Le mariage du pixel et de la lumière

Pour l’une de ses récentes productions, Steve Duchesne, réalisateur mais également directeur de la photographie, a testé les dernières gammes d’optique Canon associées à la EOS C700 FF. Un entretien éclairant…
Steve Duschene a pu, durant ce tournage, mettre en avant les qualités de la caméra et des différentes séries d’optique Cine Prime et Sumire. © DR

 

Mediakwest : Pourquoi avoir choisi la gamme Canon EF Prime pour le tournage de cette série de films corporate de prestige pour un groupe hôtelier ?

Steve Duchesne : Pour ma part, j’estime qu’on ne choisit jamais une gamme d’optiques par hasard, on fait généralement une recherche pour plusieurs raisons : obtenir une qualité, notamment sur les teintes chair, un aspect fidèle des couleurs et pour trouver une certaine douceur à l’image. Ce qui est intéressant avec les Cine Prime c’est qu’elles sont polyvalentes et on peut ainsi les marier sur un boîtier full frame. Mes clients me demandent souvent de faire des photos et des vidéos. Là, j’obtiens le même résultat, le même rendu, tant sur la composition du cadrage que sur la qualité des images.

 

Spécifiquement pour ce film, il semble que vous ayez pris en charge le cadre, la lumière et la réalisation…

Oui, tout à fait, j’avais juste un assistant avec moi. En général, pour tout ce qui relève du domaine de l’hôtellerie, c’est moi qui m’occupe de la lumière. Je sais exactement ce que le client attend de moi en termes d’image et je sais comment l’obtenir avec les optiques Canon.

 

Sur le duo Canon C700 FF/optiques, quel est votre retour ?

Dans le contexte de ce tournage réalisé pour le groupe Hôtels Paris Rive Gauche, j’ai choisi de tourner avec une caméra C700 FF que je connaissais déjà pour l’avoir utilisée lors du court-métrage Inséparable sur lequel le talentueux directeur de la photographie, Tetsuo Nagata, l’avait notamment testée.

Le mariage entre l’EOS C700 FF et les objectifs Cine Prime constituait une configuration idéale pour répondre à ce type de projet, un accord parfait. Ce qui est appréciable avec cette caméra c’est que lors des tournages dans des lieux tels qu’un hôtel ou un studio, on retrouve différents types de lumière, aussi bien des tubes, que des tungstènes, du HMI, de la lumière économique, de la lumière naturelle. Et il faut savoir marier tout ça ! J’ai toujours eu un peu de réserve quant à modifier les fréquences d’une caméra, ce que l’EOS C700 FF contrôle parfaitement bien et donc me rassure.

 

Aviez-vous un kit important en lumière ? Comment avez-vous travaillé ?

Concernant le type de lumière, je n’en mets pas trop en fait, un petit peu de tubes, de la lumière focalisée de type Fresnel. Je m’adapte à la situation du décor. Surtout dans le luxe, nous travaillons dans des endroits assez sombres : chambres, spa, etc. J’aime bien mettre une base, mais pas éclater des lumières un peu partout parce que je cherche à garder l’esprit de l’établissement.

C’est donc de la boule Chimera, toujours une base en lumière douce avec des softbox et de la Fresnel. Après, j’aime beaucoup bidouiller, je travaille avec de la Cinefoil, je la déchire, je crée ainsi un peu de lumière sur les murs pour donner un côté créatif sans outre mesure.

 

Quelles principales qualités recherchez-vous sur une optique ?

J’œuvre principalement avec des optiques cinéma afin d’obtenir une qualité, un résultat cinématographique. Je travaille aussi avec des optiques Photo EF, j’ai déjà fait des films avec des boîtiers comme le 5D MKIV et d’autres, mais disons que je cherche à travailler vraiment avec des objectifs cinéma.

Par choix, mais aussi parce que les clients le demandent et qu’il ne faut pas les prendre pour des amateurs ; ils savent reconnaître une belle image. Quand un tournage se fait chez eux, généralement ils veulent voir où va leur budget. J’en suis ravi !

Je m’intéresse toujours à la fabrication d’une optique, sa facilité d’utilisation, son traitement et surtout à son bokeh ; c’est ce que je recherche avant tout, c’est l’arrière-plan qui m’intéresse. C’est lui qui va créer la texture pour maximiser l’ouverture de l’optique.

 

De quelle série, gamme d’optiques, disposiez-vous sur ce projet ?

J’avais les Cine Prime, les CN-E, la gamme complète, autrement dit les sept optiques : 14, 20, 24, 35, 50, 85 et 135 mm. Des optiques qui ont une ouverture incroyable à T 1.3.

 

Pourriez-vous entrer un peu plus dans le détail du projet, sa réalisation ? Comment les optiques vous ont-elles permis de réaliser vos souhaits, tant techniques qu’esthétiques ?

C’est vrai que j’ai un univers spécifique, j’adore le cinéma, je veux faire du cinéma. J’ai beaucoup voyagé, j’ai notamment évolué dans l’univers du tourisme où j’ai toujours eu l’habitude de travailler en photo avec des boîtiers full frame.

