Six questions à Stéphane Malagnac, directeur du Pixii Festival de La Rochelle

À quelques jours du lancement de la septième édition du Pixii Festival à la Rochelle, en parallèle du Sunny Side of the Doc, son directeur, Stephane Malagnac résume les accomplissements passés et à venir de cette manifestation et nous propose un état des lieux des cultures numérique.
Pixii 2018 © DR

 

Stéphane Malagnac est l’un des créateurs du Pixii Festival dont la première édition s’est déroulée en 2017, en synergie avec Sunny Side of the doc, le marché international du documentaire de La Rochelle. Le prochain Pixii Festival se déroulera du 18 au 23 juin, et le volet professionnel du 20 au 23, toujours en marge du Sunny Side of the Doc…

 

Moovee : Le Pixii Festival a deux vocations, avec un volet professionnel, et un autre tout public. Pouvez-vous préciser l’objectif de ces deux démarches  ?

Stéphane Malagnac : Au départ Pixii avait un pour ambition d’élargir le spectre des professionnels qui venaient sur Sunny Side of the doc. On voyait apparaître chez certains producteurs l’envie de faire de l’immersif, des chaînes de télévision et des opérateurs culturels avec la même démarche. On avait des besoins complémentaires, les gens ne se connaissaient pas trop, et c’est pour cela qu’on s’est adossé à Sunny Side, pour élargir un petit peu le champ des connexions. Ce qui fait que maintenant, Pixii est le laboratoire de Sunny Side, mais on a toujours été ouvert au grand public également !

En 2021, le Sunny Side ne pouvait pas faire d’édition physique. Moi je me suis rapproché des opérateurs culturels de la ville de la Rochelle et leur ai proposé d’être les écrins d’une sélection d’oeuvres internationales et immersives, ouvert au grand public pendant six jours, gratuitement. Il y a eu de très bons retours de la part des opérateurs culturels, tous ceux que j’ai sollicité m’ont dit oui, et donc ça a permis d’avoir une manifestation physique (ce n’était pas le cas pour le volet professionnel), mais aussi de tester sur le terrain à la Rochelle ce que ça fait d’avoir une expérience immersive dans un lieu culturel type musée…

 

Moovee : Le Pixii a donc connu des évolutions au cours de ses différentes éditions ?

Stéphane Malagnac : Les évolutions sont de plusieurs ordres. En 2017 on était centré sur la VR, car il y avait un pic d’intérêt. Force est de constater que les taux d’équipement chez les particuliers sont très bas. Le covid étant passé par là, un casque de VR pour une seule personne… c’est compliqué en terme de gestion, de nettoyage, et de rentabilité avec l’obsolescence du matériel. Donc Pixii a évolué en s’ouvrant vers plus de réalité augmenté, du son spatialisé, et sur l’aspect professionnel, tout ce qui est natif digital (podcast, vidéo Youtube, TikTok, réseaux sociaux au final). De l’autre côté, on a de plus en plus de producteurs de documentaires qui se lancent dans l’immersif, c’est pas énorme mais ça bouge un peu, des opérateurs culturels qui étaient ceux d’envergure au départ comme ceux du Louvre, et eux ont passé une étape pour proposer des expériences collectives maintenant.

Ce qui est intéressant, c’est que cette tendance, c’est par l’exemple que les opérateurs culturels évoluent dans leurs modèles de penser : les gros ont tenté et réussi la plupart du temps, et donc les plus petits se mettent à intégrer cette immersion dans leur proposition auprès du public. On a donc de plus en plus de musées qui sont dans des villes de moindre taille et qui commencent à investir, à l’instar de la Rochelle.

 

Moovee : Cette année vous êtes partenaires avec le Grand Palais, pouvez-vous nous en parler ?

Stéphane Malagnac : Nous avons des discussions régulières avec le Grand Palais, et il s’est avéré que dans leur volonté d’essaimer et de ne plus être parisiano-centré, Pixii représentait un bon point d’ancrage sur le territoire pour proposer leur programmation. Concrètement, du 17 au 19 juin à Paris il y aura une programmation d’artistes numériques, dont l’on pourra retrouver les oeuvres via une application à télécharger sur smartphone, et nous aurons la même programmation avec le même fonctionnement, du 18 au 23, pour le grand public au Pixii ! Ce type de partenariat est un point positif pour nous : Pixii s’ancre dans le score des opérateurs culturels ! 

Ces opérateurs financiers et/ou culturels ont identifié Pixii comme étant un événement à mettre dans leur agenda, et je serais tenté de dire qu’il y a une bonne raison : au-delà de la qualité intrinsèque de notre événement, on est adossé à un marché. Et les producteurs, ce qui les intéresse, c’est de faire du business. Montrer leurs oeuvres au grand public, sur un mode gratuit c’est gratifiant mais cela reste sans bénéfice. À mon sens, c’est un modèle qui n’a pas de pertinence, à moins d’être adossé à un marché, et de permettre aux producteurs de vendre. Car s’il n’y a pas d’économie, on ne peut survivre qu’avec les financements publics, si on s’y arrête, les ambitions sont restreintes.

