Que mettre dans son sac pour un tournage outdoor ?

Est-ce qu’une image de nature vous fait particulièrement vibrer ? La lumière rasante d’un lever de soleil sur une prairie, une tente plantée dans un replat, des montagnes en arrière-plan, un petit groupe de personnes profitant de l’instant… Pour beaucoup d’entre nous, les émotions sont décuplées par un cadre grandiose, et arriver à retranscrire ces sensations en vidéo est un vrai challenge. Pour cela pas de secret : il faut vivre ces moments et avoir avec soi de quoi les capturer.
En outdoor, il faut être prêt à de longues journées pour attendre la bonne lumière. © Aurelie Gonin

Il n’est pas question ici de fausse aventure prise depuis un parking en bord de route, avec un coffre de voiture rempli de matériel, mais bien de tournage en immersion dans le décor, auquel il faut accéder. Pour cela, il faut transporter l’équipement et donc bien choisir ce qu’on emmène avec soi. L’éloignement fait qu’il ne faut rien oublier, mais il ne faut pas se surcharger non plus, car le matériel de prise de vue vient forcément en plus du kit de base.

 

POUR DÉCIDER DU CONTENU DE SON SAC IL FAUT D’ABORD RÉPONDRE À TOUTE UNE SÉRIE DE QUESTIONS :

1/ Le site du tournage est-il éloigné ?
• Moins d’une heure de marche ?
• Plusieurs heures de marche ?

2/ Allons-nous dormir sur site ?
• Excursion à la journée ?
• Nuit en bivouac avec portage du matériel ?

3/ L’accès présente-t-il des difficultés techniques ?
• Marche sur sentier ?
• Passages de varappe ?

4/ Quelle est ma forme physique ?
• Pratique régulière d’une activité d’endurance ?
• Peu ou pas de sport ?

5/ Y a-t-il des animaux sauvages dans le secteur ?
• Tout à fait probable ?
• Peu de chances et pas la priorité ?

 

Si vous avez une majorité de premières réponses, alors vous pouvez opter pour du matériel de tournage lourd, sinon il faut privilégier l’économie de poids et de volume. Attention dans tous les cas à ne pas vous surestimer, car un tournage demande toujours beaucoup d’énergie, aussi il ne faut pas atteindre ses limites avant d’avoir commencé à filmer. L’accès au site ne doit donc pas générer une fatigue exceptionnelle, sans quoi le cadreur ne peut pas être efficace. Il est prudent d’apprendre à lire une carte pour se faire sa propre idée des distances et des dénivelés à parcourir, car quand un guide surentraîné annonce un accès en une heure, cela peut s’avérer bien plus long pour un cadreur portant un lourd sac à dos.

 

COMMENÇONS PAR LE CAS OÙ LE POIDS N’EST PAS UN CRITÈRE DÉTERMINANT.

L’encombrement bien sûr reste à prendre en compte, car tout doit être acheminé sur le(s) site(s) de tournage, mais le sac à dos peut être conséquent.

 

Le choix de la caméra dépend alors surtout de ce qui est filmé. Pour un sujet de type documentaire on peut opter pour une Sony FS5 ou Canon C100 qui ont une ergonomie confortable et offrent toutes les connectiques nécessaires. Des prises XLR permettent ainsi d’utiliser des kits audio pour les prises de son : micro canon, cravate sur le(s) personnage(s) ou perche si un assistant peut s’en charger. Si on est amené à filmer des actions, on privilégie une caméra dont les cadences de prise de vue peuvent monter suffisamment pour avoir des ralentis fluides en postproduction, à l’exemple d’une Red. Pour faire des images de faune sans se surcharger outre mesure, une astuce est d’utiliser un DSLR Nikon plein format, de type D750, qui a l’option de n’utiliser que la partie DX du capteur, ce qui a pour effet d’appliquer un coefficient 1,5 à nos objectifs : un 200 mm devient alors un 300 mm.

 

Côté optiques justement, on peut se permettre d’en emmener plusieurs. En plus de notre objectif « standard » on ajoute un grand-angle pour les paysages, de type 24 mm ou inférieur, et un téléobjectif pour les animaux éventuels, aussi long que vous êtes capable de porter ! En pleine journée en extérieur, on est généralement baigné dans une trop grande luminosité qui nous pousse à travailler en vitesse haute et diaphragme fermé alors que ce n’est pas forcément le rendu souhaité. Il est donc conseillé d’utiliser des filtres neutres, éventuellement variables, pour réduire la quantité de lumière entrante.

