Des étudiants français récompensés sur le Computer Animation Festival du Siggraph

Lauréat du Best in Show au SIGGRAPH 2025, le court-métrage Trash confirme l’excellence de la nouvelle génération d’animateurs formés à l’ESMA.
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Le court-métrage TRASH, réalisé par huit étudiants de la promotion 2024 de l’ESMA vient de remporter le prestigieux prix Best in Show lors du SIGGRAPH 2025, l’un des événements les plus renommés au monde en matière d’animation et d’images de synthèse. Une reconnaissance exceptionnelle pour ce film qui poursuit sa vertigineuse ascension à travers les festivals internationaux.

 

Réalisé par Maxime Crançon, Fanny Vecchie, Margaux Lutz, Romain Fleischer, Alexis Le Ral, Grégory Bouzid, Robin Delaporte et Mattéo Durant, le court-métrage TRASH impressionne depuis sa toute première projection. Le film marque les esprits par son rythme effréné et son esthétique singulière, et ce nouveau prix décroché au SIGGRAPH vient couronner un parcours déjà riche en récompenses.

 

Le pitch est aussi simple qu’efficace : dans une ruelle sombre, un maigre rat n’a d’autre choix que de se battre avec un pigeon pour une petite part de pizza. La tension monte d’un cran lorsqu’ils se lancent dans une course-poursuite vertigineuse, bondissant du haut en bas de la rue, entre obstacles urbains et situations rocambolesques. Ce duel est servi par une animation d’une grande fluidité.

 

Rencontre avec deux de ses réalisateurs : Maxime Crançon et Robin Delaporte…

 

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Quelles ont été vos sources d’inspiration pour réaliser ce film “Trash” ? Votre court-métrage dépeint une confrontation énergique et haletante entre deux animaux urbains rarement valorisés au cinéma, pourquoi avoir choisi un rat et un pigeon comme protagonistes et avec quel regard sur leur symbolique ?

Maxime Crançon : Nos sources d’inspirations pour le film sont assez variées. On a principalement pioché dans le cinéma live-action, avec des réalisateurs comme David Fincher, Ari Aster ou Gaspar Noé qui nous ont marqués, autant visuellement que narrativement. Dans les films d’animation, nous avions Tokyo Godfather (Satoshi Kon) et Amer Béton (Michael Arias) dont nous nous sommes inspirés. Le choix des animaux a changé plusieurs fois au cours de la production, nous voulions qu’ils incarnent le côté urbain et sale de la ville. En choisissant des espèces souvent repoussantes ou craintes, mais également très présentes dans nos rues, ils sont familiers au public et permettent cette comparaison entre humains et animaux.

 

Lors de la genèse et la production du film “Trash”, entièrement en 3D et particulièrement bien réalisé en matière de rendu 3D des scènes d’action, quels ont été les obstacles techniques et créatifs que vous avez dû surmonter ? Quelles sont les techniques et outils que vous avez utilisés ?

Robin Delaporte : Tout d’abord, merci pour votre compliment quant à la qualité visuelle de notre film, cela nous touche beaucoup. La production de Trash a en effet été très chargée en termes de défis techniques. La plupart découlent directement de notre volonté de faire un semi-plan séquence (pendant environ du film). La dernière année est déjà une sorte de “course contre la montre” en soi, et le plan séquence imposait de réfléchir à la qualité des décors – gigantesques par rapport à nos protagonistes -, mais aussi à la manière de réaliser une caméra très dynamique. Cela nous a amené à passer un temps considérable pour l’élaboration du storyboard, car changer une partie du film impliquait généralement des lourdes modifications sur tout ce qui venait ensuite. 

 

Sur le plan technique, pour rendre le film réalisable dans le temps imparti, chaque étape du workflow était réfléchie pour être optimisée autant que faire se peut. Un setup Houdini a été réalisé pour nous permettre de projeter notre direction artistique sur tout un décor, ou sur nos personnages. Tout un panel de programmes (notamment un Pipeline Manager et une interface de denoising) ont été réalisés au cours de l’année pour automatiser les processus, organiser les choses, ou nous permettre d’intervertir différentes versions de même objet. Cette dernière partie fut capitale, afin de ne pas tout le temps travailler avec des décors / objets de la meilleure qualité (utile pour des plans rapprochés). La ruelle est pensée pour être modulaire, ainsi plusieurs versions existent pour chaque immeuble / partie d’immeuble, chacune de qualité différentes, ce qui permettait d’utiliser l’une ou l’autre en fonction de nos besoins en termes de définition graphique.

 

Les nombreuses sélections et prix récoltés à travers le monde témoignent d’un fort impact visuel et narratif. Quels éléments, selon vous, expliquent le succès de “Trash” auprès des différents jurys et publics des festivals ?

Robin Delaporte : Nous sommes très sensibles à l’accueil que reçoit le film, ça nous touche beaucoup et nous motive dans notre passion. Je pense que c’est une combinaison de facteurs qui crée une singularité chez Trash. En me basant sur les retours que nous font les gens, l’ambiance sombre, glauque, et les visions chocs montrées au cours du film jouent beaucoup dans le ressenti qu’ont les gens. Nous avons toujours pensé que pour le public le film serait clivant, soit ils l’aimaient soit ils le détestaient. 

 

Le plan séquence ainsi que la direction artistique participent aussi au succès de Trash, car ils représentent tous deux un défi conséquent dans la réalisation d’un court-métrage étudiant en 15 mois. Nous sommes ravis d’avoir fait ces choix qui aujourd’hui suscitent autant de réactions positives. Également, la musique joue énormément pour moi dans l’émotion que ressentent les gens lors des projections. Quentin a fait un travail formidable et j’ai beaucoup reçu ce retour que le film n’aurait pas été le même sans son travail. Elle suit vraiment la narration, colle parfaitement à l’ambiance du film. Et la fin gagne tellement en intensité !

 

Comment vivez-vous cette nouvelle notoriété et vous sert-elle déjà aujourd’hui ?

Maxime Crançon : Nous sommes très honorés de l’attention que reçoit notre film, réellement je pense qu’aucun de nous ne s’y attendait. Pour l’instant ce succès nous a donné l’opportunité de voyager entre les festivals, d’y faire de belles rencontres et de participer à des évènements auxquels on aurait jamais pensé ! Cela dit, malgré cette belle visibilité, nous n’avons pas encore trouvé de poste fixe, donc on espère maintenant que cette reconnaissance nous ouvrira des portes à plus long terme.

 

Propos recueillis par Marc Bourhis

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