L’équipe conceptrice du Dyvi a déjà une longue expérience des mélangeurs vidéo derrière elle, puisque la majorité de ses membres a fait partie du département mélangeur de Grass Valley en Allemagne, lui-même héritier des marques Bosch, puis Philips. Elle est repartie d’une feuille blanche pour définir l’architecture interne du Dyvi. Habituellement, un mélangeur vidéo est constitué d’une association de circuits FPGA, chacun remplissant une fonction élémentaire : mix/effect, keyer, DVE, grille, correction d’image. Ce sont les caractéristiques de ces circuits et leur quantité qui définissent sa puissance. Celle-ci est fixée lors de sa conception et devient un paramètre rigide avec lequel le réalisateur devra jongler pour obtenir les effets souhaités.
Les concepteurs du Dyvi ont choisi de s’appuyer sur les technologies informatiques et le cœur du mélangeur est constitué d’un puissant serveur tournant sous Linux associé à un processeur graphique NVidia série 6000. L’ensemble des traitements vidéo sera assuré par ce GPU et sa puissance sera répartie de manière beaucoup plus souple entre toutes les fonctions élémentaires du mélangeur. Si les effets DVE 3D souhaités sont complexes, les possibilités de Chroma Keyer sont alors plus limitées. À l’inverse, de nombreuses corrections d’image réduiront les effets ou l’empilement de plusieurs keyers. Cette répartition de la charge de calcul des effets est ajustable en permanence et évolue au fil du direct, selon les phases du programme.
Une architecture de type PC associée à un GPU
Pour aider le truquiste à surveiller comment est exploitée la puissance de calcul du GPU et ne pas en dépasser sa limite, un barregraph affiche en permanence la quantité de ressources du GPU mise à contribution. À lui de réajuster la combinaison des effets et leur complexité pour éviter de le saturer. Les ingénieurs de Dyvi ont ajouté une seconde sécurité avec un mécanisme de réduction du taux de rafraîchissement des images sur des éléments du compositing. Dans une prochaine version, cette réduction de la cadence des images pourra être affectée au choix à certains éléments ou sur certaines sorties, par exemple les retours plateau, afin de préserver la qualité sur les éléments principaux ou la sortie programme.
L’unité centrale du mélangeur, dénommée « processing module », contient les cartes d’entrées/sorties vidéo conçues en interne. Elles fonctionnent dans les résolutions SD, 720p, 1 080i et 1 080p. Le processing module (PM) offre une capacité totale de trente-deux entrées et de seize sorties. Deux sorties multiviewer (connecteurs DVI ou DisplayPort) sont également disponibles, offrant un affichage total de trente-deux signaux selon une disposition reconfigurable au choix du réalisateur. Elles affichent également les signaux de tally, les niveaux audio, le time-code, un outil de mesure vidéo (profil et vecteurscope) et une horloge.
Associer plusieurs « processing modules » par réseau
Le processing module est pourvu de deux interfaces réseau équipées de modules QSFP + avec un débit de 40 Gb/s. Ils permettent d’associer deux ou plusieurs PM dans un système unique associant leurs entrées/sorties et leur puissance de traitement pour offrir un mélangeur encore plus puissant. Plusieurs architectures sont possibles avec, au choix, deux unités installées côte à côte et reliées via une liaison cuivre. Toutes les entrées/sorties de l’un et ses capacités de traitement sont partagées avec le second module et vice versa. L’augmentation des capacités est totalement transparente pour l’utilisateur. Si les unités sont placées dans des locaux distants, la liaison sera assurée par fibre optique. À partir de quatre unités, les liaisons passent par un switch 40 Gb/s. Dans cette liaison, transitent les signaux vidéo, les tally, les signaux de commande du système et du transport IP pour tout autre signal de pilotage ou de contrôle des équipements.