Avec l’essor du plein format ces dernières années, nous sommes nombreux à souhaiter tourner avec et je suis totalement conquis. Je peux enfin composer sans perdre mes repères. Nous n’avons pas forcément de marge de manœuvre afin de trouver le cadre parfait. Avec le full frame, ce n’est plus le cas, je gagne en image et en profondeur de champ. Et j’ai mon cadrage idéal !

 

Pourriez-vous nous détailler le type de film que vous venez de réaliser, en quoi consiste-t-il ? Quel est son propos ?

Le film est assez simple. Le groupe Hôtels Paris Rive Gauche, qui comptait à l’époque quatre établissements (cinq aujourd’hui), voulait des images assez créatives, mais pas corporate, un peu cinématographiques, tout en restant naturelles, en somme de belles images avec un rendu cinématographique.

 

Et les optiques utilisées ont permis de réaliser ces images ?

Absolument, les optiques mais aussi leur mariage avec l’EOS C700 FF, une belle caméra en termes de capteur, très sensible qui permet de travailler dans la pénombre. Ce fut super !

En fait, pourquoi avoir choisi la Canon EOS C700 ? J’y reviendrais peut-être tout à l’heure, mais aujourd’hui, si j’avais la possibilité de tourner avec une caméra, je prendrais le modèle EOS C500 MKII dont la qualité est à peu près similaire, mais qui est plus compacte et qui se faufile plus facilement partout. C’est vrai que la C700 est parfaite pour les tournages de fiction et qu’elle impressionne les clients par sa taille et par sa qualité.

 

Combien de jours a duré le tournage ?

Il nous fallait couvrir quatre établissements, donc il a fallu prendre le temps pour monter-démonter, tourner dans une chambre ou une suite, aller au cinquième étage, descendre au sous-sol, etc. Nous avons tourné en deux jours tous les intérieurs et consacré une troisième journée aux extérieurs. Un tournage vraiment intense mais la mise en œuvre de notre configuration nous a permis de gagner un temps précieux.

 

Quelle était la destination finale de ce film ?

Il est destiné à la communication interne du groupe hôtelier, le film est projeté dans le monde entier, il l’a été au salon du luxe Virtuoso qui se déroule chaque année à Las Vegas. Le film s’adresse aux commerciaux du monde entier qui vendent les établissements de luxe de la chaîne à Paris. Bien sûr, les images figurent également sur les sites respectifs des hôtels, les réseaux sociaux et sont diffusées lors de séminaires.

 

Sur vos prochains projets, envisagez-vous d’utiliser cette même série d’optiques ?

Oui, pourquoi pas ! Mais j’envisage davantage d’utiliser sur le montage en projet avec Universal Music, la gamme Sumire Prime sortie récemment. À l’époque des Hôtels Paris Rive Gauche, les Sumire Prime et la C500 MKII n’existaient pas. Aujourd’hui, je m’orienterais plus vers les Sumire Prime, car le rendu du bokeh me convient davantage et à mon sens le résultat offre une texture plus intéressante. Opinion toute personnelle ! Je leur trouve un côté vintage moderne que j’aime bien. De plus, c’est une nouveauté et moi, les nouveautés m’excitent toujours ! J’ai eu l’occasion de les tester dans des salons, je les ai eues en main dans le Customer Experience Center de Canon à Paris.

Je suis toujours intéressé de livrer à mes clients de l’exceptionnel. En règle générale, je m’intéresse beaucoup à la technique, qu’il s’agisse de machinerie, de la lumière, des outils de prises de vue et, bien évidemment, des caméras et optiques. J’aimerais bien concevoir mon futur projet avec cette gamme Sumire Prime impressionnante d’optiques. Quand on regarde dans le viseur ou le moniteur quelque chose se passe, surtout dans les arrière-plans. Il y a un bokeh sur le premier plan qui est complètement différent de l’arrière-plan et c’est assez déstabilisant. Mais c’est le bon côté des choses !

 

Et par rapport au finishing à l’étalonnage, comment cela s’est-il passé entre ce que vous aviez en tête, ce que vous voyiez dans votre viseur et, au final, lors de l’étalonnage ?

Cela correspondait ! Nous avions pratiqué quelques petits tests le matin. C’est une chance de travailler avec une super caméra comme l’EOS C700 FF. En étalonnage, en postprod, on retrouve une grande latitude des images enregistrées, tant dans les très hautes ou basses lumières, qu’en extérieur ou intérieur. C’est typiquement dans ce type de situation que l’alliance de l’EOS C700 FF et des optiques Cine Prime m’a impressionné. La gamme Cine Prime retranscrit parfaitement les couleurs, notamment sur les teintes chair. D’ailleurs Canon a toujours conçu de bonnes optiques, même en photo, avec un très bon rendu sur les teintes chair.

 

Quelles différences relevez-vous entre les gammes Prime et la dernière en date Sumire Prime ? Aujourd’hui, envisagez-vous de basculer entièrement sur les Sumire ? L’autre gamme vous intéresse-t-elle encore ?

