BlackMagic Pyxis 6K, un bloc hautement accessoirisable

Le nouveau design cubique de la Pyxis répond à une forte demande des utilisateurs des caméras Blackmagic, notamment les amateurs des modèles Pocket. Nous avons voulu comprendre à quelles attentes cette caméra pouvait répondre.
La caméra Blackmagic Pyxis 6K en situation. © Loïc Gagnant

 

Convaincus de la qualité des images des caméras Blackmagic, nombre de vidéastes appréciaient moins leur ergonomie et capacité d’accessoirisation. Afin de leur répondre, le fabricant a conçu un nouvel écrin pour abriter le capteur et en grande partie les éléments constitutifs de la Cinema Camera 6K.

Imaginée pour la création d’images cinématographiques, qu’elles soient destinées au grand écran, à la télévision ou aux films publicitaires et corporate, la Pyxis sera peut-être l’introduction d’une nouvelle gamme de caméras abordables. Quelles sont les limites d’une caméra proposée au tarif agressif de 2 925 euros (3 125 euros en monture PL) ? Des marchés comme celui du documentaire pourraient-ils tirer avantage de sa qualité d’image en bénéficiant d’une maniabilité suffisante au quotidien ?

 

La proposition

Le capteur de la Blackmagic Pyxis 6K est un modèle 6K Full Frame. © Loïc Gagnant

Le capteur Full frame de 24 x 36 mm, proposant une résolution native de 6 048 x 4 032, est complété par un filtre passe bas optique (OLPF) qui évite les problèmes de moiré. Parmi les compromis, l’intégration de filtres neutres (ND) n’a pas été retenue lors de la conception de la Pyxis à l’inverse de celles des caméras Pocket Cinema Camera 6KPro et Ursa Mini Pro 4,6K G2. Pour contrer ce manque, les utilisateurs pourront enrichir leur kit caméra d’une Mattebox ou d’adaptateurs optiques disponibles dans les deux cas avec des filtres ND intégrés (chez Tilta pour les Mattebox et Nisi pour les adaptateurs par exemple).

Trois montures sont proposées à l’achat de la Pyxis, mais attention : une fois choisies elles ne sont pas interchangeables. La monture PL permet d’utiliser de superbes optiques de cinéma, également disponibles en location, notamment pour la préparation d’images anamorphiques. Le large parc d’optiques Canon EF disponible depuis la création de cette monture mérite une caméra comme la Pyxis. Le grand succès de la monture L compatible nativement avec les derniers objectifs de Leica et Panasonic s’explique également par sa conception qui permet l’adaptation de très nombreux « cailloux » récents ou anciens grâce à un fort diamètre et une faible distance entre la bride de la monture et le capteur (tirage optique). Des bagues d’adaptation de montures L vers EF et L vers PL sont proposées par différents fabricants. Les caméras Blackmagic ne sont pas réputées pour la qualité de leur autofocus. Des outils d’assistance à la mise au point tels que le focus pro de DJI apporteront une aide précieuse compatible avec la recherche d’un esthétisme cinématographique.

 

L’optique en monture L montée sur la Blackmagic Pyxis 6K. © Loïc Gagnant

Sous le capot

Le duo capteur-électronique de la caméra autorise une dynamique de 13 diaphs. La Pyxis reprend le principe de double ISO natif conçu autour de deux circuits différenciés de traitement des signaux issus du capteur pour optimiser la plage dynamique et le bruit du capteur à la luminosité de la scène. La sensibilité peut être réglée jusqu’à 25 600 ISO. Le premier ISO natif est exploité jusqu’à 1 000 ISO, le second à partir de 1 250 ISO.

Les cadences d’images autorisées sont suffisantes pour de nombreux projets, mais les plus hautes valeurs sont limitées à un enregistrement sur une zone fenêtrée du capteur. En pleine résolution, la cadence maximale est de 36 images par seconde. Elle atteint 60i/s en 6 048 x 2 530 2.4:1 ou en 4K DCI (4 096 x 2 160) et 120 im/s en HD. Chaque résolution et ratio d’images exploite uniquement le nombre de pixels correspondant sur le capteur. Cela signifie qu’hormis les plus hautes résolutions, la focale équivalente (à celle annoncée en 24 x 36 mm) augmente d’un facteur équivalent à la réduction de la résolution horizontale exploitée. Cela peut être avantageux pour rechercher un cadre plus resserré à partir d’une optique, mais doit être connu avant de choisir son format.

