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Tout sur l’histoire du Steadycam

Monsieur Garrett Brown, le célèbre inventeur du steadicam, est venu donner une masterclasse à la Cinémathèque à propos de son invention… Il était une fois [...]
Steadycam. © DR

Monsieur Garrett Brown, le célèbre inventeur du steadicam, est venu donner une masterclasse à la Cinémathèque à propos de son invention…

Il était une fois un petit garçon dont le papa était chimiste et inventeur… Génétique, quand tu nous tiens… Enfant, il reçut en cadeau un livre sur la vie de Thomas Edison, il est des lectures qui peuvent décider d’une vie. Mais le petit Garrett n’était pas attiré par les inventions. Il voulait être chanteur de folk. Il débuta dans cette carrière, mais les Beatles débarquèrent et eurent raison de ses ambitions musicales.

En même temps, il était absolument fan de cinéma et voulait y travailler. Il regarde beaucoup de films, est fasciné par les mouvements de caméra et les outils qui permettent de les effectuer. Il admire les mouvements de caméra du Napoléon d’Abel Gance, est un grand admirateur de la Nouvelle Vague mais goûte peu les plans effectués caméra à l’épaule. Les caméras silencieuses sont lourdes à l’époque. Pour les déplacer, elles exigent une machinerie lourde comme les Dollys. Il fréquente assidument le rayon machinerie de cinéma de la librairie de Philadelphie. Il achète une Dolly et cinq rails (quatre rails droits et un courbe) qu’il installe dans son studio. En revanche, il possède une toute petite caméra 35 mm et le contraste entre la taille de la Dolly et celle de la caméra est grand. Les mouvements qu’il effectue sont toujours les mêmes. Garrett Brown invente un petit chariot très bas qui permet d’imiter le point de vue subjectif d’un chien.

Un jour, il est appelé pour filmer une publicité pour les voitures de la marque Subaru. Les voitures roulent sur la piste d’un aéroport. Garrett Brown les suit en hélicoptère et la caméra est accrochée au bout d’une longue perche pour pouvoir filmer à la même vitesse au niveau des vitres des conducteurs. Le plan est impressionnant et d’une stabilité incroyable. Une idée commence à faire son chemin dans son esprit…

 

Premiers prototypes et premiers plans

Garrett Brown dessine et met au point un premier engin. Le point d’équilibre pouvait être varié en déplaçant la main le long de la perche. Le procédé demandait à être amélioré. En effet, quand on levait la caméra en contre-plongée, celle-ci ne restait pas dans l’axe. Ensuite, Garrett améliore son engin en lui adjoignant un axe articulé. Il utilise une caméra Eclair 16 mm et cadre grâce à une reprise de la visée en fibre optique. Il relie cette dernière à son œil grâce à un casque enfilé sur la tête. L’ensemble est très lourd ; néanmoins, il filme sa femme courant sur les escaliers extérieurs du musée de Philadelphie (plan qui deviendra célèbre, nous le verrons) et réalise une bande démo des plans impossibles à faire autrement qu’avec son invention. Il envoie cette bande à Hollywood. Il lui est demandé de faire la même chose avec une caméra 35 mm… Le problème est de poids…

 

Retraite monacale et réflexion intense

Garrett Brown décide donc de s’enfermer dans une chambre de motel pour réfléchir à un engin qui permettrait d’avoir une parfaite stabilité pour exécuter des mouvements panoramiques horizontaux et verticaux. Il écrit sur deux diagrammes tout ce qu’il veut obtenir. Tout est déjà là, le harnais, le gimble, le bras articulé, mais le viseur est toujours sur l’œil. Par ailleurs Garrett n’est pas tout à fait satisfait de l’amplitude de l’axe optique. En effet, ce dernier ne peut varier qu’entre l’épaule et la hanche de l’opérateur. Le viseur est toujours sur l’œil.

En 1977, il dépose son brevet accompagné d’un schéma. Il réalise une nouvelle bande démo de plans impossibles à faire autrement et l’envoie de nouveau à Hollywood. L’entreprise Cinema Product lui donne son accord, le prend quand même un peu pour un rigolo et décide de mettre le steadicam au point sans son aide. Seulement, sept mois plus tard, le prototype engendré ne convient pas du tout, les ingénieurs n’avaient pas suffisamment communiqué entre eux. Garrett Brown lance un ultimatum à Cinéma Product et leur accorde deux mois pour obtenir un résultat satisfaisant. Le défi fut relevé.

