Les Misérables… «Les contraintes apportent la créativité»

Les Misérables représentera la France lors de la cérémonie des Oscar 2020, le long-métrage de Ladj Ly vient en effet d’être sélectionné parmi les 10 films retenus dans la course à [...]
Un film délicat à produire. Il ne répondait pas à de nombreux critères : pas de casting, un drame, un premier film. © SRAB Films-Rectangle Productions-Lygly Films

Les Misérables représentera la France lors de la cérémonie des Oscar 2020, le long-métrage de Ladj Ly vient en effet d’être sélectionné parmi les 10 films retenus dans la course à l’Oscar du long métrage international… Sorti sur nos écrans le 20 novembre dernier, il a rassemblé plus d’1,4 million de spectateurs en France et distribué aux Etats-Unis par Amazon Studios, il arrivera sur les écrans américains le 10 janvier prochain…

 

Toufik Ayadi et Christophe Barral sont les heureux producteurs de ce premier long-métrage de Ladj Ly, triplement récompensé au dernier Festival de Cannes (prix du Jury, et deux prix Vulcain de l’Artiste-Technicien décernés par la CST à Flora Volpière et Julien Poupard). Retour avec eux sur cette aventure d’un premier film délicat à produire…

 

Comment produisez-vous un premier film ? Quelle est votre stratégie ?

C’est avant tout accompagner un réalisateur. Nous l’accompagnons en partant d’un court-métrage. Cela permet de se caler, c’est un vrai laboratoire. En France, nous avons la chance d’avoir un système de financement solide. Nous avons repéré Ladj grâce à ses documentaires autoproduits qu’il diffusait sur YouTube. Nous l’avons contacté via Facebook et nous avons produit son court-métrage Les Misérables, qui a été nommé aux César et a récolté de nombreux prix. Ensuite, quand on passe au long-métrage, on entre dans un vrai marché avec des ambitions plus fortes et se pose alors la question du financement. Nous n’avons pas eu l’aide du CNC, mais celle de Canal+ a été décisive et celle de la Région Ile-de-France.

 

Quelles ont été les principales difficultés ?

C’est un film délicat à produire. Il ne répondait pas à de nombreux critères : pas de casting, un drame, un premier film. Il faisait aussi partie de ces films dont le scénario peut être lu de nombreuses manières. Notre rôle est aussi de donner notre point de vue de cinéphiles et de financiers sur les différentes phases du scénario, en l’occurrence Ladj Ly est aussi scénariste.

 

Quel a été votre rôle concrètement ?

Nous accompagnons le réalisateur et l’aidons à contourner la moindre embûche. Le but est qu’il puisse faire le film qu’il a en tête. Nous finançons le film ; pour Les Misérables, c’était compliqué. Il y a eu beaucoup de contraintes financières, la mise en scène et l’équipe technique ont fait preuve d’ingéniosité. Un budget restreint réduit le temps de préparation, de tournage, ainsi que toute souplesse. Nous avons choisi Laurène Ladoge, la directrice de production, une personne très humaine, le chef opérateur Julien Poupard, qui s’est très bien entendu avec le réalisateur. Une partie de l’équipe a été composée par Ladj. Nous avons tourné en trente jours à Clichy-sous-Bois, majoritairement en extérieur, pendant les vacances d’été. C’est beaucoup pour un film au budget de 1,5 million d’euros.

 

Qu’est-ce que vous auriez aimé avoir en plus sur le tournage des Misérables ?

En fait, rien. Il y a certes eu des manques, mais vu comment cela se passe pour le film, s’ils avaient été comblés, nous aurions fait un autre film et peut-être n’aurait-il pas fait ce chemin. Les contraintes apportent la créativité et permettent la liberté.

 

Est-ce que les prix cannois, notamment le prix du Jury, sont importants pour la sortie en salles ?

Cela donne une notoriété mondiale. C’est important.

 

Qu’il sorte dans si longtemps n’est-il pas un frein ?

Le distributeur veut prendre le temps de bien l’installer, c’est un film qui n’est pas classique, malgré son apparence.

 

Quels conseils donneriez-vous à un jeune producteur ?

Il faut qu’il croie à son projet et s’il sent que c’est compliqué, qu’il se fasse épauler par d’autres producteurs : le plus important est d’arriver à faire le film. Il n’y a pas vraiment d’école. En France, il y a des profils très différents entre ceux qui ont fait une école de commerce et ceux qui travaillent sur le terrain. J’ai commencé par la régie et Christophe a fait la Femis en production.

 

Comment voyez-vous ce métier au quotidien ?

En France, nous sommes des artisans, des indépendants. Nous faisons tout ensemble, de l’artistique aux finances, nous parlons d’une seule voix. Nous avons grandi aux Films du Worso, chez Sylvie Pialat, où nous avons produit tous nos courts-métrages. Nous avons été à bonne école. Nous avons créé Srab Films il y a maintenant trois ans et produit quatre longs-métrages. À chaque film, nous découvrons des univers grâce aux auteurs, c’est passionnant.

 

En bref

Les Misérables

Date de sortie : 20 novembre 2019

Réalisateur : Ladj Ly

Producteurs : Toufik Ayadi et Christophe Barral (Srab Films)

Chaînes : Canal+

Soutiens : Ile-de-France

Distributeur : Le Pacte

Vendeur international : Wild Bunch

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #1, p.72/73. Abonnez-vous à Moovee (4 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.