 

Le Cube

La caméra Blackmagic Pyxis 6K est un cube hautement accessoirisable. © Loïc Gagnant

Usinée en aluminium de qualité « aérospatiale », la forme à l’origine de la conception de la Pyxis offre une prise en main très rassurante, mêlant une belle impression de solidité à une vraie légèreté. Là où les modèles Blackmagic Cinema Camera et Blackmagic Pocket Cinema Camera nécessitent rapidement l’investissement dans une cage plus ou moins complète, la Pyxis pourra être très aisément accessoirisée grâce à de nombreux pas de vis un quart de pouce et trois huitièmes de pouce. La poignée Blackmagic Ursa Cine Handle disponible en option (199 euros) se fixe en haut de la caméra via deux pas de vis trois huitièmes de pouce qu’elle remplace par deux autres d’un quart de pouce.

La Pyxis sera très facilement fixée dans des conditions diverses telles que des grues, des drones ou des rigs. Un côté de la caméra peut accueillir trois types de supports latéraux (« plate »). Parmi les deux livrés avec la caméra, le premier accueille deux pas de vis un quart de pouce et un pas de vis trois huitièmes de pouce, le second nommé Blackmagic Pyxis SSD Plate permet de sécuriser un disque SSD ou un smartphone.

La Blackmagic Pyxis Rosette Plate disponible en option (65 euros) complète les possibilités d’accessoirisation avec cinq pas de vis d’un quart de pouce et quatre pas de vis de trois huitièmes de pouce elle permet également de recevoir des poignées ou des bras d’extension sur fixation rosette Arri.

 

Manipulation et touches de fonction

La mise sous tension prend seulement deux à trois secondes. La caméra peut se piloter via l’écran tactile latéral HD et HDR de 4 pouces dont la luminosité de 1 500 nits autorise la manipulation des menus même sous le soleil. Le bouton rouge « Rec », situé en bas à gauche de l’écran, peut parfois gêner la mise au point manuelle et provoquer des déclenchements ou des arrêts intempestifs. Les utilisateurs retrouveront avec plaisir le même système d’exploitation et son interface intuitive commune aux caméras du constructeurs et adapté aux fonctionnalités de chaque modèle. La manipulation des différentes caméras ainsi que la formation des opérateurs est facilitée.

Tous les paramètres tels que les formats, timecodes, VU-mètres et histogrammes y sont affichés. Seize boutons, une molette crantée et un bouton de blocage des fonctions sont accessibles en dessous et à gauche de l’écran pour un accès direct aux opérations essentielles telles que la sensibilité, la balance des blancs, l’exposition, la vitesse, la lecture des plans ou l’enregistrement. Très simple, suffisamment légère et bien équilibrée pour les stabilisateurs, elle reste suffisamment lourde pour la captation à main levée.

Une des limites de la Pyxis est la valeur mesurée assez importante du rolling shutter. Ce paramètre représente la déformation verticale de l’image due à une lecture trop lente des informations du capteur. En open gate (captation plein capteur), la valeur avoisine les 25 millisecondes. Toutes les captations ne sont pas impactées de la même manière par ce paramètre. Même à main levée et en mouvement, les défauts s’avèrent gênants uniquement lors de panoramiques plutôt rapides. Cela se voit notamment lors de suivi d’athlètes sur un terrain de sport. La caméra enregistre dans les métadonnées du signal RAW les informations collectées image par image du capteur gyroscopique qui permet notamment d’épauler de manière convaincante l’outil de stabilisation de DaVinci Resolve, notamment pour le traitement du rolling shutter.

 

Connectiques

La caméra Blackmagic Pyxis 6K abandonne les connectiques HDMI au profit du SDI. © Loïc Gagnant

 

Le HDMI a disparu au bénéfice des connectiques SDI plus sécurisées avec une sortie vidéo 12G-SDI pour le monitoring supportant un signal HDR et Ultra HD et une entrée référence (timecode). Cette dernière permet d’initier un timecode synchronisée entre plusieurs caméras en cas de tournage multicaméra ou entre la Pyxis et un enregistreur audio externe. Des boîtiers timecode, tels que les modèles des constructeurs Tentaclesync ou Deity, permettent l’enregistrement d’un timecode via cette prise BNC ou en audio via les prises jack 3.,5 mm ou XLR.

 

Alimentation

L’alimentation secteur exploite un connecteur 12 volts Lemo deux broches largement apprécié pour sa robustesse et sa fiabilité. Du côté des batteries, Blackmagic a opté pour des modèles plébiscités pour leur solidité, les BP-U d’origine Sony disponibles dans de nombreuses capacités et permettant une plus longue durée d’exploitation (annoncée jusqu’à trois heures pour les plus gros modèles). De nombreux fabricants proposent des batteries BP-U parmi lesquels IDX, Swit, Anton Bauer, FXLion ou Blueshape pour citer certaines marques reconnues.

