Cartoon Springboard, attention talents !

Tribune pour les jeunes talents, la quatrième édition du Cartoon Springboard s’est posée à Valenciennes en décembre dernier...
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Créé il y a cinq ans par Cartoon, à Halle (Allemagne), Cartoon Springboard (« tremplin » en anglais) vise à faire émerger les jeunes talents récemment diplômés des écoles européennes d’animation ou dans la vie active depuis moins de cinq ans, et à donner un coup de projecteur, voire d’accélérateur, à leurs projets de série, d’unitaire, de long-métrage, de jeu vidéo ou d’application transmedia.

« Dans un secteur devenu si concurrentiel, il leur est difficile de rencontrer les bons interlocuteurs et d’accéder au marché international », remarque Yolanda Alonso, organisatrice de Cartoon Springboard. L’idée de cette rencontre avec les professionnels du secteur (diffuseur, producteur, distributeur) avait déjà été initiée par la manifestation Training for Trainers.

Avec Cartoon Springboard toutefois, la formule gagne en efficacité. Tenus de présenter leur projet (en anglais), en un temps limité et à un parterre de professionnels internationaux, les participants peuvent en effet mesurer, en temps réel, la maturité et les réels potentiels de leur projet. Quelque 24 projets, issus de 16 pays européens, ont été présentés à 45 experts internationaux. Un Springboard particulièrement qualitatif qui avait choisi Valenciennes pour sa quatrième édition. Il se tiendra à Valencia (Espagne) les trois prochaines années.

 

 

L’expertise en partage

Intervenant depuis les débuts du Springboard en tant qu’« experte », la distributrice Eleanor Coleman (Indie Sales) ne cache pas son enthousiasme : « Le marché de l’animation s’est considérablement ouvert, l’offre s’est beaucoup diversifiée. Mon travail consiste à trouver de nouveaux talents porteurs de projets. Ici, nous découvrons le point de vue de nouvelles générations qui n’ont pas encore en tête toutes les contraintes du marché si ce n’est celle de la création. »

Pour Pierre Siracusa, directeur délégué à l’animation chez France Télévisions, le Cartoon Springboard constitue un espace opportun de discussion – et de travail – où les professionnels peuvent échanger sur des projets qui, éventuellement, iront aux Cartoon Forum ou Cartoon Movie.

« Le secteur de l’animation est en plein boom, le nombre des participants et de contributeurs est de plus en plus élevé et les projets de plus en plus professionnels. Grâce à l’action du Cartoon Forum et du Cartoon Movie, les acteurs importants du secteur ont appris à se connaître. Ils n’ont plus besoin de ces manifestations pour décrocher un rendez-vous à la BBC, à la RAI ou chez ZDF ! Elles sont devenues des vitrines comportant des séances de pitch. Il faut donc trouver un espace dans lequel puissent se découvrir des projets moins avancés et où l’enjeu est d’aider à les faire aboutir. D’où la notion d’experts si présente au Springboard. »

 

Pour Eleanor Coleman, l’expertise consiste à partager son expérience et sa connaissance du marché international. Pour le diffuseur français, ses interventions portent plutôt sur le projet éditorial, sa cohérence et sa pertinence face aux besoins des investisseurs et des diffuseurs.

« Intervenir sur des projets très en amont nous permet tout de suite d’être dans une dialectique constructive avec les auteurs afin d’affiner le propos et l’intégration du projet dans nos cases », poursuit Pierre Siracusa. « Pour le producteur, profiter de cet accompagnement financier et éditorial se montre aussi productif. Cela lui fait gagner du temps et constitue un gage de faisabilité face aux intervenants extérieurs qui vont rentrer dans son plan de financement. »

Ici, pas question, à l’inverse du Cartoon Forum ou Cartoon Movie, de choisir son projet : « C’est l’esprit de tremplin et de tutorat qui prime », précise Joseph Jacquet, responsable R&D Animation (France Télévisions). « Les experts sont là pour accompagner et chercher comment le projet, qui en est aux prémices, peut aboutir à une production plausible. » Et ce projet qu’ils décortiquent ne leur est pas inconnu. Bien avant que le projet ne soit pitché, le panel d’experts, avec la complicité des modérateurs du Cartoon Springboard, en ont déjà listé les points forts et les insuffisances.

 

 

Projets « tremplin »

Repérés en amont par Agnès Bizzaro, qui intervient également sur le Coaching Programme du Cartoon Movie, la plupart des projets pitchés au Cartoon Springboard 2018 sont signés par des étudiants issus de quatorze écoles d’animation européennes (Ensav-La Cambre, Filmakademie Baden-Wurtemberg, Film Academy Of Performing Arts, Animation Sans Frontières-The Animation Workshop, etc.) et de six françaises comme l’Esaat, l’Iscid, l’Emca, l’Esmi, l’Ensad et la Poudrière.

