La Philharmonie de Berlin fait parte intégrante du patrimoine culturel et artistique allemand depuis plus de 100 ans. Cette institution comprend deux salles de concert, dont une salle de concert symphonique imaginée par Hans Scharoun, inaugurée au début des années 60. Herbert von Karajan, puis Claudio Abbado et plus récemment Simon Rattle ont dirigé en son sein l’Orchestre Philharmonique de Berlin.
La conception de la salle fut très novatrice, et nombre d’autres concepts architecturaux dans le monde s’en sont inspirés. La salle a la forme d’un pentagone et d’un chapiteau. Les spectateurs sont autour de l’orchestre avec différents gradins (d’ailleurs, on se perd facilement la première fois !). Les gradins sont plutôt des terrasses, ce qui donne une matrice propre à l’écoute et au partage. Musiciens et spectateurs se retrouvent proches. Le bois est très présent et l’acoustique parfaite. Le génie de l’architecte est d’avoir imaginé, dès la conception du bâtiment, la cabine d’enregistrement – idéale pour le projet audiovisuel.
La Philharmonie de Berlin est friande de technologie, elle a été le siège d’une des premières transmissions radiophoniques, a produit l’un des premiers disques, l’un des premiers CD audio (La 9e Symphonie de Beethoven) et a également initié la captation de ses concerts.
L’organisation est démocratique, tous les musiciens décident des grands chantiers, et si aujourd’hui la Philharmonie rayonne via sa chaîne de télévision, c’est que l’orchestre, notamment sous l’impulsion de son chef Simon Rattle, en a décidé ainsi à l’unanimité.
Simon Rattle (qui est arrivé en 2002 et vient de céder sa place) a œuvré pour ouvrir la Philharmonie ; il a mené un programme éducatif pour faire venir enfants et familles ; en 2006, il a entamé une réflexion sur la diffusion de contenus sur une chaîne YouTube et, en 2009, la Philharmonie a procédé à l’installation des premières caméras (des modèles Panasonic HD) et a commencé la captation systématique de ses concerts.
Un équipement en phase avec les exigences des musiciens
Filmer dans une salle de concert symphonique demande certaines règles, comme l’indique Robert Zimmerman, Chief Executif, Berlin Phil Media GmbH : « Les musiciens, bien que favorables à la captation, avaient un cahier des charges précis, pas de mouvements de caméra, pas d’éclairage et pas de caméraman. Cela veut dire qu’il fallait utiliser des caméras automatisées, connectées et pilotables à distance. Nous avons conçu l’architecture du dispositif et nous nous sommes adressés à Panasonic pour la fourniture des premiers équipements de la phase 1. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase encore plus ambitieuse car nous basculons vers un dispositif 4K UHD. »
La Digital Concert Hall est une chaîne OTT avec différents accès sur différents mobiles et TV (Apple TV, Smart TV Panasonic). L’ensemble des concerts est diffusé en live et disponible ensuite en VOD. Chaque saison, ce sont 40 concerts qui sont programmés en live. À ce jour, 500 heures de concerts sont disponibles dans la librairie. Chaque concert nécessite deux jours de répétitions (qui sont captées) et une journée pour la diffusion. L’accès est sur abonnement.
L’ensemble des moyens audiovisuels et de la production des concerts de la Philharmonie est administré par la Berlin Phil Media GmbH – qui travaille sur le projet Digital Concert Hall depuis deux ans.
« Le projet est ambitieux et visionnaire car à cette époque les standards HDR n’étaient pas finalisés. Nous étions dans un véritable programme de R&D. Les constructeurs attendaient la standardisation et il n’y avait pas d’essais en HDR. Cette collaboration avec Panasonic a pour ambition d’offrir aux mélomanes qui ne peuvent pas assister à un concert de le vivre pleinement grâce à la qualité sans compromis des images et du son », souligne Robert Zimmerman.
C’est durant l’été 2017 que fut déployée l’infrastructure 4K, les caméras 4K et la postproduction 4K, le studio étant hybride pour faire du HD live et un archivage en UHD. Durant l’été 2018, la seconde phase d’équipement s’est poursuivie avec l’intégration du mélangeur 4K qui va permettre de réaliser des transmissions en 4K live.
Les caméras sont exploitées en mode remote production. Elles sont toutes synchronisées pour permettre un montage à l’image près. Il y a une double sortie sur les caméras (4 x 3G-SDI en 4K/HDR) et (1 X 3G-SDI en HDSDR). Il y a neuf caméras dans la salle de concert, huit caméras contrôlées en remote 4K/HDR (HLG) modèle AK-UB300G) et une caméra de studio 4K/HDR (HLG) AK-UC3000GSJ.
Toutes les caméras sont équipées d’optiques Fujinon et 2/3 pouces et Canon HD Télé Zoom. Le remote control est silencieux pour ne pas perturber les musiciens. Pour un événement spécial, il est possible d’augmenter le nombre de caméras. Ces dernières sont connectées en fibre au studio 6, Toutes sont placées sur des têtes robotisées Vinten FH-35 et reliées à des pupitres de contrôle Panasonic AK-HRP 1005/1000.
Le Vinten Server System (HDVRC) permet de piloter et de mémoriser les positions des caméras et les optiques dans des mémoires. Le producteur peut rappeler les mémoires durant le live.
Les caméras UB-300 ont un grand capteur 1 pouce (capteur MOS) permettant d’avoir des pixels plus grands et ainsi mieux capter la lumière (car, rappelons-le, il n’y a aucun projecteur additionnel dans la salle de concert). La taille des pixels avec le capteur 1 pouce est de 3,4 µm (il serait de 2,5 µm avec trois capteurs 2/3 de pouce). Il a fallu adapter les optiques aux caméras (monture B4) avec un système d’agrandissement optique rendu possible sans déformation grâce à la qualité de fabrication des verres de Panasonic.
