La production sportive en « remote », quels avantages ?

Commenter ou filmer un match à distance est aujourd’hui possible mais cette prouesse technologique est-elle véritablement nécessaire ? Quels bénéfices retirer de ce mode de production ? Une table ronde du Satis 2022 a réuni deux pionniers et deux porte-parole de constructeurs pour faire le point sur le sujet…
Table ronde Satis 2022 © DR

 

En 2022, les spectateurs de Roland-Garros ont enfin pu découvrir les matchs qui se déroulaient sur les onze cours annexes du tournoi. Comment ? Grâce à la technologie « remote ». Sur le terrain, pas de réalisateur ni de chef opérateur, seul des cadreurs et leurs caméras. À plusieurs kilomètres de là, le montage et la colorimétrie étaient gérés par une équipe recevant les images en direct via la fibre noire. Un challenge technique réussi par AMP Visual TV…

« Cela fait vingt ans que nous expérimentons le remote », explique Gilles Sallé, fondateur d’AMP Visual TV. « Nous sommes prêts. Et pourtant le marché reste frileux… ». Pourquoi une telle défiance de la part des producteurs et distributeurs ? Quels avantages la remote peut-elle avoir par rapport à une configuration classique ?

 

Tournages à distances, tournages écologiques ?

Si les caméras et les cadreurs doivent rester sur place, avec la remote, le reste de l’équipe s’épargne le voyage. Une économie de déplacement qui permettrait une réduction du bilan carbone. Toutefois, cet argument se doit d’être pondéré selon Gilles Sallé. « Si l’équipe est parisienne et que le tournage est en province, il est vrai qu’avec la remote nous ne sommes pas obligés de la déplacer. Mais d’un autre côté, on peut aussi décider de recruter local. Alors, l’économie est toute relative. »

De plus, les voyages ne sont pas les seuls émetteurs de carbone, d’autres éléments doivent être pris en compte. « Il faut aussi penser au coût carbone d’un serveur numérique », rappelle Pascal Gueulet. Pour ce faire, la société de production Stop&Go a décidé de lancer une étude en partenariat avec le ministère des Sports. Celle-ci a pour but de déterminer les impacts environnementaux de la remote comparés à ceux des tournages classiques sur une année de championnat. Affaire à suivre donc…

 

Le LiveU Solo, un allié de choix pour la remote production. © DR

La remote, un mode de production économique ?

Éviter de déplacer des équipes et utiliser peu de matériel peut engendrer une baisse des coûts significative. Des événements sportifs à petit budget et par conséquent peu médiatisés ont pu ainsi s’offrir un accès au grand public avec la remote production. Une aubaine notamment pour la Fédération Française de Volley qui est aujourd’hui diffusée grâce à Stop&Go. « Pour le volley, nous avons réussi à penser des solutions efficientes économiquement. On déplace peu de monde, on recrute local et on n’utilise que quatre caméras sur le site », détaille Pascal Gueulet.

Mais la remote n’est pas la seule manière de produire des contenus abordables, comme le rappelle Gilles Sallé. « Avant la remote, nous avions déjà inventé des modèles économiques qui ont permis à des sports mineurs d’exister à la télévision, en utilisant deux ou quatre caméras. »

Le gain économique à l’instar du bénéfice écologique n’est donc pas évident. Une situation à laquelle les invités de la table ronde comptent bien remédier. « Il faut renforcer la collaboration avec les ayants droit et les décideurs. Ainsi, on peut ajuster les emplois du temps d’une compétition pour pouvoir tout faire en une fois, par exemple, et gagner du temps et donc gagner de l’argent », propose Pascal Gueulet.

De son côté, le fondateur d’AMP Visual TV compte bien accentuer ses bénéfices en renforçant la flexibilité de son workflow, sur le modèle du cloud computing. « C’est à nous d’aider nos clients. On peut créer un cloud privé pour mettre des outils en réseaux afin de les mutualiser. Les serveurs de ralenti, par exemple, n’auront plus besoin de se déplacer et seront centralisés et dispatchés entre les différentes productions selon les jours de la semaine », explique Gilles Sallé qui affirme ensuite : « Chez AMP, nous sommes capables de vous le proposer dès demain ! »

 

La remote, une technologie en pleine évolution

Même si les infrastructures remote ne sont pas encore dans tous les stades, les constructeurs se tiennent prêts à son ascension. « Il y a une ouverture sur de nombreux marchés. Il nous faut savoir où les clients pourront faire des compromis : sur la qualité d’image, sur le nombre de caméras connectées… », explique Norbert Paquet, chef de la gestion des produits chez Sony. Et comme les attentes sont diverses, Sony est obligé de voir large. « Nous développons des outils pour chaque demande mais aussi des outils plus transversaux afin de rationaliser notre gamme qui est déjà assez large », poursuit Norbert Paquet.

Quels que soient l’outil et son usage final, un problème s’impose à tous constructeurs de solutions remote : le délai de latence. Un frein que Sony lève peu à peu : « Nous avons réfléchi à nos codecs pour réduire les latences, et nous avons proposé le H265 avec 18 millisecondes de latence, ce qui commence à devenir très intéressant pour la remote », met en avant Norbert Paquet.

Des entreprises comme LiveU se consacrent aussi sans concession à la création d’outils remote. « Aujourd’hui, notre R&D capitalise quinze ans d’expérience que nous avons concentrés dans un boîtier de deux kilos : le LiveU Solo », mentionne Cyril Hamelin, directeur des ventes de LiveU.

Connecté au réseau public, cet outil peut gérer quatre signaux HD montants et un signal descendant pour le retour vidéo. Grâce au réseau 5G, la latence est de l’ordre d’une demi-seconde. Un lapse de temps qui devrait se réduire dans les prochaines années selon Cyril Hamelin. « D’ici les JO, on devrait avoir accès à des fréquences privées de 5G pour les professionnels. Cette nouvelle approche technologique réduira les délais de latence. » Une perspective attendue avec impatience par LiveU qui s’est déjà assuré de la compatibilité de ses modèles !

La production remote a donc de beaux jours devant elle, mais elle devra renforcer ses avantages économiques et écologiques pour continuer à se généraliser.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #52, pp. 16-17


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