Quelques récents modèles d’appareils de prises de vues en vidéo à 360 ° ont occupé les chroniques spécialisées au cours des derniers mois, avec leurs formes futuristes inattendues, leurs performances… et la simplification de leurs modalités de mise en œuvre. Pour parler de l’une des dernières nées, il faut d’abord évoquer une société française qui s’est taillé une réputation d’excellence dans un domaine hautement spécialisé.
Un nouveau besoin pour la vidéo à 360°
Le nom de la petite société française, VideoStitch, fondée en 2011 par Nicolas Burtey, un expert technique du sujet, est associé au terme qui désigne les solutions de stitching vidéo : des outils logiciels d’assemblage (stitch) numérique dédiés à la couture précise du patchwork des vues vidéos numériques délivrées par les grappes d’équipements employées pour les prises de vue à 360 °.
De nombreuses expériences de captures d’images animées à 360 ° ont été menées avec des assemblages concentriques de mini-caméras sportives (souvent de type GoPro) ou d’appareils photos numériques reflex (ex : boîtiers et objectifs Canon) groupés en ronde d’observation, pour couvrir le plus largement possible le champ de vision à partir d’un point de vue unique. Les caméras sont positionnées avec précision sur leurs axes respectifs grâce un support mécanique dédié qu’on appelle le rig.
Le nombre de ces caméras pouvant varier de 2 à 16 (et parfois plus), il est nécessaire d’appliquer un traitement vidéo numérique d’assemblage « bord à bord » des vues adjacentes. Un traitement logiciel de hautes performances reconnaît et accole, au pixel près, le contenu visuel de la scène dans les zones de recouvrement des vues attenantes, tout en synchronisme avec la cadence des signaux vidéo pour raccorder chaque vue à celles qui la complètent sur chacun des côtés (à droite et à gauche), et parfois en élévation (dessous et dessus). Ce processus de prises de vues multiples nécessitant d’être raboutées est depuis plusieurs années à l’origine du besoin d’application de stitching pour l’enregistrement, ou la distribution en flux des vues immersives.
Des logiciels de raboutage… à Orah 4i
Deux outils logiciels ont grandement contribué au succès de l’entreprise : c’est d’abord VideoStitch Studio, destiné au traitement des images vidéo à 360 ° en postproduction. Le logiciel existe depuis 2013, et une dernière mise à jour cet automne en version 2.2 fait encore évoluer ses performances. Pour la vidéo Live, existe aussi Vahana VR, capable de reconstituer l’image à 360 ° en temps réel pour une diffusion en direct.
Ces deux solutions sont déjà utilisées dans plus d’une soixantaine de pays à travers le monde. Et, jusque-là, il n’était pas rare d’entendre les équipes chargées de la mise en œuvre des systèmes VR en direct sur le terrain se plaindre des aléas de fonctionnement provoqués par la complexité de l’assemblage mécanique, et des câblages nécessaires au fonctionnement des nombreuses caméras.
Nicolas Burtey, fondateur et président de l’entreprise, explique les raisons qui l’on conduit à concevoir un système VR intégré : « Jusque-là, la production de vidéos Live en VR reposait sur des assemblages astucieux de petites caméras ; la pratique nécessitait un grand nombre de câbles, d’alimentation électrique et d’accessoires qui compliquaient la mise en œuvre. Orah 4i est un système qui simplifie les opérations sur le terrain et permet aux créateurs de se consacrer aux contenus. Nous avons conçu une solution capable de délivrer un flux vidéo live à 360 ° en définition 4K vers les plates-formes de réalité virtuelle en appuyant simplement sur un bouton. »
La sensation d’immersion du spectateur dans la scène est, bien sûr, conditionnée par le réalisme de l’image sphérique qui s’offre au parcours personnalisé de son regard. La perception de l’espace sonore est tout aussi importante, avec un positionnement cohérent des origines sonores (sources et réflexions) dans le volume visuel reproduit : à partir de ses quatre micros invisibles couplés aux objectifs, la petite caméra Orah 4i est capable de délivrer un son binaural ambisonic 3D qui, écouté au casque, place le spectateur au milieu des bruits et voix de la scène active.