Le routage des signaux est fait par une grille UTAH 288 SDI qui achemine les signaux 4K (4 x 3G-SDI) et HD (1 x 3G-SDI). Il administre les signaux des caméras, les enregistreurs et players, les liaisons externes depuis et vers le bâtiment, les serveurs vidéo, le playout, le multiviewer, les processeurs de signaux et graphiques, embeddeurs et désembeddeurs, le mélangeur vidéo et les appareils grand public (écran, audio…).
La mise en place de l’architecture s’est faite par étapes. Ainsi, à l’été 2017, fut installé le mélangeur AV HS6000 HD 1080 50p. Pour créer et enregistrer un programme en UHD en parallèle, a été développé le plugin RCP3 qui permet de switcher les signaux des caméras 4K et de les enregistrer dans le serveur. Pendant sept mois des essais ont été faits en HDR.
Durant l’été 2018, le mélangeur a été remplacé par le Panasonic HS7300, permettant de réaliser les premiers lives en 4K. Le studio 6 (régie centrale) est équipé de six moniteurs Panasonic BT 4LH310 de 31 pouces 4K HDR et aussi de modèles 55 pouces grand public TX 55 EZW1004 Oled.
Les flux 4K sont enregistrés et ré-encodés sur huit serveurs Cinergy Video. La postproduction se fait sur Edius de Grass Valley (studio 7). L’encodage pour le live est fait sur un modèle de Rohde & Schwarz. Le serveur Cinergy placé dans les sous-sols du bâtiment est utilisé pour le stockage et l’archivage des contenus.
Le format de fichiers est double (Codec Production : AVC Intra Class 4K 422 HDR 10 bits à 800 Mbit/s etHQ Production Codec : AppleProRes HQ 4K/HDR 444, 12 bit à 1 500 Mbit/s). Un Aja KI Pro Ultra est utilisé en secours.
Une réalisation exigeante
Les caméras sont positionnées autour de la salle de concert. L’orchestre est présent au centre. Les microphones sont suspendus au-dessus de l’orchestre. Ce sont principalement des capsules Schoeps et Neuman. Selon les configurations musicales il y a entre 24 et 64 microphones. Les concerts sont diffusés en stéréo. Toutefois, deux à trois fois dans l’année la Philharmonie organise une captation destinée à une diffusion en Surround. Plusieurs tests ont déjà été faits pour de la VR.
L’acoustique est exceptionnelle avec une transparence du son, qui est précis et proche. Le temps de réverbération est de 2,1 s. et le matériau textile des sièges permet d’avoir une acoustique identique à celle de la salle pleine. Le son n’est pas amplifié. La scène peut accueillir jusqu’à 80 musiciens. L’enregistrement audio est séparé de la vidéo. Le son est mixé dans un auditorium séparé, et la régie vidéo reçoit le son mixé ; il est possible d’ajouter des canaux supplémentaires.
La réalisation d’un concert est différente de celle d’un autre spectacle vivant. Ici, tout est précis à la note près. Le réalisateur est assisté par un technicien qui commande les caméras. En fait, chaque caméra est programmée en amont (60 positions par caméra, stockées dans le serveur Vinten). L’une des difficultés est de s’assurer que les chaises n’ont pas été déplacées ! Si un musicien déplace une chaise, la caméra qui doit le saisir ne sera plus réglée sur la bonne position. Pour éviter tout problème, le technicien qui gère les caméras sait lire les partitions et peut ainsi préparer chaque caméra 30 secondes avant qu’elle ne soit « on air ». Le réalisateur pour sa part – qui connaît également la partition – assure la commutation des caméras.
Selon les concerts, il y a huit à dix caméras et la réalisation d’un concert est prise en charge par quatre personnes. Un ingénieur vidéo peut corriger l’image via les RCP de chaque caméra et prendre la main à tout moment sur une caméra. Vingt-cinq personnes travaillent sur le projet, plus seize free-lances selon les besoins et le genre de concert.
Au final, cette installation diffuse une image de très grande qualité qui permet de faire ressortir les expressions des musiciens, la matière des instruments. Le son lui-même, à l’unisson avec l’image, offre un contenu qui permet de vivre, revivre les concerts de la Philharmonie, même sans pouvoir y être physiquement.
La production est hybride HD/UHD
Le passage à la production full UHD s’est faite par étapes. La production des contenus est hybride.
• HD 1080/50p
• UHD 3840 x 2160/50p
• SDR et HDR HLG
• Codec Production : AVC Intra Class 4K 422 HDR 10 bits à 800 Mbit/s
• HQ Production Codec : AppleProRes HQ 4K/HDR 444, 12 bit à 1 500 Mbit/s
• Audio : 24 bits stéréo et en option 5.1 Surround Mix (8 pistes)
87 écrans Panasonic au Brandenburg Gate Museum
En marge de la visite de la Philharmonie, nous avons pu visiter le Brandenburg Gate Museum qui est une salle immersive conçue par la société Triad (société sino-allemande qui comprend 200 collaborateurs en Allemagne et 20 en Chine).
Cette salle diffuse un audiovisuel sur l’histoire de la porte de Brandenburg, via 87 écrans Panasonic. Les écrans occupent trois murs (le mur du fond est composé de miroirs). Le lieu peut être privatisé pour des conventions d’entreprise – les écrans sont communicants. Ce sont des modèles Panasonic TH-55LFV6W/. Les écrans sont alimentés en images par seize serveurs (stockage en SSD). L’audio utilise un réseau Dante avec une quarantaine d’enceintes Dynacord. Le média contrôleur est un modèle Crestron CP3.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #28, p.18/21. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.