Le réalisateur s’est glissé dans le rôle avec jubilation dans ce rôle de programmateur, non pas pour inventorier les étapes de sa carrière, mais pour saisir, en inventant de nouveaux dispositifs, son désir de cinéma, qui court depuis l’enfance et la Bretagne, dans ses propres films et ceux qui l’ont impressionné et formé, qu’il a découverts en tant que critique ou dont il a rêvé.
“Durant des années, le plus important dans ma vie était d’obtenir l’autorisation parentale, le vendredi soir, de quitter la maison familiale à vingt-deux heures pour rejoindre le Ciné-Breiz. Là, à peine installé dans la salle, je sortais un carnet et un crayon, parce qu’il n’était pas question à mes yeux de cinéphile ignorant et exalté d’envisager le cinéma comme un passe- temps, c’était du travail déjà, il me fallait prendre des notes durant la projection, puis rentrer dans la nuit au lotissement des Espaces Verts, fumer les deux cigarettes volées à ma mère, m’enfermer dans ma chambre et écrire la chronique qui paraîtrait à la fin du mois dans le journal du collège. Le peu de films qui parvenaient jusqu’à l’unique écran de mon village en Bretagne devinrent à la fois des refuges et des maîtres. Étudiant, l’addiction se substitua à l’application.
Je séchais la faculté et passais mes après-midis dans les salles, enchaînant les rétrospectives et les sorties de la semaine, effrayé à l’idée de rater quelque chose et convaincu que je ne parviendrais jamais à rattraper mon retard. Ces heures enfermées constituaient la part essentielle de mes jours ; les nuits je traînais dans les rues à la recherche d’hommes inconnus avec qui jamais je n’ai parlé cinéma. Paris mit un terme à ces mauvaises manières cinéphiles.
Je suis devenu un spectateur du dimanche, les films des autres n’étaient plus mon seul oxygène. J’ai commencé à écrire et aimer pour de vrai. J’ai commencé à me dire que mes yeux avaient besoin d’oublier ce qu’ils avaient vu et que le temps était venu des films à soi. Quand le Forum des images m’a proposé d’établir une programmation sur plusieurs mois, j’ai saisi cette chance pour me replonger dans mes mauvaises manières. Retrouver le plaisir du cinéma comme carte au trésor. Cette carte, je lui ai assigné quatre points cardinaux, à la fois guides et horizons : l’Amour, la Bretagne, la Critique, le Désir. Mes émotions se sont rangées dans un abécédaire, je me suis aperçu ainsi que programmer, c’était étrangement nommer, c’était sertir de mots des images qui nous ont échappé… “, explique Christophe Honoré.
Ainsi, sous la forme d’un abécédaire autobiographique, le cinéaste a-t-il composé un programme riche de 100 séances et décliné en quatre mouvements : l’Amour, la Bretagne, la Critique et le Désir. Pour raconter sa passion profonde et ancienne du cinéma, il a imaginé des dispositifs singuliers : des projections dont la fin n’est pas celle que l’on attend, des notices biographiques en avant-programme, un film à écouter dans le noir absolu, une séance de travail avec sa troupe autour d’un film imaginaire… Une constellation d’invité.es – proches collaborateurs, acteurs et actrices bien aimé.es, critiques de cinéma ou encore un collectif de jeunes cinéphiles – accompagne Christophe Honoré dans cette aventure, au Forum des images. Le cinéaste a réalisé des présentations vidéo projetées en ouverture de nombreuses séances.
Le programme est accompagné de sept cours de cinéma et deux tables rondes interrogent le rôle de la critique, pour l’une, et le métier d’attaché.es de presse, pour l’autre.
Mercredi 22 septembre (20h), en ouverture de cet abécédaire à la tonalité proustienne, Christophe Honoré vient présenter l’avant-première de son film Guermantes, une semaine avant sa sortie en salle, en compagnie des comédien.nes de la troupe de la Comédie-Française.
Toute la programmation ici…