Sunny Side of the Doc 2016: les ambitions du documentaire

Plusieurs indicateurs confirment le retour en force du documentaire avec notamment des formes mixant allègrement nouvelles fenêtres de diffusion et technologies innovantes. La vitalité de la 27ème édition du Sunny Side, marché international du documentaire, en Juin dernier, a bel et bien confirmé cette tendance.. So, What’s up, doc ? *
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« Le documentaire est de retour ! », pouvait-on entendre dans les allées du Real Screen Summit qui s’est déroulé en janvier à Washington. À croire que ce dernier avait totalement disparu des radars. Ce constat, unanime et qui a vu de nouveau son illustration à La Rochelle dans le cadre de Sunny Side of the Doc, souligne une tendance. Avec des sources de financement historiques en perte de vitesse, des fenêtres de diffusion liées aux nouveaux usages et l’arrivée de technologies plus abordables, le documentaire – notamment de type Factual Content – rivalise d’ingéniosité pour reprendre des couleurs. Et, avec de l’ambition !…

 

VàD et TVR : en progression

La télévision de rattrapage permet une nouvelle visibilité pour le documentaire. L’offre de TVR sur Internet des chaînes nationales gratuites est composée en moyenne de 699 heures de documentaires par mois en 2014, contre 573 heures en 2013 (+ 22,1 %). Cela représente 4,6 % de l’offre de programmes mis à disposition en TVR sur Internet par les chaînes nationales gratuites en 2014 (4,1 % en 2013). Arte (205 h/mois en moyenne) devance France 5 (154 h) et France 3 (78 h).

Du côté des plates-formes de VàD, le CNC a indiqué en mars 2015 en avoir recensé 90 services actifs (hors hébergeurs de services de VàD, hors services de télévision de rattrapage). Certaines plates-formes ne proposent que du documentaire audiovisuel, d’autres audiovisuel et cinéma.

 

US back to France !

L’un des enseignements de Sunny Side 2016, c’est le retour des États-Unis ; et leur appétence à trouver et financer des projets en Europe se confirme.

« Nous sommes en train d’assister à un retour marqué des diffuseurs télévisuels d’Amérique du Nord et à l’arrivée des nouvelles plates-formes SVOD, au moins pour tout ce qui recouvre ce que l’on nomme Specialist Factual (histoire, sciences, « wildlife », archéologie), qui sont tous ces programmes alimentant les prime time et les Specials des chaînes linéaires. Ces diffuseurs – de quelque nature qu’ils soient – viennent en Europe chercher des sujets, des producteurs, des opportunités. C’est un phénomène relativement nouveau à cette échelle », explique Yves Jeanneau, commissaire des marchés Sunny Side.

Pour preuve, le marché de La Rochelle accueilli de prestigieux responsables éditoriaux comme Tim Pastore, président du département Programmes originaux et Production de l’ensemble des chaînes de National Geographic, Tom Koch, vice-président de PBS International ou encore David Royle, vice-président exécutif de Smithsonian Channels.

 

La SVOD à tous les étages

Face à la concurrence des plates-formes de type Netflix ou Amazon, ces mêmes chaînes ont entrepris une stratégie de reconquête du public… qui passe par une offre SVOD ! À l’instar de National Geographic, mais aussi de Smithsonian Channels : « Nous avons basé tout notre modèle sur l’adoption des nouvelles technologies, et nous proposons nos émissions sur différentes plates-formes. Donc, lancer un service de streaming d’histoire naturelle en 4K – Smithsonian Earth – sous forme de service SVOD et OTT aux États-Unis est une étape naturelle pour nous », explique David Royle.

La plate-forme CuriosityStream, avec ses 1 400 documentaires et 600 heures de programmes disponibles par abonnement, était également présente à Sunny Side, via sa présidente Elisabeth Hendricks North.

 

Sunny Lab : le doc version futur

Le Sunny Lab, le versant innovation de Sunny Side of the Doc, a fait la part belle à la réalité virtuelle qui, à l’instar des autres genres, touche désormais aussi le documentaire. En 2015, la présentation de The Enemy avait fait mouche à La Rochelle, et 2016 voit le dispositif gagner en ampleur. Un VR Lab était installé dans la Halle de l’Espace Encan avec un dispositif permettant de découvrir une programmation de films immersifs – 3D, prises de vues réelles…

 

VR et 360 ° s’ancrent dans le réel

Le documentaire a donc une carte à jouer en s’appuyant sur la réalité virtuelle ou la production de contenus 360 ° – comme il l’avait précédemment fait avec l’animation par exemple. En mélangeant les techniques, les producteurs s’assurent un intérêt supérieur de la part des financeurs, chaînes et/ou plates-formes. Ainsi, National Geographic a annoncé en mai dernier le lancement de son propre studio de réalité virtuelle – NG VR Studio – pour produire des contenus VR, notamment pour la série documentaire Explorer qui parle de l’exploration de Mars, pour la chaîne Nat Geo Wild.

Même chose du côté de Jaunt qui se lance avec Paul McCartney dans une série de documentaires courts autour de la musique… et en 360 °.

David Royle, de Smithsonian Channels, confirme : « Nous sommes très enthousiastes à propos de la réalité virtuelle, et sommes en train de développer un certain nombre de projets VR. Je crois que cela prendra du temps avant de devenir viable d’un point de vue commercial, mais c’est un superbe moyen de développer l’expérience de visionnage et d’impliquer nos spectateurs ».

 

CG, HD, UHD et réalité augmentée

Le documentaire s’appuie toujours autant sur l’image de synthèse à l’instar de ce que crée, société basée à Marseille, qui sera présente au Sunny Side of the Doc avec des projections holographiques.

Concrètement, on pourra voir surgir en réalité augmentée des dinosaures à plumes et à poils « plus vrais que nature », produits pour la série Les mondes perdus, tournée en 4K. Son fondateur Bertrand Loyer rappelle : « Avec le rachat de la société 3DFromMars, nous avons pu élargir notre offre de production en intégrant l’image de synthèse à nos productions déjà tournées en 4K voire 8K et stéréoscopiques ».

Saint-Thomas coproduit régulièrement avec Arte, NatGeo ou encore la NHK des films 4K, mais l’intégration de modèles propriétaires 3D de dinosaures a élargi le champ des possibles en termes de coproduction.

« Nous disposons d’outils propriétaires pour la génération de poils et de plumes que nous animons ensuite avec le logiciel Yeti de Peregrine Labs. L’objectif est de rentabiliser nos modèles en proposant des films pour les écrans géants de type Imax, mais aussi des livres interactifs, CD et autres pour créer un environnement cohérent ».

Le documentaire s’ouvre tous azimuts pour capter le meilleur du storytelling et de l’innovation technologique, et demeurer un genre encore prisé non plus uniquement par les chaînes historiques, mais par l’ensemble des modes de diffusion. Pour Yves Jeanneau, « les nouveaux supports de diffusion – et les nouveaux usages – génèrent des productions expérimentales et innovantes, de nouveaux modes de financement et d’exploitation. Il y a une vraie demande de nouvelles écritures, utilisant de manière créative les nouvelles technologies (dont la Réalité Virtuelle). Ces nouvelles écritures doivent apporter des réponses aux nouveaux besoins et créer de nouveaux usages. Et Sunny Side va être l’occasion d’approfondir la compréhension de ces évolutions. »

 

* Extrait d’un article paru en intégralité, pour la première fois, dans Mediakwest #17. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour recevoir, dès leur sortie, nos articles dans leur totalité.