 

Écran ou œilleton en option

En plus des réglages tactiles, l’écran intégré permet de visionner sur le plateau les plans enregistrés ou en cours de captation. Équipé de repères de cadrage, il peut également aider à la mise au point notamment lorsqu’un pointeur assiste le chef opérateur. Cependant, pour être pleinement utilisable par l’opérateur, l’écran aurait dû être orientable.

Le moniteur Blackmagic Pyxis Monitor HDR disponible en option trouvera une place privilégiée dans la valise de la caméra. Gagnant 1 pouce par rapport au modèle 4 pouces intégré, il conserve le contrôle tactile total de la caméra et la forte luminosité de 1 500 nits. Trois boutons personnalisables facilitent les manipulations via un accès rapide au peaking pour la mise au point et aux zébra et aux fausses couleurs pour l’exposition. Trois options d’accessoirisation complètent l’écran d’un pare-soleil (option 1 : 339 euros) ou de deux kits de montage avec et sans tiges en fibres de carbone (option 2 : 449 euros et option 3 : 725 euros).

Le Pyxis Monitor se connecte à la caméra via une unique connectique USB-C sécurisable par vis pour l’alimentation et le signal vidéo. C’est également le cas pour l’œilleton Blackmagic Ursa Cine EVF disponible en option (1 775 euros). D’apparence très qualitative et solide, son écran OLED HD est coiffé d’un dioptre en verre réglable permettant une adaptation fine à la vue du cadreur.

Surmonté de trois boutons assignables et d’une lumière tally, il affiche en surimpression sur l’image les mêmes informations que les moniteurs : VU-mètre, état de caméra et de l’enregistrement, repères de cadrage. Son système d’accroche via trois tiges en carbone de 15 et 19 mm autorise différentes positions selon l’orientation de la caméra lors de la prise de vue. Un bras d’extension est également proposé pour l’utilisation de la caméra sur dolly.

 

Son

La prise mini XLR propose une alimentation fantôme 48 volts pour les micros électrostatiques professionnels. Associé à un préamplificateur de très bonne qualité à faible bruit, Blackmagic autorise un enregistrement professionnel. Notre surprise a été de bénéficier d’une unique prise au lieu des deux proposées sur les modèles type « boîtiers photo » dont la Cinema Camera 6K ou les Cinema Camera Pocket.

Dans de nombreuses configurations cinéma ou documentaires, des enregistreurs externes sont mis à contribution, mais certains vidéastes apprécieraient de pouvoir enregistrer un second canal « noble » sur la caméra. Ils pourront éventuellement se retourner sur la prise micro jack 3,5 mm plus connotée « grand public » côtoyant la prise casque.

Un haut-parleur intégré autorise la vérification sommaire du son en l’absence de casque. Les enregistrements externes bénéficieront de la connectique « référence » pour une synchronisation facilitée. Des micros internes autorisent la captation d’un son témoin utile à la synchronisation via l’audio en postproduction.

 

Enregistrement et codecs

Le choix fait par Blackmagic peut paraître ambitieux. Hormis l’enregistrement possible de fichiers proxy en H-264 HD 8 bits 4.2.0, le seul format disponible est le Blackmagic RAW 12 bits ou BRAW. Ce choix se justifie dans le cadre d’un workflow orienté cinéma, mais surtout la puissance des stations Mac ou PC actuelles et l’optimisation des nouveaux formats RAW « light », tels que le BRAW, ou ceux d’autres fabricants facilitent largement leur exploitation en postproduction. L’utilisation du BRAW haute résolution est fluide même sur des ordinateurs portables de gamme intermédiaire, en prenant éventuellement le soin de travailler sur des séquences à plus basse résolution que les fichiers sources.

À la différence des formats RAW originels, une partie de la débayerisation, c’est-à-dire du traitement des informations issues du capteur, est effectuée dans la caméra. Pour ceux qui ont toujours travaillé avec des formats vidéo traditionnels, l’avantage des formats RAW vient de leur conception. Les données collectées par le capteur sont enregistrées avec une compression dépendant d’un choix de qualité, mais les choix principaux faits par l’opérateur sont enregistrés en tant que métadonnées : la balance des blancs, l’espace colorimétrique, la courbe de transfert de luminosité (OETF ou « gamma »), et même la sensibilité peuvent être modifiés en postproduction.

