Comme aime à le dire Grant Petty, CEO de Blackmagic, il est très facile de devenir « accro » aux poussées d’adrénaline provoquées par la réalisation d’événements « live ». Jusqu’à une période pas si lointaine, l’investissement nécessaire à cette expérience était telle qu’elle restait réservée à un public restreint.
Comme à son habitude, la première des préoccupations de Blackmagic, après avoir investi dans le rachat d’Atem, a été de démocratiser les produits et, très vite, la seconde fut de s’atteler à la conception d’un produit que l’on pourrait qualifier d’entrée de gamme dans l’univers du multicam. Mais comme le concept dorénavant bien rodé l’exige, chez Blackmagic entrée de gamme ne signifie pas réduction de la qualité ; l’adage est vérifié ici.
Le premier produit développé a donc été l’Atem Television Studio, commercialisé depuis 2013 (cette version est encore aujourd’hui disponible à la vente). Le concept tient dans une partie matérielle et un logiciel de pilotage.
Aujourd’hui, la deuxième version de ce produit nous est proposée par Blackmagic ; ou plus précisément deux déclinaisons, deux variations autour de ce produit : l’Atem Television Studio HD et l’Atem Television Studio pro HD. Nous avons eu le plaisir de passer quelque temps en compagnie du petit modèle pour vérifier les promesses annoncées.
Description
Ce qui est nouveau par rapport au modèle original, c’est la présence, sur ces deux mélangeurs, d’une interface physique pour la commutation des sources et l’intervention dans les menus. Le modèle de base mesure 28 cm de large, 4,4 cm de haut et moins de 18 cm de profondeur pour un peu moins de 1,5 kg. Tout petit boîtier donc, à l’arrière duquel on trouve néanmoins une connectique complète pour un appareil de ce prix : quatre entrées HDMI, quatre entrées/sorties SDI (explication à suivre), une entrée REF et deux entrées audio sur XLR.
Au rang des sorties : une sortie PGM, une sortie Aux sur SDI et une sortie multiview en SDI et en HDMI. Pour le pilotage et la connexion aux ordinateurs, nous disposons d’une prise RJ45, une prise USB et une prise remote en RS422. L’alimentation est intégrée dans le boîtier et un connecteur schuko se trouve donc également à l’arrière du boîtier.
À la différence du précédent modèle, sa largeur ne correspond pas à l’intégration dans un rack. On peut cependant, pour ce faire, acquérir une équerre « Teranex Mini Rack Shelf », qui accueillera l’Atem Television Studio HD et un second produit de taille « mini », par exemple un hyperdeck studio mini ou un web, également testé dans ce numéro.
Les sources acceptées vont de la définition standard jusqu’à la haute définition en 1080p59,94.
Il suffira aux diverses sources que l’on connectera directement au boîtier d’être paramétrées avec les mêmes caractéristiques (en 1080p25 ou 1080i50 par exemple). Il n’est pas nécessaire que ces sources soient synchronisées.
La façade, illustration de la différence de ce nouveau modèle, arbore huit boutons « traditionnels » de sélection des entrées vidéo. Au-dessus de ces derniers, une paire de petits boutons dédiés à l’audio par entrée : AFV et On.
Audio
Habituellement, le mixage audio est déporté via un poste dédié avec son propre matériel. Mais comme les produits de Blackmagic, notamment de par leurs budgets, démocratisent et bouleversent les paradigmes, Blackmagic a souhaité permettre aux utilisateurs de gérer l’audio directement via ce boîtier.
L’onglet audio du logiciel de contrôle permet de mixer le son des huit entrées caméras sur SDI ou HDMI, des entrées audio XLR et de l’entrée micro. Les pistes audio sont validées par le bouton On ; l’acronyme AFV signifie Audio Follow Video (en français : « l’audio suit la vidéo »). Pour les pistes relatives à cette fonction, l’audio est inclus lorsque la piste est validée en vidéo. Le mix final possède son propre fader ; il est intégré à toutes les sorties. Les boîtiers Atem gèrent le protocole Mackie, le mixage peut donc être pris en charge par une surface de contrôle externe.
Point fort de la solution, surtout lorsque l’on connaît le tarif des solutions habituelles d’Intercom, Blackmagic propose ici aussi une solution intégrée très ingénieuse. Le protocole SDI (HD ou SD) propose 16 canaux audio, rarement tous utilisés. Les canaux 15 et 16 ont été détournés pour le réseau d’ordre. Cependant, cette fonctionnalité est accessible aux caméras Blackmagic Studio.
Et voici le grand intérêt des entrées sorties SDI sur BNC. Lorsqu’elles sont connectées, le SDI Out du boîtier envoie le signal audio du réalisateur, le tally et le contrôle de la caméra. Connaissez-vous le mix minus ? Pour ne pas perturber les reporters sur le terrain qui seraient filmés par la caméra, le réseau d’ordre intègre ce fameux « mix minus », qui est donc le mix audio sans la voix du reporter, laquelle serait décalée.