Orah 4i arrive sur le marché
La société VideoStitch est basée à Paris où se trouve son département de recherche et développement logiciel : et en cette fin d’année 2016, elle change de nom pour s’appeler désormais Orah. Avec sa trentaine de collaborateurs, elle est aussi présente en Californie à Los Angeles, et à Sunnyvale, près de San Francisco.
Au mois d’avril 2016, elle annonçait l’arrivée d’une nouvelle caméra VR compacte : la petite caméra Orah 4i et ses quatre lentilles (4i, en phonétique, indiquant « four eye »), dédiée à la diffusion en direct de vues à 360 ° à destination des casques immersifs à partir de plates-formes web spécialisées. Un formulaire de pré-vente permettait dès lors de commander le système (www.orah.co/) à un tarif préférentiel de 1 795 dollars, au lieu du prix normal de 3 595 dollars annoncé par le constructeur, et ce, pendant une durée limitée.
Les spécialistes constataient d’entrée que ce positionnement tarifaire destinait Orah 4i au marché « prosumer » ; pour mémoire, le récent modèle OZO est proposé par Nokia à un tarif de l’ordre de 45 000 dollars après une baisse de tarif importante (la caméra à 8 capteurs, fonctionne en 360° 2D ou 3D).
Au salon IBC d’Amsterdam en septembre, un arrêt sur le stand Orah permettait de voir la petite caméra à l’œuvre : la surprise venait de la simplicité du dispositif, avec ce petit boîtier compact, simplement monté sur la tête d’un trépied normal (comme un simple appareil photo compact), relié simplement à son boîtier de traitement – et alimenté – par un seul câble ethernet. Un dispositif qui donnait un soudain « coup de vieux » aux complexes rigs multicaméras qui équipaient encore bon nombre des stands voisins… et qui montrait la mise en œuvre de la VR sous un jour plus abordable.
L’objectif du constructeur est de rendre la capture d’images et de son en VR simple, rapide à mettre en œuvre et opérationnelle, afin de permettre un développement rapide des plates-formes donnant accès aux contenus dans ce nouveau paradigme audiovisuel transmédias.
Les quatre optiques fish-eye en quadrature éclairent des capteurs de 2 048 x 1 536 pixels (définition 2K) chacun. La vue assemblée présente une image de définition maximale de 4K pour 30 i/s en direct. En visionnage sous un casque d’immersion audiovisuelle, les 4800 x 2 400 pixels, qui peuvent être restitués au mieux en postproduction, ne suffisent pourtant pas vraiment à rendre invisible la trame des pixels.
Les ajustements de l’exposition et de l’équilibre colorimétrique sont automatiques ; la vidéo est compressée en format H264 avec un débit de 50 Mb/s pour être délivrée en flux vers un CDN ou une plate-forme vidéo comme YouTube, ou enregistrée en local sur un support mémoire amovible au format SD-Card. Sur le boîtier (27 x 13 x 26 cm), fonctionnant sur le secteur en 110 ou 220 V, un module POE (Power Over Ethernet) délivre la tension d’alimentation de 48 V sur le câble ethernet vers la tête de caméra (80 x 70 x 65 mm).
Déjà effectives ou encore annoncées, les commercialisations des nouveaux modèles de caméras et de casques de réalité virtuelle, fabriqués par des constructeurs renommés, démontrent un élan de la vidéo à 360 ° sur le marché des équipementiers.
Le 15 novembre dernier, Sony organisait au Museum of Art & Design de New-York une soirée de prestige pour promouvoir son service Crackle de VOD en streaming. Sur la scène, l’évènement était capté par une caméra Orah 4i pour être retransmis en live-streaming sur Internet (voir le résultat ici) ; une belle mise à l’épreuve pour la petite dernière venue sur le terrain de la VR.
* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #20, p.28-29. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.