 

En plus de cette caméra principale, pourquoi ne pas emmener une secondaire, que l’on peut utiliser pour un deuxième angle ou laisser dans un coin faisant un timelapse. Cela peut aussi être une ou des actioncam(s) pour des vues en immersion ou une caméra 360 pour une expérience VR. Mais cela peut aussi bien sûr être un drone, si l’on tourne dans une zone autorisée, pour donner une autre dimension au paysage avec des prises de vue aériennes. Bien penser dans ce cas à des batteries externes pour le téléphone qui sert de télécommande, en plus des batteries des caméras qu’il faut toujours multiplier car elles résistent mal au froid qui peut vite arriver dans la nature.

 

La question du trépied se pose uniquement si le but de l’excursion est d’aller à la rencontre de faune sauvage que l’on filmera avec un téléobjectif très lourd, auquel cas il est impossible d’être stable sans un pied correct, ou d’enregistrer de longues interviews. Pour toutes les autres situations on peut se contenter éventuellement d’un monopod, ou plutôt d’un Gorillapod léger et facile à adapter au terrain pour placer une caméra en timelapse par exemple. Une bouée, simple sac de petites billes, peut venir compléter ce kit de « machinerie ».

 

Dans la mesure où on peut le transporter, un stabilisateur peut grandement améliorer la qualité des mouvements de caméra. Un Zhiyun Crane par exemple est plus difficile à faire entrer dans un sac qu’un DJI Ronin qui se démonte de manière plus compacte. Le poids et l’ergonomie de ces appareils font qu’il n’est pas toujours facile de marcher avec ou de les porter pendant des heures, donc il faut que le tournage autorise un temps suffisant pour que le cadreur se mette en place, puis range son matériel avant de se déplacer sur le site suivant.

 

En plus de tout cela, il est indispensable d’avoir dans son sac des batteries de rechange, des cartes mémoires en quantité suffisante et stockées dans une boîte spécifique, des tissus pour nettoyer les lentilles, mais aussi une housse de pluie en cas d’intempéries et un kit de réparation pour prévenir des soucis éventuels, à savoir à minima un Leatherman et un rouleau de gaffer.

 

Il n’est pas nécessaire à mon avis d’emmener en plus de matériel d’éclairage, de type minette ou même simple réflecteur, car les caméras actuelles sont excellentes pour encaisser de forts écarts de diaphragme ou pour tourner en conditions de faible luminosité. Et il va de soi qu’on s’épargne les accessoires type enregistreur externe, écran ou reports de commande. Au moins quelques points sur lesquels on peut économiser un peu de poids !

 

Bref, vous l’aurez facilement compris, un sac à dos qui comprend tout cela est volumineux et lourd, mais est sûr de contenir tout ce dont le cadreur a besoin pour son tournage.

 

TOUTEFOIS, IL EXISTE BEAUCOUP DE CAS POUR LESQUELS IL N’EST PAS POSSIBLE DE TRANSPORTER UN TEL ÉQUIPEMENT, À SAVOIR TOUTES LES SITUATIONS POUR LESQUELLES VOUS AVEZ CHOISI LA DEUXIÈME RÉPONSE.

Il faut alors trouver comment économiser du poids et du volume pour avoir un sac qui ne soit pas un frein à la réalisation des images que vous souhaitez faire. La méthode la plus simple consiste à choisir un modèle de caméra plus compact et léger, à l’exemple des hybrides : Sony alpha 7 ou 9, Panasonic Lumix S1, Nikon Z6, Fuji XT-3… L’éventail des choix est désormais très vaste dans ce secteur, qui est en outre celui sur lequel les fabricants pointent le plus leurs efforts pour offrir un rapport encombrement/qualité toujours meilleur. Au lieu de multiplier les optiques, on se focalise sur un zoom polyvalent, de type 24-70 mm, équipé d’un filtre neutre variable. Pour le son, on se contente d’un micro canon fixé sur le porte-griffe et connecté au boîtier en mini-jack. Un Gorillapod nous sert de machinerie, en plus des placements sur rocher ou sac à dos qui sauvent bon nombre de situations.