 

En route vers le succès

Garrett tourne des publicités, dont une pour les chaussures Sneakers. Le réalisateur, content du résultat, lui propose de travailler sur son long-métrage. Il s’agit de Bound of Glory (En route pour la gloire) de Hal Ashby. C’est la première fois qu’il participe au tournage d’un long-métrage et qu’il voit une grue. Il montera sur la grue, une fois le mouvement de grue descendant achevé, Garrett en descendra avec son steadicam et continuera le plan à pied. Il ne voyait rien dans le viseur, mais il connaissait la position de la caméra et cela lui permettait de cadrer. Il se déplaçait au milieu des figurants qui ne remarquaient pas la caméra, elle devenait furtive.

Quelques mois plus tard, Sylvester Stalone, qui a vu le plan dans les escaliers, l’embauche pour Rocky et refaire le même plan. Rocky est un film très peu financé parce que Stalone, qui est encore inconnu, en a écrit le scénario et veut être l’acteur principal. Il connaîtra le destin que l’on sait… À la suite de ce film, les escaliers du musée de Philadelphie deviendront le deuxième lieu le plus visité de la ville. Le directeur du musée, qui est le voisin de Garrett, regrette que les gens qui grimpent les marches n’entrent pas plus souvent dans le musée…

Stanley Kubrick a vu la bande démo de Garrett, il lui envoie un télex : « La bande démo avec le mystérieux stabilisateur tenu à la main était spectaculaire et vous pouvez compter sur moi comme client. Cela va révolutionner la manière de tourner les films. Si vous voulez vraiment protéger votre modèle avant de l’avoir complètement breveté, je vous suggère d’effacer de votre bande démo les deux occasions où l’ombre sur le sol montre votre ingénieux procédé. Un interprète intelligent des images y voit honnêtement et clairement une représentation d’un homme portant d’une main une perche avec quelque chose à une extrémité et autre chose en bas et qui semble se mouvoir lentement. Mais je garderai mes lèvres scellées. J’ai une question : y a-t-il une hauteur minimum d’utilisation ? Bien à vous. » Stanley Kubrick.

Naturellement, Garrett fut très impressionné. On se doute que c’est pour le tournage de Shinning qui dura un an, que la position « low mode » fut trouvée. La neige était en sel. Garrett Brown portait un casque HF sur lui pendant les prises pour repérer le petit garçon dans le labyrinthe. Ce dernier allait où il voulait et se perdait souvent. Afin que les traces de pas de l’opérateur ne soient pas visibles dans la neige, des semelles identiques à celles du petit garçon étaient fixées sous ses chaussures. Garrett a pris un réel plaisir à couper les angles grâce au steadicam dans le labyrinthe.

Sur Star Wars, pour la séquence des scooters volants dans la forêt, la vitesse de la caméra était ralentie pour donner une impression de vitesse. La caméra devait toujours rester à la même hauteur. Pour ce faire, un fil était tendu à la hauteur de l’épaule de Garrett afin qu’il puisse le suivre.

Assez rapidement, Garrett participe à une centaine de tournages de longs-métrages. Mais il n’a jamais eu l’occasion de tourner sur des fonds verts. Les prises de vues acrobatiques, il les a faites dans des conditions réelles comme sur le pont suspendu à 50 mètres de hauteur en corde et bois des Aventuriers de l’Arche perdue de Steven Spielberg.

En 2005, il est venu tourner à Paris La Traviata pour la RAI, un magnifique souvenir pour lui. Il s’agissait de transmettre en direct cet opéra de Verdi tourné en décors naturels, éclairés par Vittorio Storaro, excusez du peu… Plusieurs opérateurs Steadicam ont participé à l’aventure, dont Valentin Monge. Garrett a vu Valentin descendre et s’agenouiller avec sa machine. Ensuite, il a marché sur les genoux avant de se relever et de continuer à avancer. Monsieur Brown a été absolument épaté par la performance du fils de Jacques Monge. Certains décors étaient particulièrement exigus, néanmoins de longs plans-séquences y furent tournés. Garrett a ressenti une grande émotion en filmant les chanteurs en direct d’aussi près. Cet opéra fut transmis en Mondiovision.

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #1, p.18/20. Abonnez-vous à Moovee (4 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.


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