Cube, dénicheur de talents

La société Cube (Cube Production et Cube Creative) a, au fil des dernières années, constitué une équipe de jeunes talents qui sont aujourd’hui la marque de fabrique du studio. La société, qui a déménagé il y a deux ans à Levallois Perret, produit des contenus pour tous les écrans. Une approche de multi-spécialistes capables de créer en 2D, 3D, Relief, VR avec une passion toujours inassouvie et un carnet de commandes garni. Entretien avec Lionel Fages, cofondateur de Cube.
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Mediakwest : Pouvez-nous faire un retour en arrière sur la création de la société ?

Lionel Fages : Il y a dix-sept ans, Majid Loukil, Bruno Le Levier et moi-même avons fondé Cube, qui comporte deux structures : Cube Productions qui est une société de production, et Cube Creative, une société de prestation de services. Nous avons, depuis l’origine, souhaité que le studio soit capable d’avoir ses propres auteurs-réalisateurs. Cube Creative fabrique pour Cube Production bien entendu, mais aussi pour d’autres. Nous conservons notre ADN qui nous porte à concevoir des choses très différentes : de la pub, de la série TV, du parc d’attractions… C’est cette variété qui nous passionne. Un jour, nous faisons un court-métrage avec Nicolas [Deveaux] sur des girafes qui plongent dans l’eau. Et le lendemain nous sommes interrogés par le Futuroscope pour l’une de leurs nouvelles attractions en 6K.

Nous continuons aussi à aller dans les écoles. Quand nous repérons un jeune qui a le sens de la réalisation, nous l’aidons à concevoir son premier court-métrage. Ce fut ainsi le cas pour Louis Clichy, Rémi Chapotot, Nicolas Deveaux. Nous sommes toujours dans cette quête.

Il y a quatre ans, avec Majid, nous avons décidé de devenir un interlocuteur important pour les chaînes de télé. Nous en sommes très fiers puisque nous avons réussi un grand Chelem, assez unique dans le paysage français. Nous comptons, en effet, une série chez Arte, une autre chez Canal, une troisième chez TF1 et une dernière chez France Télévisions !

Parmi elles, figurent « Tangranimo », avec France Télévisions, et « Athléticus », avec Arte, dont on vient de finir la saison 2.

« Pfffirates », elle, va rejoindre l’histoire des jeunes talents. Elle trouve son origine dans un court-métrage que nous avions découvert à Supinfocom Valenciennes en 2003. C’était l’histoire d’un pirate gonflé, sur un bateau gonflé, qui était attaqué par un oiseau de métal… Fin 2003, je leur ai dit qu’ils tenaient là quelque chose d’intéressant et leur ai proposé qu’on en reparle. Ils viennent me revoir en décembre 2015, soit douze ans après ! Guillaume Herent, un des graphistes d’origine, accompagné d’une illustratrice et d’un scénariste, m’apporte un dossier. Je suis super ému qu’ils se rappellent de moi, je leur confirme mes dires et on achète alors les droits, on dépose une option. Nous avons développé le projet, retravaillé complètement le sujet, œuvré un an et demi et… nous avons réussi !

« Pfffirates » va démarrer en production, la série est très drôle parce que l’ensemble de l’univers est gonflé, c’est-à-dire que les personnages ont une petite valve que tu vois et quand ils ont un coup de pompe (comme cela nous arrive à tous !), ils peuvent se dégonfler. C’est un truc super jouissif. J’essaie toujours que les projets soient intéressants pour les graphistes, comme c’est le cas de « Pfffirates ».

 

 

M. : Et Cube Creative ?

L. F. : Le studio, c’est le Cube originel ! Au départ, il n’y avait que Cube Creative. Nous travaillons sur huit marchés : la pub, la série TV, le grand format, les jeux vidéo, les effets spéciaux de long, un peu de motion design, encore un peu de corporate, un peu de vidéo clip, des pubs. Dans ces cas précis, nous faisons de la prestation. Nous avons un gros contrat, depuis maintenant quatre ans, avec Rovio ; nous avons conçu toutes leurs animations avec les personnages emblématiques et secondaires de « Angry Birds : The Piggies Tales ».

Bien entendu, nous faisons aussi beaucoup de choses pour le jeu. Aujourd’hui, quand tu fais de l’animation 3D, tu as intérêt à établir des contacts avec des professionnels des éditeurs de jeu parce qu’ils sont très demandeurs. Cela ne veut pas dire que Cube fait du jeu, mais plutôt des opérations de communication, des teasers, des trailers.

 

 

M. : Comment qualifieriez-vous vos différentes activités ?

L. F. : Le temps passe, et il est important que le groupe soit pérenne. Nous avons décidé de conserver des opérations de prestations, mais en développant nos propres licences. Et ça a marché ! « Athléticus » est un succès ; « Pfffirates », c’est évident que les personnages gonflés vont marcher parce que c’est drôle ; « Tangranimo », c’est une série pour les enfants qui plaît, et puis c’est France Télévisions.

