Salles de cinéma du futur : les prévisions de Jean-Marie Dura

Ancien directeur général d'UGC et d'Ymagis, Jean-Marie Dura a mené, à la demande du CNC, une réflexion sur l'avenir de l'exploitation cinématographique. Son rapport (téléchargeable sur le site du CNC) a été rendu public fin septembre à l'occasion du dernier congrès des exploitants. Parmi les thèmes majeurs : technologies, méga-circuits, reconquête des centre ville figurent parmi les thèmes majeurs de ce rapport
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Les tendances

Jean-Marie Dura base ses prévisions d’avenir sur une analyse des grandes tendances à l’oeuvre actuellement dans l’exploitation . Elles sont de trois ordres.

Toujours plus de technologies : leur place a fait un bond spectaculaire dans les salles depuis l’arrivée de la projection numérique à la fin des années 2000; mais si le cinéma numérique a été conçu au départ pour être au moins aussi performant que le 35mm, les dernières innovations (éclairage au laser, imagerie à haut contraste, son immersif…) sont en train de faire basculer l’image et le son dans une nouvelle dimension qui donne encore plus de poids à la high-tech dans les projections.

Les technologies numériques investissent aussi le marketing des cinémas (promotion des films sur internet, vente des tickets en ligne,…). Leur essor n’est pas aussi rapide dans ce domaine que dans celui de la projection mais il s’accélère par la force des choses, internet étant devenu la principale vitrine du cinéma pour les spectateurs.

La consolidation du secteur de l’exploitation : comme la fréquentation a tendance à se stabiliser aux Etats-Unis et en Europe, les opérations de fusion et d’acquisition entre circuits de salles ont tendance à augmenter. Détenir un nombre d’écrans plus important permet en effet aux chaînes de négocier de meilleurs coûts auprès de leurs fournisseurs (taux de location des films, prix du matériel de projection, …) et, en conséquence, de préserver ou même d’accroître leurs marges même si les recettes stagnent.

Le cas de consolidation le plus spectaculaire est celui du groupe Wanda qui possède la principale chaîne de cinémas en Chine : Wanda a racheté le deuxième circuit de salles américain (AMC) en 2013 et le premier circuit européen (UCI-Odeon) pendant l’été 2016.

La reconquête des centre ville : que ce soit parce qu’ils sont moins attirés par les commerces de périphérie ou parce qu’ils veulent limiter leurs déplacements en voiture, une partie des habitants des centres urbains ont tendance à réinvestir les coeurs des villes. Ce mouvement de retour est assez marqué dans certains pays d’Europe, en Grande-Bretagne notamment où plusieurs centres de grandes villes ont été réaménagés.

Ces rénovations et ces changements de mentalité redonnent des atouts aux cinémas “intra muros” qu’on a longtemps crus condamnés face aux multiplexes de périphérie.

 

Les prévisions

Jean-Marie Dura tire de cette analyse des tendances trois scénarios principaux pour l’avenir.

Les grands cinémas, de plus en plus “technologiques” et adossés à des méga-circuits : le modèle du multiplexe (et du centre commercial) de périphérie est loin d’être condamné par le mouvement de retour vers les centre-ville. Mais pour qu’ils continuent à attirer les spectateurs en masse, Jean-Marie Dura prédit que les multiplexes devront promettre des expériences toujours plus spectaculaires qui passeront par des solutions technologiques de plus en plus sophistiquées (image, son, interactivité, fauteuils dynamiques…).

Seuls des circuits géants pourront, selon Jean-Marie Dura, faire face aux coûts d’équipement et de fonctionnement de ces salles. Le mouvement de consolidation qui vient d’être amorcé n’en serait donc qu’à ses débuts.

Des cinémas de centre ville proposant une offre éclectique. Pour Jean-Marie Dura, le succès et l’équilibre financier des futurs complexes des coeurs de ville passent par un élargissement de la programmation : aux films s’ajoutera une programmation régulière de contenus alternatifs (opéras, concerts, théâtre,…) mais aussi de conférences (avec des intervenants présents en chair en os dans les salles).

La diversification passera aussi par la restauration : le bar ou le restaurant sera, pour Jean-Marie Dura, un élément essentiel des “lieux de vie” que seront les cinémas de centre ville de demain et les recettes qui en seront tirées participeront à leur équilibre financier (la restauration de qualité devenant pour ces cinémas l’équivalent de ce que représente la confiserie pour les multiplexes)

Pour offrir une telle diversité, il faudra que ces cinémas aient plus d’écrans que les établissements de centre ville actuels. Vu le coût de l’espace, les dimensions moyennes des salles seront donc plus réduites.

Des cinémas connectés : l’activité des salles du futur, qu’elles soient en centre ville ou en périphérie, reposera étroitement sur internet. Le personnel des salles devra être formé aux techniques marketing du web pour aller chercher le spectateur en ligne et lui proposer les offres correspondant à ses attentes.

En matière de marketing digital, les salles françaises ont semble t’il un peu de mal à rentrer dans l’avenir : moins de 10% des tickets y sont vendus en ligne contre 30% en Grande-Bretagne et 20% en Espagne. Ce serait déjà un billet sur deux en Chine.