En toute franchise, j’irais plus vers les optiques Sumire. Je les ai testées, je n’ai pas encore tourné avec, mais moi j’aime dire à un client : « Tenez, il y a une nouvelle gamme qui vient de sortir, ce serait bien que nous l’utilisions ». C’est mon côté commercial ! Et le client adore ce qui est nouveau !

Je vois des similitudes entre les deux séries relativement à leur ergonomie, aux focales disponibles. Lesquelles sont au nombre de sept sur les deux séries : 14, 20, 24, 35, 50, 85, 135 mm. Les ouvertures, elles aussi, sont identiques T1.3.

Je dirais que la différence entre les deux gammes se situe dans le rendu. La gamme Prime a un rendu un peu moderne, tandis que les Sumire affichent un look un peu plus vintage. Les effets du bokeh sont accentués et offrent vraiment une texture cinématographique, principale raison pour laquelle j’ai très envie de travailler avec les Sumire, même si la gamme EF Prime m’a vraiment conquis avec ses très belles images.

Mais lorsque Canon vous offre une nouvelle gamme, pas un up grade, vraiment quelque chose de totalement différent… je n’hésite pas ! Je me dirige vers cette nouvelle configuration, sans pour autant oublier les EF Prime ! Autre différence intéressante, si les EF Prime sont en monture EF, les Sumire, elles, sont interchangeables entre EF et PL.

 

Je me tourne vers vous, Vincent Heligon, responsable Réseau de distribution division broadcast et vidéo chez Canon. Comment positionnez-vous une gamme par rapport à l’autre ? Quels aspects techniques mettez-vous en avant ?

Vincent Heligon : La première chose est que ces deux gammes n’évoluent pas dans les mêmes prix. Les EF Prime représentent un super rapport qualité-prix entre le rendu d’image et les prestations des optiques qui sont avec des ouvertures vraiment au sommet dans cette catégorie. Il y a des optiques moins chères, mais honnêtement le ratio rendu-prix-investissement sur les EF Prime est top. Cela, dès lors qu’on est sur une caméra avec monture EF, puisqu’il n’y a pas de possibilité de les mettre en PL.

De l’autre côté, on a décliné la gamme Sumire avec, comme l’a expliqué Steve, ce traitement un peu différent. Leurs formats et ouvertures sont similaires. En revanche, côté rendu et esthétisme, nous avons cherché à travailler quelque chose dans le vintage. Nous ne clamons pas ce terme de « vintage », utilisé avec parcimonie en interne, parce que les clients pourraient ramener cela aux optiques Canon K35 et on ne veut pas les décevoir, ce n’est pas ce que des optiques K35 Canon pouvaient proposer. Nous restons dans quelque chose d’assez moderne, mais avec un modelé plus présent qu’avec une optique photo.

Sur les Sumire, nous avons renforcé cet effet de flou, notamment dans les pleines ouvertures, donné un côté plus cinématographique, plus « vintage ». Comme l’a souligné Steve, les Sumire ont l’atout de pouvoir être en PL d’origine, on peut donc optionnellement les monter en EF. Et même si elles sont objectivement plus chères que les EF Prime, le prix de ces séries demeure très correct par rapport à ce qu’on rencontre sur le marché. Un an après leur sortie, les Sumire sont maintenant chez des loueurs, tout comme les EF Prime. Le fait qu’elles soient en PL signifie qu’elles sont parfaitement compatibles avec les caméras dites « cinéma », tout comme la qualité du traitement dont elles ont fait le soin, les fait « monter en classe ».

 

Ces objectifs sont-ils conçus sur mesure ? Leurs délais de livraison sont-ils très importants ?

Globalement, nous ne sommes pas sur les délais habituels en matière d’optiques cinéma. L’attente dure parfois six mois ailleurs, voire beaucoup plus. Nous avons l’avantage d’être des opticiens, d’avoir la capacité à produire de forts volumes. Ce qui n’empêche pas qu’à des moments, il faudra attendre quelques semaines, surtout que sur nos chaînes passent différents produits. En général, nous sommes sur une moyenne de deux à trois semaines, voire quatre semaines maximum, ce qui reste court pour ce type de produit. Là, je ne parle que du cas le moins favorable ! Nous disposons, bien évidemment, d’un bon niveau de stock, au niveau de Canon Europe notamment, et dressons des prévisionnels pour pouvoir répondre très vite aux demandes.

 

Quels sont les loueurs parisiens déjà équipés ?

PhotoCineRent est d’ores et déjà équipé des deux gammes (EF Prime et Sumire), mais nous sommes en train d’équiper les autres loueurs possédant déjà la gamme EF Prime. Nous espérons avoir l’occasion de continuer à mettre en avant ces optiques qui s’adressent néanmoins à une niche du marché. Il nous faut arriver à trouver notre place, un travail de longue haleine puisque nous sommes aussi sur un marché cinéma très conservateur. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : partout, dans toutes les mains où passe cette gamme, le rendu satisfait, il bluffe ! Et les utilisateurs mettent cela au regard de l’investissement nécessaire.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #39, p. 32-35. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.