Cette année encore, l’école de Bourg-lès-Valence s’est distinguée en présentant des projets de grande qualité, dont deux séries et un unitaire TV. Proposée par Antoine Delebarre (promotion 2017), la série 2D Kakokis (26 fois 1 minute) destinée au pre-school introduit trois volatiles (Ka, Ko et Kis) qui découvrent des objets (aspirateur, arrosoir…) venus s’échouer sur leur plage. Chacun à sa manière (la série est sans dialogue) exprime sa curiosité voire sa perplexité et laisse libre cours à son imagination pour trouver le mode d’emploi. Si les experts ont salué l’humour et l’efficacité graphique du projet, ils ont pointé la difficulté d’adapter les expressions pour le marché international, et mis en garde, notamment pour les marchés anglo-saxons, sur la sélection des objets : certains pouvant présenter un danger si les jeunes spectateurs les utilisent comme les héros…

 

Retours également très positifs de la part des experts pour la maîtrise du storytelling et l’originalité du traité graphique du projet de série pre-school Mousse et Bichon proposé par Rosalie Benevello, Vinnie Bose et Hippolyte Cupillard (promotion 2018). Adaptée librement d’albums de Claire Lebourg, la série en stop-motion (et décors en 2D) met en scène l’amitié entre le morse Bichon et la chaussette Mousse dont la maison est visitée à chaque marée par la mer qui lui laisse en dépôt coquillages et menus objets. « Nous avions commencé à développer le projet dans le cadre d’un exercice de trois mois à La Poudrière qui a accepté de prendre à sa charge les droits de l’adaptation », indique Rosalie Benevello. « Suite à cette première présentation, nous avons réévalué la cible et le format. » Reste au trio à écrire des épisodes complets et à préciser l’âge des protagonistes.

Comme les précédents, la série 2D Petlovers (pour les 9/11 ans) présentée par la Belge Britt Raes (déjà auréolée de nombreux prix pour son court-métrage Catherine), qui dépeint une société où les hommes sont devenus les animaux de compagnie des chats, est passée au crible de l’analyse des experts diffuseurs, lesquels remettent toujours le projet en face des besoins du marché. De même, la série d’aventure et d’action Basil and Spence (13 fois 22 minutes) de l’Irlandais Josh O’Caoimh (Jam Media), qui se passe dans un lieu improbable (une île en forme de tremplin de skate surmontée d’un gros rocher que rêvent de faire rouler jusqu’en bas des malveillants), a suscité toute l’attention des professionnels. Inspiré, l’auteur prépare déjà la saison 2.

 

Si le Cartoon Springboard 2018 a ouvert ses pitchs, pour la première fois, au jeu vidéo comme Forsake the Grave (produit par Primal Seed) dont les auteurs présentaient une démo jouable, il a reçu, cette année, une offre significative de projets pour la cible ado-adulte. Parmi eux, Billie and Bam de Zoé Harley et Angelin Paul (Ésaat) : une série (13 fois 7 minutes) qui se situe à une époque post-apocalyptique où des enfants doivent survivre dans un monde violent. Un projet prometteur à condition, tempère Joseph Jacquet, de mieux caractériser les personnages en termes d’âge et surtout, avant même de se frotter à sa faisabilité technique et financière, de bien mûrir l’offre : le projet s’adresse-t-il à la télévision ou à une plate-forme ?

 

Côté long-métrage, Fernando Belisario (issu de l’Institut Supérieur Couleur Image Design de Montauban) est venu avec Hope, un projet qui trace de manière sensible le portrait des femmes de sa famille vénézuélienne. L’auteur possède déjà un synopsis de son film. Mais il doit encore, toujours d’après les experts, mieux spécifier l’histoire qu’il entend suivre.

Si les jeunes talents doivent se plier à l’exercice délicat, mais incontournable du pitch (en anglais, répétons-le), ils ont tout à y gagner. Depuis le début de Springboard (jusqu’à 2017), 67 % des projets sont en cours de développement et une dizaine a trouvé un producteur. Ainsi du « space opéra gériatrique » de Grégoire Lemoine (La Poudrière 2010), Hospice Odyssey (12 fois 7 minutes), pitché en 2016 à Halle et remarqué par le producteur Vivement Lundi. Il arrive aussi, et de plus en plus fréquemment, que le Cartoon Springboard constitue un tremplin pour le Cartoon Forum ou le Cartoon Movie, manifestations également organisées par Cartoon. Pitché au Cartoon Springboard 2016, le long métrage Geno (Lira Production Studios, Géorgie) s’est ainsi retrouvé dans la sélection du Cartoon Movie 2017.

 

Lors du Cartoon Forum 2018, deux projets issus de Springboard ont été très remarqués : Maman pleut des cordes (Laïdak Films) et le documentaire animé Tufo de Victoria Musci (Les Contes Modernes). Quant au projet de série Mousse et Bichon, il a suscité, dès sa présentation, un vif intérêt de la part d’un producteur et d’un distributeur. En toute logique, la série devrait se retrouver dans les prochaines éditions du Cartoon Forum.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #30, p.110/112. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.


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