 

Moovee : Quels sont les grands événements professionnels attendus au Pixii cette année ?

Stéphane Malagnac : On a un rendez-vous dès le lundi, avec une après-midi consacrée à des études de cas dont le fil rouge sera l’océan et le changement climatique, l’impact sur nos quotidiens. Donc on aura des représentants des opérateurs culturels (fondation Art Explora, le musée national de la marine, le muséum national d’histoire naturelle), et également des studios, et de part et d’autre, on aura des présentations et discussions, sur le principe qu’à notre sens, alerter sur les océans et le changement climatique est important. La Rochelle est la ville haute de Force Océan 2022, qui est un programme ambitieux mené par le ministère de la mer. 

Autre rendez-vous important, ce sont les deux sessions sur tout ce qui est autour de l’impact VR avec des sujets sociétaux, qui sont abordés sous un angle de réalité virtuelle principalement, pour mieux comprendre, avoir une audience plus jeune, plus sensible à ces sujets.

La dernière conférence majeure sera autour des métaverses, NFT et blockchains. Pas sous l’angle habituel, et c’est pour cela que j’ai choisi de la programmer, parce qu’en général les opérateurs culturels sont très frileux, ils n’arrivent pas à appréhender l’intérêt de la chose, ce qui est compréhensible à mon sens. Ce qu’on appelle métaverse, qui est un buzz word total, qu’on appelle autrement : « expérience de réalité virtuelle collective ». Derrière ce buzz word, ce qui m’intéressait, c’était de savoir comment les opérateurs culturels physiques peuvent mettre un pied ou un oeil dans ces univers numériques pour faire venir des acteurs, artistes et créateurs dans leurs lieux physiques, donc faire revenir l’artiste numérique dans la sphère physique. Donc c’est comme cela que sera menée la conférence.

Denier point, sur l’aspect professionnel, on organise un match making avec Xn Québec, donc on a une délégation qui descend à la Rochelle pour rencontrer des producteurs français et européens dans l’objectif de créer des projets en co-production.

Enfin, nous avons créé un nouveau service qu’on a appelé level up, qui sont des sessions très courtes de 30 minutes qui permettent à des producteurs, prestataires, opérateurs culturels, de présenter leur actualité, technologie ou projet sous un mode commando, sans avoir la lourdeur d’un stand ou d’une conférence. Donc c’est une présentation et un networking. On a également mis en place cette année en plein coeur de la halle une room scale montée en partenariat avec Diversion cinéma, mise à la location pour les producteurs qui ne veulent pas la lourdeur d’un investissement sur 4 jours, pour qu’ils puissent bloquer la pièce pour une heure et faire leur rendez-vous, avec une salle équipée en VR.

 

 

Moovee : en tant qu’organisateur, vous voyez des évolutions arriver, ou sentez déjà des perspectives pouf l’avenir de Pixii ?

Stéphane Malagnac : Je pense que pour l’aspect grand public, l’avenir va passer par un élargissement des lieux d’accueil et une durée plus longue. Là on est passé de 4 à 6 jours, c’est un pic et les lieux sont partants pour être dédiés à l’immersion pendant plus que six jours. Donc pour 2023 on devrait toucher plus de lieux pour plus longtemps.

Pour l’aspect professionnel, je pense qu’on a vécu deux années qui ont mis à mal pas mal d’activités économiques, de studios, et les opérateurs culturels n’ont pas eu de revenu, et n’ont donc pas investi. Cela revient, mais là, on va être sur des expériences plus pérennes, qui vont au-delà d’une exposition physique de trois mois, qui sont véritablement l’ouverture de lieux XR à l’année, avec de la rentabilité, des besoins à long-terme. On a par exemple une représentante suédoise qui présentera un dispositif de cinq sites basés en Suède dont un planétarium, qui ouvriront en même temps cet été. Ils ont naturellement des productions pour 2022 et 2023, mais viennent aussi avec une réflexion pour 2024, 2025 en terme de production.

 

Moovee : peut-être que vous voulez ajouter un dernier mot pour la fin ?

Stéphane Malagnac : Pixii est aussi pour le grand public, c’est six jours et huit lieux qui proposeront une sélection internationale d’oeuvres ! On a de belles oeuvres, donc n’hésitez pas à venir !

Et pour la partie professionnelle, Sunny Side ce sont d’abord et avant tout des sessions de pitch thématiques. Jusqu’à présent il y avait une catégorie « expérience immersive » dans laquelle on mettait un petit peu tout. J’ai proposé qu’il y ait cette année deux sessions : une dédiée à la VR et une autre digital narrative story, où on a beaucoup insisté sur les podcasts cette année. On est le festival international des cultures digitales, la VR est ce qu’il y a de plus sexy, mais nous voulons être le festival de toutes les cultures digitales !