Quel avenir pour le « broadcast » ?

Filmer avec son téléphone et diffuser via le cloud, avec un ordinateur en passant par Twitch ou avec une caméra plateau connectée à des câbles… les pratiques sont aujourd’hui multiples. Mais peuvent-elles toutes se targuer d’être « broadcast » ? Quel futur pour ce mode de diffusion ? Une table ronde, organisée lors du SATIS 2022, fait le point !
De gauche à droite : Arnaud Anchelergue, Corentin Rivière, Luc Bara, David Grimal et Jean-Yves Martin © DR

 

Arnaud Anchelergue, directeur général de MultiCAM Systems © DR

Quand on lui demande ce que « broadcast » signifie, Arnaud Anchelergue, directeur général de Multicam, hausse les épaules : « J’ai l’impression que le broadcast est devenu une expression. “Ce n’est pas broadcast” pourrait se traduire par : “Ce n’est pas de bonne qualité”. »

Définir le broadcast est devenu problématique dans un marché où les possibilités de production vidéo et de diffusion se multiplient. « Au début des années 2000, nous n’avions pas le choix pour filmer une émission télé, c’était la caméra broadcast ou rien. Aujourd’hui, les options vont du téléphone à la caméra cinéma… Nous devons faire un choix ! », raconte Corentin Rivière, responsable d’exploitation chez Canal+.

Le « broadcast », une option parmi d’autres donc… Mais quel est son avenir dans ce milieu en constante mutation ? Experts, directeurs techniques, développeurs et constructeurs ont débattu de cette problématique à l’occasion d’une table ronde organisée lors du Satis 2022.

 

La technologie broadcast face à l’émergence de nouveaux outils

Corentin Rivière, responsable d’exploitation chez Canal+. © DR

De nos jours, il n’est pas rare de croiser des journalistes filmer un événement avec un appareil photo ou un téléphone portable. Cette nouvelle pratique a été rendue possible par de récentes innovations : « Les outils grand public sont devenus de plus en plus performants même s’ils ne sont pas 4.2.2. La manière de diffuser aussi a changé. Chez Canal+, nous n’imaginions pas un jour utiliser la transmission 4G. Maintenant si », résume Corentin Rivière.

Une évolution qui impacte les constructeurs, comme l’explique Jean-Yves Martin, spécialiste broadcast et cinéma chez Sony. « Aujourd’hui les ventes se répartissent autrement. Avant 2010, les chaînes de télévision étaient obligées de prendre une caméra labellisée broadcast. Maintenant, elles disposent de toute une palette d’outils. Pour répondre avec flexibilité à toutes les demandes, Sony a notamment créé Cinema Line : une collection de petites caméras avec des grands capteurs et des options de cohérence colorimétrique. »

Point positif relevé par les sociétés de productions audiovisuelles : la baisse des coûts ! « Il y a 20 ans, il fallait 60 000 euros pour acheter une caméra aux normes, maintenant pour 10 000 euros, on a ce qu’il nous faut ! », se réjouit Corentin Rivière.

Au milieu du foisonnement de possibilités, la caméra broadcast reste un point de référence, incarnant une norme d’exigence et de qualité faite pour être contournées selon les besoins. « Ces normes sont éditées par des professionnels du métier. Pour avoir une grande qualité de diffusion, il faut s’y référer. Mais ce n’est plus sanctuarisé », analyse David Grimal, directeur technique broadcast chez Altice Media.

 

Une plus grande capacité d’adaptation en postproduction

La multiplicité des outils et des canaux peut s’avérer problématique si le format délivré ne respecte pas les standards vidéo de la chaîne. Un problème vite réglé selon Corentin Rivière : « La postproduction est capable d’upscaler, de changer les formats. Tant que le capteur de départ est de bonne qualité, tout peut s’adapter en fonction des normes demandées. »

Jean-Yves Martin, spécialiste broadcast et cinéma chez Sony. © DR

Une flexibilité que les constructeurs ont à cœur de respecter. « Chez Sony, nous faisons très attention à faire des propositions de système de codecs ou de signaux qui sont faciles à intégrer dans des environnements mixtes. Quand nous avons créé le format d’enregistrement H264, c’était transparent à l’utilisation et ouvert », souligne Jean-Yves Martin.

 

La fin d’une exigence de qualité ?

Il y a quelques années, imaginer un plateau télé où la plupart des invités répondent de chez eux grâce à un système de visio-conférences était inimaginable. Depuis la crise sanitaire, les téléspectateurs y sont habitués. Le Covid a été un « accélérateur » de la baisse d’exigence de qualité selon Arnaud Archelergue, une baisse d’exigence qui avait déjà été initiée par les réseaux sociaux…

Il poursuit : « Les contenus YouTube sont montés en qualité même s’ils atteindront un plafond de verre et de son côté, la télé baisse en qualité. Nous assistons à un nivellement vers le bas. À l’avenir, Internet et la télé, ce sera la même chose. »

Une analyse partagée par Corentin Rivère : « Le mur entre le digital et le linéaire est en train de s’effondrer. Tu peux faire des émissions comme William à midi sur C8 avec une caméra robotisée. » Un constat qui n’est cependant pas si dramatique selon lui. « Cela permet d’enlever du personnel et d’en mettre ailleurs. Cela nous autorise une plus grande capacité d’adaptation. »

 

Des exigences de production correspondant à la ligne éditoriale de la chaîne

David Grimal, directeur technique broadcast chez Altice Média (RMC, BFM). © DR

Si l’utilisation du téléphone portable ou de la visio-conférence n’est pas à généraliser, pour d’autres, elle n’est pas une option, comme en témoigne David Grimal, directeur technique broadcast chez Altice Média (RMC, BFM) : « BFM a été créée avec pour mission de diffuser de l’info avec une grande rapidité. Alors tous nos journalistes sont équipés d’iPhone. Ainsi nous n’avons pas besoin d’envoyer un car, ce qui prend du temps. » Un format proche des réseaux sociaux qui est assumé par les chaînes du groupe. « Nous vivons avec le monde d’aujourd’hui. Nos contenus sont diffusés sur Twitch avec le compte RMC. Nous avons aussi un compte TikTok. »

Les exigences de qualité peuvent aussi varier au sein d’une chaîne, en fonction de chacun de ses programmes. Pour ne pas s’y perdre, le groupe Canal+ a développé son classement. « Nous mettons des étoiles. Quatre étoiles pour les contenus de haute qualité en broadcast. Une étoile pour les contenus live, pour CNews par exemple », explique Corentin Rivière.

Même si le broadcast n’est qu’un mode de diffusion parmi d’autres, il reste obligatoire pour certains programmes où les enjeux dépassent la simple envie de qualité audiovisuelle. « S’il y a de réels enjeux commerciaux, c’est tolérance zéro. Pour la diffusion d’un match par exemple, les spectateurs veulent voir correctement leurs joueurs préférés et surtout, les annonceurs veulent voir leurs logos. Cela se prépare longuement avant l’événement. Il en est de même pour le Loto. Des millions sont en jeu alors on ne peut pas risquer un incident », met en lumière Jean-Yves Martin.

Toujours nécessaire mais pas toujours indispensable, le broadcast a donc encore de beaux jours devant lui-même si le secteur de l’audiovisuel ne lui est plus exclusivement réservé…

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #51, p. 114-115

 

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