professionnels locaux et invités de l’Éductour ont eu une après-midi de présentation et d’échanges autour des aides du secteur audiovisuel.
« Le fonds de soutien régional à l’industrie de l’image inclut de nombreuses aides financières qui vont de l’aide à l’écriture, en passant par le développement du projet jusqu’à sa production » détaille Aurélie Damour, chargée de mission cinéma et audiovisuel à la région Réunion. Pour les aides au développement, 50 % des dépenses hors taxes réalisées peuvent être subventionnées avec des plafonds de 8 000 ou 15 000 euros pour l’animation, le long-métrage et la série. Pour les aides au pilote et à la production, 35 % des dépenses locales peuvent être prises en charge.
Corentin Sénéchal, de ACIS Productions, faisait partit des invités au voyage Éductour : « J’ai obtenu une aide au développement de la Région de 15 000 euros pour un court-métrage d’un réalisateur de la Réunion, Olivier Carrette, que je souhaite produire. Ma venue sur l’Éductour me permet de rencontrer les techniciens sur place et les sites potentiels de tournage. J’ai un autre projet, de long-métrage cette fois, qui pourrait se tourner pourquoi pas ici. Le court-métrage sera donc aussi pour moi une façon d’évaluer les ressources et les possibilités d’une production à la Réunion ».
Film France, association financée majoritairement par le CNC, est chargée de promouvoir et faciliter les tournages et la postproduction dans l’hexagone mais aussi dans les départements d’Outre-Mer. Elle coordonne également l’action des 41 bureaux d’accueil de tournages (dont l’Agence Film Réunion) et expertise les demandes de crédit d’impôt international. Son président, Nicolas Traube, et sa déléguée générale, Valérie Lépine-Karnik, avaient fait le déplacement pour expliquer les différents services proposés par Film France. « Un producteur étranger peut bénéficier d’un crédit d’impôt domestique s’il s’est associé à un Coproducteur français et a obtenu l’agrément du CNC. S’il dispose d’un producteur exécutif français, il pourra alors bénéficier d’un crédit d’impôt international. Les deux dispositions ne sont pas cumulables. À partir du 1er janvier 2016, le crédit d’impôt sur les dépenses éligibles réalisées en France passera à 30 % avec un plafond à 30 millions d’euros », annonce la déléguée générale.
Un système de soutien et d’encadrement élaboré
En 2011, la Région Réunion, lançait le label Réunion, terre d’images, terre de tournage, « Il s’agit d’un dispositif qui a pour objectif de dynamiser l’activité économique et touristique de l’île en utilisant le secteur de l’audiovisuel. Nous accompagnons les équipes de tournage du monde entier en les aidant même à financer leurs projets. Nous bénéficions de retombées en termes d’image mais aussi d’économie. Ainsi, pour 1 euro de subvention nous bénéficions de 4 euros de dépenses sur notre territoire. Enfin, nous permettons aux jeunes Réunionnais de rencontrer des professionnels du cinéma » déclare Vincent Payet, Conseiller régional délégué à l’audiovisuel et au multimédia.
C’est l’Agence Film Réunion, membre du réseau Film France, qui est en charge de sélectionner et orienter les projets reçus. Les équipes de l’AFR participent souvent au travail d’écriture des auteurs en leur faisant des retours sur les scénarios après lecture. L’organisme est présent chaque année au festival de Cannes ou encore au Sunny Side de la Rochelle.
Enfin, la Réunion intègre à ses opérations de promotion du secteur audiovisuel l’agence de développement d’investissement et d’innovation Nexa. « Nous avons pour mission d’assurer l’essor économique de l’île. Nous nous devons de participer à l’organisation d’événements tel que l’Éductour, car le cinéma, l’audiovisuel et le numérique sont des secteurs important. Ils permettent de faire travailler nos techniciens mais aussi l’ensemble de la chaîne créatrice présente sur l’île, sans parler des retombées financières en ce qui concerne les locations de chambres d’hôtels, de véhicules, ou encore de la restauration » assure Gaston Bigey, directeur général de Nexa.
Transpalux sous les palmiers
Mais si attirer les tournages et être en mesure de proposer des techniciens qualifiés est une chose, avoir à disposition le matériel nécessaire à des productions ambitieuses est également essentiel. En effet, un producteur prendra toujours en considération les coûts de transports éventuels du matériel caméra, éclairage mais aussi de la machinerie nécessaire au tournage de son film.
Si, pour le documentaire, voire le court-métrage, la plupart des chefs opérateurs de l’île sont équipés (grâce notamment au soutien à l’investissement matériel accordé par la région), il était essentiel de disposer à demeure d’un loueur de taille importante pour les longs-métrages.
« En 2010, à l’occasion du tournage de six épisodes de la série Signature, nous avions importé une très grande quantité de matériel. Après réflexion et consultation des besoins nous nous sommes dit, avec Thierry Thopart directeur de Studio Acoustik, qu’il y avait peut-être quelque chose à monter ensemble » rappelle Didier Diaz, président du groupe Transpa. Studio Acoustik gère donc un parc suffisamment conséquent pour répondre aux besoins de tournages d’envergure : camion groupe électrogène insonorisé, unités de tournage Vidéo (Sony EX3, EX1), unités de prise de vue cinéma (Caméras RED Scarlet 4K), gamme d’objectifs PL, Mattebox Arri, outils de prise de son pour le long-métrage comprenant deux roulantes Cantar X2 et Cantar X ainsi que tout le nécessaire en termes de lumière (HMI 12kW, 4kW, Cinépar…).
