Moovee

Les spécificités du montage de rythme

Manon Dubois est sortie de l’école 3IS en 2018. Elle revient ici sur son itinéraire et nous livre son regard sur le montage d’animation qui reste peu connu…
Fin de production sur « Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary » de Rémi Chayé. © DR

 

Manon Dubois a été assistante monteuse sur différents longs-métrages d’animation qui ont marqué le paysage cinématographique français par leur singularité et leur savoir-faire comme J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin ou Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé.

 

Moovee : Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Manon Dubois : Depuis mon enfance, le cinéma me passionne. J’ai commencé par faire des études en biologie mais j’ai senti que j’avais une fibre en montage et que j’étais à l’aise devant un écran. J’avais des amis qui faisaient des vidéos sur YouTube et qui m’ont parlé des écoles possibles. Alors, d’un BTS en biologie, je me suis réorientée vers une prépa d’école de cinéma, Prep’arts à Nîmes et j’ai finalement intégrée 3IS, l’Institut International de l’Image et du Son, à Élancourt. Après plusieurs tournages étudiants en tant que scripte ou monteuse, j’étais convaincue que le montage était ma voie.

 

Comment en êtes-vous arrivée à l’animation ?

En dernière année, nous avions un stage de quatre mois à trouver. Et j’ai répondu à une annonce sur Profil Culture pour un stage d’assistante monteuse sur le film d’animation J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin. Je ne connaissais pas du tout le secteur de l’animation ni toutes les étapes de fabrication, mais j’étais curieuse de découvrir ce domaine, puisque le montage s’effectue sur les mêmes logiciels… Au final, c’est Benjamin Massoubre, chef monteur, et toute l’équipe qui m’ont formée lors de mon stage. J’ai été embauchée par la suite quatre mois supplémentaires pour la fin de production du film. Cette expérience était inédite car le film a eu un parcours incroyable.

La production de Xilam recherchait également quelqu’un pour faire le making-of du film et je me suis proposée, ce qui était une expérience inespérée et valorisante pour moi. La rencontre avec toute l’équipe de J’ai perdu mon corps m’a permis de m’intégrer complètement dans l’animation.

Benjamin Massoubre recherchait une assistante monteuse pour le suivre sur d’autres projets d’animation. Nous nous sommes bien entendus et nous avons enchaîné sur Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé et Petit Vampire de Joann Sfar. J’ai eu la chance de faire la bonne rencontre au bon moment… Benjamin a énormément de projets, il monte beaucoup de films d’animation, c’est ma bonne étoile.

 

Vous travaillez sur quels logiciels ? Êtes-vous amenée à interagir avec plusieurs corps de métier ?

Cela dépend des productions mais avec Benjamin, nous montons principalement sur Adobe Premiere. Cependant, la production peut parfois imposer le travail sur Avid Media Composer. C’est une fonction où nous sommes amenés à être en contact avec beaucoup de corps de métier différents pour s’organiser par rapport au planning de travail et afin que le montage soit le plus « clean » possible, notamment avec les chefs de poste : chef déco, chef animateur, chef compositing, chef monteur son… mais les principales interactions restent avec la production, le chef monteur et le réalisateur.

 

Quelles sont pour vous les spécificités du montage en animation par rapport à un montage traditionnel de fiction ou de documentaire ?

En termes techniques, c’est clairement deux montages différents ! Un film d’animation est monté lors de la partie de story-board, puis l’animatique se construit à partir de celui-ci.

Ensuite le montage évolue constamment en fonction des différentes étapes de fabrication. Le rôle du monteur reste le même que sur un film en prise de vue réelle : construire une narration et créer de l’émotion. Cependant, la partie rythmique est plus importante sur un film d’animation qui est en constante évolution visuelle et demande donc plus de temps. Le monteur doit redynamiser le film, par exemple, lorsque de nouvelles voix apparaissent sur l’animatique par rapport aux voix témoins.

 

Est-ce que cela requiert des compétences ou des qualités particulières selon vous ?

Il faut savoir être efficace et précis, ne pas se tromper dans les timings envoyés ou les exports faits car ils sont réutilisés par les animateurs par la suite. Il est important de garder toujours un œil sur le son pour la synchronisation, qui est aussi important que l’image pour la fabrication. Il faut bien vérifier le time code et communiquer pour tout prévoir avec les autres corps de métier. Après, il y a aussi évidemment des qualités techniques à avoir. Il faut maîtriser les logiciels, savoir proposer des choses et des solutions en cas de problèmes…

 

Avez-vous un projet professionnel défini ?

Continuer les projets et, un jour, devenir cheffe monteuse à force d’acquérir de l’expérience. Le côté artistique et libre du montage me plaît, tout comme raconter des histoires. Être assistante monteuse permet de tout voir et d’acquérir les compétences techniques nécessaires pour plus tard.

L’animation demande un montage rythmé qui est du ressenti pur et qui demande de l’imagination car, parfois, l’image de story-board, souvent simplifiée, nécessite d’anticiper l’action qui va arriver, et le montage de sons en parallèle est essentiel. Aujourd’hui je commence à réaliser mes rêves !

 

Vous êtes-vous déjà essayée au montage VR ?

Jamais ! La cinématique de jeux vidéo, pourquoi pas aussi ! Je ne me ferme pas de porte…

 

Des projets en cours ou à venir ?

Aujourd’hui encore, je travaille avec Benjamin Massoubre sur un projet où il est chef monteur et coréalise avec Amandine Fredon, Le Petit Nicolas, adapté de la BD de Goscinny-Sempé. Je travaille à mi-temps et, à côté, j’accepte d’autres missions. Actuellement, je travaille aussi sur Le sommet des dieux de Patrick Imbert, également adapté d’une BD.

 

Quels conseils pourriez-vous donner pour s’insérer dans la vie professionnelle dans les métiers créatifs ?

Le stage de fin d’études est important, c’est souvent ce qui va définir le début de notre carrière… Il faut aussi « toujours être à la page » ! Les logiciels évoluent, les méthodes de travail aussi, il faut connaître les nouveautés et suivre l’actualité. Enfin, le réseau reste ce qu’il y a de plus important… Il faut être à l’écoute des personnes rencontrées, savoir si elles peuvent avoir besoin de nous sur d’autres projets. Et bien sûr, être agréable à vivre, cela aide !

Ce qui est intéressant dans l’animation, ce sont les différents corps de métiers à découvrir. Il y a de plus en plus d’opportunités de travail dans le montage et pas seulement à Paris mais désormais à Lyon, Valence, Angoulême…

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #8, p.41/42. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.