Nous allons être obligés d’ouvrir un second studio et c’est l’éternel débat. En province ? À Paris ? Nous espérons que l’Île de France va aider les producteurs et les studios à la hauteur de ce que font les régions. C’est quand même ici que se trouve le plus gros potentiel d’emplois et d’employeurs. Dans nos nouveaux plans de financement, nous avons inscrit l’Île-de-France.

Nous faisons une série pour La Cabane Productions. Cette série s’appelle « Mush Mush », elle est très jolie, elle porte sur des champignons qui parlent. Nous sommes très contents de l’avoir remportée, c’est un joli projet. Petite anecdote, c’est la première série de la Cabane Productions et Perrine Gautier, la productrice, a obtenu pour cette première la subvention de l’Île-de-France.

 

 

M. : Cube produit-il tout en France ?

L. F. : Pour le moment, oui. C’est un vrai questionnement que nous avons parce que l’année prochaine, entre maintenant et 2021, nous aurons « Pfffirates », « Tangranimo », « Mush Mush », « Kaeloo 4 » que nous sommes en train de faire et un « Athléticus 3 » sans doute. Il y aura sans doute un « Kaeloo 5 ». Donc un programme chargé !

Personnellement, je me sens très profondément producteur. Je pense que ma rémunération et celle de l’entreprise doivent se faire sur les ventes du catalogue. « Pfffirates » tu peux le vendre dans le monde entier avec de bons vendeurs. J’estime que nous allons parvenir à un ratio de 60 % de fabrication de nos propres contenus et 40 % de prestations. Avec une règle du jeu, c’est que la presta soit profitable.

 

 

M. : Le workflow et l’outil technique se sont-ils également consolidés ?

L. F. : Ceci est extrêmement important, bien entendu, nous avons pris une grande décision : passer tout sur Blender. Les trois nouvelles séries – « Pfffirates », « Tangranimo » et « Mush Mush » – sont faites sur Blender. Il y a deux ans, nous avions une connaissance de Blender très limitée ; en deux ans, nous ne sommes pas devenus « la » référence mais, et cela nous amuse beaucoup, on nous interroge tout le temps à ce sujet. Nous avons fait des conférences à Annecy, nous sommes allés à la Blender Conference à Amsterdam, nous avons parlé aux Radi…

Il est vrai qu’en R&D au studio, ils sont six maintenant. Ils ont énormément travaillé sur cet aspect pour que ce soit aisément utilisable sur notre pipeline et que chacun puisse se former. Nous commençons à très bien maîtriser Blender ; maintenant il est vrai qu’il faut le faire entrer en prod sur les trois séries en même temps.

Nous gardons « Kaeloo » sur 3DS Max parce qu’il comporte trois saisons et qu’il y a tous les assets, mais en ce qui concerne les trois nouvelles séries, elles sont entièrement conçues sur Blender. C’est un vrai changement de cap de s’attaquer à l’open source ! Il est évident que l’étape suivante, ce sera le temps réel. Et on sait que Blender développe un vrai temps réel très intéressant. Auparavant, nous avions fait des tests sur Unity et Unreal.

 

 

M. : En termes de moyens humains, parvenez-vous à trouver de jeunes talents ?

L. F. : La France compte vingt-cinq écoles dotées chacune de quarante élèves, soit au total mille personnes. Jusqu’ici, je n’avais pas réalisé que quand tu dis cela, tu imagines que le nombre de graphistes et d’infographistes est suffisant. Or, comme chacun cherche des animateurs de personnages, en vérité, tu parviens à 200 élèves maximum formés. Et là, tu es face à Mac Guff qui en veut soixante ! Chez nous, cela se passe pourtant plutôt pas mal avec « Kaeloo », « Athléticus », car nous offrons une diversité.

Nous comptons en France quelques très grosses entreprises comme Illumination et Mikros/Technicolor. En dehors d’eux, tu n’as que des entreprises intermédiaires. Et puis tu as des boîtes, comme la nôtre, qui sont encore un peu indépendantes.

Quand tu vas aux Radi [Rencontres Animation Développement Innovation], tu te rends compte que notre métier emploie 6 000 personnes, dont 600 permanents ; nous passerons peut-être à 700 sur 7 000. Ce sont de tout petits métiers, mais qui ont la faveur des gouvernements, parce qu’il s’agit de gens jeunes, au bon pouvoir d’achat. Et puis ce qui est bien dans l’animation, c’est qu’il faut beaucoup de monde. Quand tu lances un projet, il te faut tout de suite entre cinquante et cent personnes, donc tu donnes du travail à beaucoup de personnes !

 

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #31, p.62/63. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.

 

Pour en savoir plus sur Cube – plus particulièrement sur la récente annonce de la prise de participation de Xilam dans son capital – vous pouvez lire notre article du 11/0/19  Business & Animation : XILAM actionnaire majoritaire de CUBE d’ici fin 2019 !