 

Gros plan sur la sélection du codec RAW et la résolution de tournage. © Loïc Gagnant

 

Avec des objectifs compatibles, la distance focale est également enregistrée pour chaque image du fichier vidéo. Le BRAW supporte les traitements informatiques CPU multicœurs et GPU. Huit choix de qualité sont disponibles : quatre en qualité constante de Q0 à Q5 et quatre en débit constant de la plus faible compression 3:1 à la plus forte 12:1. En qualité constante, le débit s’adapte à la complexité des images. Pour les qualités les plus élevées et les plus hautes résolutions, des stockages suffisamment rapides doivent être prévus afin d’éviter les pertes d’images.

La qualité et les débits élevés permis par le support CF express permettent de travailler en toute sérénité. Deux emplacements sont prévus et permettent un enregistrement continu entre les deux. Des cartes sont disponibles jusqu’à 4Tb. Les débits les plus élevés satisferont les professionnels les plus exigeants pour l’exploitation sur grand écran, les étalonnages les plus précis ou les effets spéciaux. Les compressions 8:1 ou 12:1 restent visuellement de très haute qualité et permettent d’économiser de l’espace de stockage pour des films institutionnels ou destinés à Internet et les réseaux sociaux.

Utilisable sans licence, le BRAW est disponible sur la majorité des solutions de postproduction professionnelles. Il faudra parfois juste prendre soin d’installer un plug-in additionnel. Surplombant le bouton rouge REC sur le côté de la caméra, un bouton est dédié à l’enregistrement de photos de 24,6 mégapixels en BRAW. Un mode timelapse propose différents intervalles jusqu’à une image toutes les dix minutes.

 

Connexion réseau avec ou sans fil

Les fonctionnalités de connectivité pour le transfert de média en local ou dans le cloud et de pilotage de la caméra en réseau ou via Bluetooth élargissent le champ d’exploitation de la Pyxis. Les habituelles connectiques audio et vidéo sont complétées d’une prise Ethernet Rj45. Elle permet de contrôler la caméra via l’API REST sécurisé ou la copie des fichiers en local ou à distance via le Blackmagic Cloud en les associant éventuellement à un projet DaVinci Resolve. Les fichiers proxy peuvent être très rapidement téléchargés sur le stockage cloud de Blackmagic pour permettre d’entamer la postproduction en parallèle du tournage.

Avec le Blackmagic Cloud, des utilisateurs pouvant travailler sur un même projet en mode collaboratif, le montage pourra débuter parallèlement dans un ou plusieurs studios. Une équipe de DIT aura même la possibilité de présenter aux responsables de la production ou au réalisateur sur le plateau des premiers retours d’étalonnage idéalement affinés dans les conditions d’un studio fixe. De nombreux workflows novateurs peuvent être imaginés.

En l’absence de connexion Internet filaire, ou pour éviter d’ajouter un fil à la patte de la caméra, la Pyxis peut exploiter la connexion 4G ou 5G d’un smartphone via un port USB-C, une platine de fixation est prévue pour cet usage.

 

Streaming live SRT et RTMP

En exploitant les mêmes possibilités de connexion via RJ45 ou 4G/5G via smartphone, la Pyxis intègre un encodeur de streaming en RTMP ou SRT pour une diffusion des captations en live sur Internet ou les réseaux. L’état de la connexion et le débit du flux de streaming sont vérifiables sur les moniteurs. Un Atem Streaming Bridge permet de décoder le flux H-264 et de l’afficher sur un moniteur à distance, dans un studio de postproduction par exemple !

 

Contrôle à distance via Bluetooth

La connexion en Bluetooth autorisant la commande de la caméra jusqu’à une distance de 9 mètres, idéale pour son exploitation sur un RIG, une grue ou une dolly, est présente depuis plusieurs années sur de nombreux modèles de Blackmagic. Des applications sont disponibles sur plusieurs « device » : l’app Blackmagic Camera Control pour iPad directement développée par l’éditeur ou Bluetooth+ et tRigger développés par des éditeurs indépendants. Armé d’un minimum de compétences en développement, il est possible de développer sa propre solution grâce à un SDK gratuit disponible sur la page dédiée aux développeurs du site de Blackmagic Design.

Caméra de cinéma numérique, la Pyxis l’est indéniablement. Nous pensions que son utilisation était sensiblement restreinte à ce domaine, mais lors de sa prise en main, la Pyxis a présenté des atouts, notamment de connectivité, ouvrant son champ d’action. Les ingénieurs de Blackmagic ont opté pour des choix plus ou moins impactants comme l’absence de filtres neutres, l’unique prise audio XLR ou encore la sélection assumée de l’unique codec BRAW.

Si la valeur relativement élevée de rolling shutter correspond à votre type de prise de vue, la qualité de la construction de la Pyxis, les choix de résolution et de formats notamment anamorphiques cinématographiques et la qualité de l’image obtenue sont indéniables et la prise en main très réussie.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #61, p.14-18