Ces capacités d’échange à distance entre deux PM semblent désigner le Dyvi comme outil idéal de « remote production ». Mais Christophe Almeras, product manager Dyvi chez EVS, reste prudent sur un tel usage du Dyvi : « La remote production, tout le monde en parle et semble intéressé. Mais les réseaux longue distance sont aujourd’hui plutôt orientés vers la contribution. Le Dyvi est basé sur une architecture distribuée qui nécessite soit des fibres noires, soit des longueurs d’onde sur des liaisons DWDM qui existent, mais que les opérateurs ne mettent pas toujours à disposition. C’est pourquoi nous nous orientons pour l’instant vers des architectures à courte distance (quelques kilomètres) et nous attendons avec impatience que les réseaux longue distance soient plus disponibles. »
Christophe Almeras préfère mettre l’accent sur des architectures de production distribuées, comme pour la couverture de grands événements sportifs, les courses automobiles ou les compétitions de ski. Le car vidéo secondaire affecté à une partie du circuit est simplement remplacé par un processing module sans personnel de production, puisque tout le monitoring et les commutations sont ramenés au module principal. Autre situation où cette modularité apporte toute sa puissance, un centre de production multistudio où chaque plateau est équipé d’un mélangeur Dyvi. Sa puissance est renforcée par l’ajout temporaire d’un PM additionnel d’un autre plateau pour une réalisation plus sophistiquée avec des moyens plus étendus.
Un pupitre dédié associé à une interface graphique
Pour l’interface homme-machine, on retrouve le traditionnel pupitre de mélangeur organisé avec ses barres de mix effects et les panneaux dédiés au contrôle des DVE. Deux écrans tactiles LCD de 7 pouces y sont incorporés pour effectuer les paramétrages fins des transitions ou des effets. Mais compte tenu de leur taille, ils sont réservés plutôt à des rappels de mémoire ou à des modifications de dernière minute en cours de production. Pour obtenir une maîtrise totale de l’ensemble des effets, il est préférable d’utiliser un écran externe informatique, éventuellement tactile, qui affichera la totalité des menus et options dans une interface extrêmement complète. La surface de contrôle est équipée de touches lumineuses colorées, affectées soit à des sources directes, soit à des fonctions élémentaires d’effets ou enfin à des macro-commandes. Leur couleur varie selon leur fonction et attribution. Deux rangées d’afficheurs Oled alphanumériques et graphiques permettent de contextualiser le fonctionnement des touches du pupitre.
L’organisation des touches du pupitre est totalement modifiable en fonction du type de production : accès direct en cut à de nombreuses sources comme pour du sport Live ou au contraire privilégier le rappel d’effets complexes pour une émission de variétés. Le basculement d’une configuration à une autre est extrêmement rapide et peut s’exécuter en cours d’émission sans perturber le final.
Des fonctions orientées compositing
Pour ne pas déconcerter les futurs utilisateurs, les concepteurs du Dyvi ont gardé l’organisation traditionnelle du pupitre et préservé ce qui fait sens dans le travail de conception des effets. Mais avec la puissance offerte par le GPU, ils ont choisi d’organiser la composition des effets sous forme d’objets avec des combinaisons illimitées. Dans ce but, l’interface graphique sur l’écran de préparation des effets se rapproche des outils de compositing et offre une souplesse inégalée par rapport à un pupitre traditionnel. Selon l’approche et l’expérience du réalisateur, le pupitre avec son organisation logique reflète la structure interne habituelle du mélangeur vidéo et se veut rassurante.
Malgré la réaffectation totale des touches, le Dyvi au lancement se charge avec une configuration standard classique avec des barres de mix/effect (appelées ici « stages ») et la barre de transition preview/programme. Avec une logique opérationnelle en cascade indépendante du processing, il est possible de préparer les effets avec une méthodologie plus proche des logiciels de compositing et ensuite d’affecter chaque élément constitutif à une touche du pupitre. Christophe Almeras explique que « le Dyvi est un puissant outil de compositing traitant la vidéo provenant de sources SDI en temps réel et en plus avec un pupitre de réalisateur ».
Des macro-commandes sont programmables et affectées à n’importe quelle touche du pupitre. Plusieurs peuvent être lancées simultanément et peuvent contenir des boucles. Des fonctions conditionnelles sont disponibles et déclenchées sur n’importe quel élément géré dans le mélangeur : le time-code, un numéro de source à l’antenne, un niveau. Bientôt il sera possible de le déclencher sur des métadonnées externes codées par exemple en XML.
Le mélangeur Dyvi dispose également d’un espace de stockage capable d’enregistrer ou de lire par PM 8 canaux vidéo + key avec une capacité de quatre minutes de séquences HD. Il stocke également une librairie d’images fixes de cent images + key. Ils peuvent être échangés avec des clés ou disques externes accessibles par port USB.
* Cet article est paru pour la première fois en intégralité dans Mediakwest #16, pp. 54-55.
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