Pour conclure cette description des possibilités liées à l’audio, vous apercevez également sur le boîtier un mini vumètre composé de quatre Led (deux vertes, une orange et une rouge). Cela demeure assez rudimentaire… les vumètres du logiciel de contrôle et ceux intégrés à la sortie multiview pour chaque source, et également pour la sortie PGM, seront préférables pour tout réglage précis.
Les autres touches de la façade
Explorons plus avant l’interface du boîtier et ses sélecteurs. Juste avant le mini moniteur, on trouvera six touches de contrôle et de gestion des sources externes. Les touches Cut et Auto permettent de « switcher » entre la source en cours de diffusion (PGM) et la source en préparation sur la barre Preview. En Cut on passe sans transition, avec Auto on utilise la transition choisie.
Les touches MP1 et MP2 (media player) donnent accès aux images mises en mémoire. Chaque banque peut contenir vingt images pouvant inclure un canal alpha aux formats PNG, TGA, BMP, GIF, JPEG ou TIFF. Ces images peuvent donc être diffusées directement en plein cadre ; elles peuvent aussi être intégrées aux keyers pour les superposer à la vidéo.
Un plug-in Photoshop permet de créer des habillages fixes avec ce logiciel incontournable et les envoyer directement dans le média pool de l’Atem pour une intégration en un tournemain. À droite de l’écran LCD, un sélecteur rotatif et deux touches permettent d’accéder aux autres options et de les modifier. La touche Aux permet de sélectionner ce que l’on souhaite envoyer sur la sortie SDI du même nom.
Logiciel de contrôle
Si on souhaite aller plus loin, on pourra très rapidement accéder aux fonctionnalités offertes par le logiciel de contrôle, bien plus complet. Pour cela, il faut d’abord connecter le boîtier à l’ordinateur (Mac ou PC) qui le pilotera, via une prise RJ45 (soit directement, soit via un réseau local) et faire quelques réglages réseau simples sur l’ordinateur. Pour mettre à jour le logiciel interne du boîtier, on devra également le connecter à l’ordinateur en USB.
Quatre panneaux principaux composent ce logiciel
Le premier « mélangeur », donne accès à toutes les fonctionnalités présentes sur un mélangeur professionnel selon un design habituel à ce type de produit. Depuis la première version de l’Atem Television Studio, une solution a été mise en œuvre par quelques ingénieux professionnels : l’utilisation d’un écran tactile pour actionner les boutons « virtuels » dessinés sur l’écran.
Cette page nous permet de choisir les transitions et de les paramétrer ; on pourra même les prévisualiser avant le passage à l’antenne afin de s’assurer que tout est bien configuré. Elle permet également de piloter jusqu’à quatre lecteurs multimédias hyperdeck, et préparer de beaux ralentis.
La page média permet de gérer les deux bibliothèques médias, avec le choix et la visualisation de chacune des quarante images (deux fois vingt). Si vous utilisez des Blackmagic Studio Camera ou URSA mini, vous pourrez les contrôler via la page dédiée du logiciel, cela grâce à la liaison entre la sortie SDI du mélangeur vers les entrées SDI de ces deux modèles de caméra. Vous maîtrisez alors la balance des couleurs grâce à l’outil de correction colorimétrique primaire de DaVinci Resolve, ainsi que la mise au point, l’IRIS et le shutter speed.
Fonctions évoluées
Au niveau incrustation, un superbe outil d’incrustation en amont, pour les fonds verts ou bleus par exemple, et avec deux outils d’incrustations en aval, les « downstream keyers » DSK 1 ET DSK 2 permettent d’intégrer divers éléments d’habillage, logos ou bandeaux de synthés. Pour gérer des ensembles d’opérations trop complexes ou stressantes à gérer en direct, un outil dédié permet de créer et d’exécuter des macros.
On a déjà parlé de la connexion du boîtier à un ordinateur via un câble réseau. Pour augmenter les possibilités de l’ensemble, on peut connecter en réseau le boîtier et plusieurs ordinateurs. Chaque ordinateur prendra alors en charge des fonctionnalités différentes : commutation, bien sûr, mais également mixage, préparation des habillages (synthés) et contrôle des caméras.
Pour sauter le pas dans le monde de la production multicaméra live, ces produits décomplexent totalement l’utilisateur. Si vous disposez déjà de caméras et que vous souhaitez créer un système à moindre coût pour la réalisation multicaméra, vous pouvez utiliser le boîtier Atem seul. Dans ce cas, si vous souhaitez accéder à des fonctionnalités supplémentaires tels les indispensables réseaux d’ordres vous devrez trouver des solutions du marché – souvent onéreuses – ou vous diriger vers des alternatives ; par exemple l’utilisation de talkie-walkie ou équivalent.
C’est dans le cadre de la création d’une régie complète que l’offre de Blackmagic est la plus intéressante grâce aux ingénieuses solutions d’intégration entre les différents produits de la marque, décrites ci-dessus (intercom, pilotage des lecteurs hyperdecks et contrôle caméras).
Et si vous souhaitez une véritable surface de contrôle plus « physique » qu’un écran tactile, pensez sérieusement à l’Atem Television Studio pro HD, qui est ni plus ni moins qu’un Atem Television Studio HD intégré dans un panneau de contrôle professionnel.
* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #22, p.66-67. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.