 

Impossible de se passer du kit batteries, cartes, tissus, Leatherman, mais on peut réduire la taille du rouleau de gaffer en enroulant des morceaux sur un support plastique léger. Si notre appareil et son objectif sont bien tropicalisés, on peut remplacer la housse de pluie par un simple sac poubelle.

 

S’il reste un peu de place dans le sac, je rajouterais volontiers une deuxième caméra. Celle-ci peut être une GoPro 7 pour réaliser des vues subjectives, des timelapses, ou des suivis sur perche, du fait de son excellente stabilisation. Dans le même esprit, un DJI Osmo peut venir remplacer un stabilisateur. Le rendu visuel est bien sûr différent de celui d’une caméra placée sur un Ronin, mais parfois il faut faire un compromis sur la qualité d’image pour être capable de tourner dans n’importe quelle condition. Encore un petit peu de place serait bienvenue pour un petit drone type Mavic Air, qui viendra apporter un point de vue différent à nos scènes.

 

Voilà pour notre matériel de base, qui nous permet d’être léger et compact, donc plus mobile, mais aussi d’être rapidement prêt à tourner.

 

IL EST IMPORTANT DE NE PAS SE SURESTIMER AU MOMENT DE PRÉPARER SON SAC À DOS, pour ne pas se retrouver en difficulté pendant le tournage, à être freiné par une trop grande fatigue du corps. Quel que soit le matériel que l’on choisit d’emmener, il est indispensable d’être en excellente forme physique pour faire des tournages outdoor, car pour obtenir la bonne image il ne faut pas s’économiser : accepter de courtes nuits pour profiter des premières lumières du jour, marcher plus longtemps pour accéder à un autre site, grimper sur un rocher pour un point de vue différent, etc. Ce type de tournage se prépare donc très en amont, par la pratique régulière de sports d’endurance.

 

QUE CONTIENT LE KIT DE BASE POUR L’OUTDOOR ?

  • Beaucoup d’eau
  • De la nourriture
  • Un moyen d’orientation (carte, GPS ou appli)
  • Un téléphone avec une batterie de rechange
  • Une frontale (avec des piles neuves)
  • Un couteau type Opinel
  • Une couverture de survie
  • Une mini-pharmacie
  • Une veste étanche
  • Un vêtement chaud

 

 

QUEL SAC À DOS CHOISIR ?

  • Pour une option « lourde » mieux vaut privilégier un sac vidéo dans lequel le matériel est bien protégé et les accessoires dans des compartiments faciles d’accès. F-Stop par exemple propose des modèles ergonomiques avec lesquels il est possible de marcher.

 

  • Pour une option « lègère » on s’oriente davantage vers des sacs à dos de montagne plus optimisés et confortables pour un portage prolongé. On utilise alors des sacoches pour ranger le matériel à l’intérieur du sac. Les marques et modèles sont nombreux, il faut décider en fonction de sa morphologie en testant en magasin avec un poids dans le sac.

 

  • Un accessoire pratique permet de fixer une semelle sur la bretelle du sac à dos pour garder sa caméra à l’extérieur sans devoir la porter à la main, et ainsi gagner en efficacité.

 

 

C’EST LA TAILLE QUI COMPTE ?

Il y a encore quelques années la crédibilité d’un cadreur était liée à la taille de sa caméra et à la profusion d’accessoires. Les clients ont bien compris aujourd’hui que la qualité d’image n’était plus forcément liée au volume du matériel, aussi il n’est pas nécessaire de se surcharger pour les satisfaire.

 

 

MON EXPÉRIENCE PERSO

Étant spécialisée dans la vidéo de sports de montagne et d’un petit gabarit, je tente d’alléger mon sac au maximum en commençant par choisir de tourner avec des caméras compactes. Cela me permet d’être plus mobile pour accéder à toutes les positions en gardant de l’énergie pour le tournage lui-même, et réactive pour capter un instant spontané. Ce que je pourrais perdre en qualité d’image est compensé par un gain d’efficacité. Bien entendu, cela s’accompagne d’une pratique sportive régulière afin d’être en forme pour filmer diverses activités.