« Si besoin, nous pouvons bien entendu faire venir du matériel supplémentaire de Métropole. C’est Studio Acoustik qui facture le coût de location. Ce dernier est donc bien pris en compte dans le calcul des dépenses locales éligibles » tient à préciser Christophe Martin directeur associé de Studio Acoustik.
Comme son nom l’indique, la société est à l’origine spécialisée dans l’audio, elle dispose donc de son propre studio d’enregistrement.
« Après avoir constaté que de nombreuses productions qui tournaient sur l’île partaient ensuite effectuer le montage en Métropole, nous nous sommes dit qu’il fallait investir dans une gamme complète d’outils de post-production, du montage à l’étalonnage final en passant par le mixage » poursuit le directeur associé de Studio Acoustik.
Depuis, il semble que certains projets en cours se destinent à quasiment être réalisés intégralement à la Réunion, de la prise vue à la finition.
Le film d’Animation Adama, qui sortira en France en octobre 2015, a bénéficié d’une immersion presque totale sur l’île du début du workflow jusqu’au PAD (sauf pour le mixage audio). « Je vis sur l’île depuis un an et demi pour la fabrication du film. Il a été produit par Naïa Productions dans les studios d’animation Pipangaï, installés dans la ville du Port à la Réunion. Il y a une réelle culture de l’animation ici, ce dont je n’avais pas connaissance avant. C’était vraiment intéressant de venir sur l’île et d’y être complètement en immersion pour la création » explique, avec émotion, Simon Rouby, réalisateur d’Adama.
De plus en plus de projets en développement et en tournage
La politique portée par le Conseil régional La Réunion, Terre d’images, Terre de tournages semble commencer à payer ses fruits. Bien entendu, certains techniciens se plaignent encore du manque de volume de tournages, mais la hausse des plafonds de subventions accordées aux productions audiovisuelles place l’île à un bon niveau par rapport aux régions de Métropole les plus dynamiques. Le crédit d’impôt et ses réformes progressives, notamment en ce qui concerne celui de l’international, devraient permettre à davantage de productions étrangères de venir poser leurs caméras sur le sol volcanique de l’île. Car c’est aussi sans doute, grâce à un développement de collaborations avec des sociétés de production, situées dans un espace géographique de plus grande proximité, que cette politique volontariste pourra encore porter davantage.
« Nous croyons en un développement des liens qui unissent les îles Vanilles, (NDRL – comprenant notamment La Réunion, Madagascar, Les Comores, Mayotte, Les Maldives, les Seychelles, et l’île Maurice) » conclut le président de l’Agence Film Réunion.
La présence durant l’Éductour d’un producteur et d’une jeune réalisatrice sud-africaine va aussi dans le sens de ce développement de proximité. Après tout, Johannesburg n’est qu’à quatre heures d’avion.
L’AFR étudierait la possibilité de mettre en place des résidences d’écriture internationales dans les coins les plus isolés, mais aussi les plus féériques de l’île, comme le cirque de Mafate par exemple.
Preuve qu’à la Réunion, on est aussi conscient que le cinéma, la fiction télé ou encore le documentaire ont véritablement besoin d’auteurs. Des auteurs qui pourront peut-être s’inspirer des décors locaux pour y situer le cœur de l’action de leurs scénarios ?
Cut une série réunionnaise diffusée sur France Télévisions
La saga familiale à destination des 15/25 ans, diffusée sur France Ô et produite par ALP, en est à sa 3ème saison.
Chaque saison est composée de 70 épisodes de 26 minutes. Le financement est de 60 000 euros HT par épisode avec un apport majoritaire de la chaîne de France Télévisions. Le tournage mobilise environ 45 techniciens et 200 figurants sur une saison. Sur la quarantaine de rôles que comprend la série, 36 sont interprétés par des comédiens réunionnais. La région subventionne à hauteur de 350 000 euros HT par saison, soit 35 % des dépenses locales éligibles. L’île bénéficie des retombées économiques à travers l’ensemble des dépenses (nuits d’hôtels, restauration, locations de véhicules et d’appartements…) ainsi que d’une exposition de ses plus beaux sites touristiques. En effet, le réalisateur Stéphane Meunier (et oui celui du doc LES YEUX DANS LES BLEUS de 1998) qui a vécu sur l’île dans sa jeunesse, intègre des beauty, c’est-à-dire des plans qui présentent la beauté de l’île entre deux séquences dialoguées.
Les films récents qui ont été produits à la Réunion
Il y a eu de très nombreux tournages depuis l’emblématique Sirène du Missipi de François Truffaut, réalisé en partie sur l’île en 1969.
Voici une liste non exhaustive des fictions et documentaires réalisés récemment sur l’île :
- Long-métrages :
Belle comme la femme d’un autre de Catherine Castel
Rosenn d’Yvan Le Moine
Vendredi et Robinson d’Yvan Le Moine
- Téléfilm et séries :
Un autre monde de Gabriel Aghion
Signature d’Hervé Hadmar
Cut, réalisée par Stéphane Meunier
- Animation :
Kika et les Pixitoys de Bruno Channe-Kane
Adama de Simon Rouby
- Documentaires :
Europa, 40 ans d’aventure scientifique de Sami Chalak
Attaques de requins à la Réunion de Rémi Tézier